3ème dimanche de l'Avent

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 11/12/16
Temps liturgique: Avent
Année: 2016-2017, 2015-2016


Lors d’une assemblée d’évêques dans un pays proche du nôtre, plusieurs prirent la parole pour dire tout le mal qu’ils pensaient des médias. Ils dénonçaient le sensationnalisme, le fait que certaines personnes étaient jetées en pâture et condamnées avant même que la justice n’ait été saisie, les titres racoleurs de certains articles, le manque d’objectivité et l’absence de recherche de la vérité. Après s’être étendu de la sorte sur le sujet pendant de nombreuses minutes, l’évêque en charge des médias prit la parole et commença son intervention par cette question : « Messeigneurs, ne pensez-vous pas que les médias sont la caisse de résonnance de ce que nous sommes ? Prenez l’exemple suivant : vous rentrez épuisés d’une journée pastorale et juste avant d’aller dormir vous regardez une dernière fois votre journal en ligne sur internet. Votre regard se porte sur le titre suivant : « le pape vient de sortir une nouvelle exhortation apostolique ». Vu votre état de fatigue, vous vous dites que la lecture de cette information peut attendre demain. Toutefois, si votre regard avait croisé le titre suivant : « le pape est secrètement amoureux de la reine d’Angleterre ? » auriez-vous attendu le lendemain ou votre curiosité aurait été à ce point titillée que vous auriez cliqué sur l’article pour en connaître son contenu ? L’évêque conclut son intervention en invitant les prélats à analyser leur propre manière de fonctionner avant de critiquer le monde des médias.

Cette question se pose également à nous aujourd’hui ? Sur quels types d’articles cliquons-nous ? Sommes-nous également épris de sensationnalisme ? Pourquoi les journaux passent-ils leur temps à relater les mauvaises nouvelles ? Est-ce un moyen de nous rassurer et de nous dire la chance que nous avons de vivre notre vie en comparaison aux drames des autres ? Un philosophe contemporain soulignait le fait qu’il y tant de merveilles dans notre monde mais se posait la question de savoir s’il existait encore des émerveillés. Voilà précisément ce que l’évangile de ce jour nous demande. Sommes-nous encore des émerveillés de la vie ? Si nous souhaitons vivre l’émerveillement au quotidien, il nous faut alors apprendre ou réapprendre à nous émerveiller dans ce que nous considérons sans doute trop souvent comme les petites choses de la vie. Nos vies ne sont pas féériques ou exceptionnelles. Elles s’écrivent avec l’encre de nos âmes. Cette encre est fragile, vulnérable mais elle est belle lorsque nous prenons le temps de la contempler. Nous ne sommes pas dans l’extraordinaire et c’est cela que le Christ vient nous annoncer : « Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle ». Ces actions sont évidemment extraordinaires pour ceux qui les vivent mais est-ce que cela va pour autant émouvoir le reste de l’humanité ? A notre tour d’annoncer ce que nous entendons et nous voyons dans le quotidien de nos vies. Soyons capables de nous émerveiller de la multiplicité des petits gestes, regards ou attentions qui jalonnent nos journées. S’émerveiller c’est être capable de s’extasier, d’éprouver un étonnement agréable face à ce que nous voyons et entendons. Pour ce faire, il nous prendre le temps de nous arrêter ne fut-ce qu’un instant dans le brouhaha de nos vies. Prendre ce temps pour contempler ce qui s’offre à nous et rendre grâce pour toutes ces petites choses qui agrémentent notre quotidien. C’est une des manières dont la résurrection opère déjà en chacune et chacun de nous. Nous ressuscitons ainsi à nous-mêmes lorsque nous quittons une vision mortifère de notre monde pour accompagner celles et ceux qui vivent aujourd’hui encore des situations de souffrance. Par l’annonce qu’il a ainsi faite, le Christ a réintroduit dans la société tous ceux et celles qui en avaient été exclus : les boiteux, les aveugles, les lépreux, les sourds et les pauvres. En agissant de la sorte, il leur a rendu leur dignité. L’émerveillement auquel nous sommes appelés, nous invite à faire de même. Là où nous sommes, nous sommes conviés à rendre à la dignité à chaque être humain. C’est de cette manière que nous participons à la construction du Royaume de Dieu. Refusons de rejeter et d’exclure ceux qui sont différents de nous et cherchons plutôt à nous émerveiller de leurs différences et à les accompagner sur la route de leurs vies même lorsqu’elles sont parsemées d’embûches. Si nous en sommes capables, alors Noël aura une toute autre saveur cette année. Noël aura la saveur du Sauveur. Amen.