3eme dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 7/12/14
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Le personnage de Jean-Baptiste revêt une telle importance qu’après le texte de Marc, lu dimanche passé, la liturgie nous présente aujourd’hui celui de l’évangile de Jean. Lorsque ce dernier rédige son livret (vers les années 95-100 de notre ère), les communautés chrétiennes se heurtent à d’autres groupes qui prétendent que c’est leur maître, Jean-Baptiste, qui est le vrai Messie puisque Jésus a été son disciple et lui a demandé le baptême. A la suite des premiers évangélistes, Jean confirme la grandeur de ce prophète mais qui, comme il l’affirma lui-même, ne fut que le précurseur du seul Messie, Iéshouah , Jésus. Dans le Prologue solennel qui ouvre son œuvre, Jean situe la fonction de Jean-Baptiste.

Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean.

Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui.

Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.

Le rôle de Jean-Baptiste, fut d’être le premier grand TEMOIN de Jésus : il le désigna, lui ouvrit la route mais ensuite il s’effaça devant lui, authentique et unique LUMIERE, Révélation plénière, le seul capable de dissiper les ténèbres où se débat l’humanité. Que signifie témoigner ? Jean raconte.

L’ENQUETE EST OUVERTE

Voici le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? ». Il ne refusa pas de répondre, il déclara ouvertement : « Je ne suis pas le Christ. »

  • Alors qu’en est-il ? Es-tu le prophète Élie ?  - Je ne le suis pas.
  • Es-tu le Prophète annoncé ?  - Non. 

- Alors qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? »

- Je suis « la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur », comme a dit le prophète Isaïe. 

Or, ils avaient été envoyés de la part des pharisiens.

- Alors pourquoi baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? 

-  Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ; c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. »

             * Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain, à l’endroit où Jean baptisait.

Prévenues du succès populaire d’un inconnu qui harangue les foules et leur promet le salut par l’immersion dans les eaux du Jourdain, les autorités religieuses de la capitale, inquiètes, envoient une commission d’enquête. L’évangéliste les appelle « Les Juifs » : curieuse appellation -  puisque tous les personnages du livre, sauf quelques romains, sont juifs – et dangereuse car elle va ouvrir la porte à la violente hostilité chrétienne contre ce peuple. En fait Jean désigne de la sorte le groupe de responsables religieux (grands prêtres, anciens, scribes, pharisiens) qui d’emblée se ferment à la révélation de Jésus et lui en veulent de plus en plus. Pourtant quelque part Jean dira quand même : « Le salut vient des juifs » (4, 22).

L’évangile commence donc par un procès et l’interrogatoire du premier suspect. Qui est-il et de quel droit agit-il ainsi puisque la Loi de Dieu affirme solennellement que le salut de l’humanité ne s’effectuera que par la pratique obéissante à toute la Loi et par les sacrifices offerts au temple de Jérusalem ?

Jean refuse de parler de lui-même. Il n’est, dit-il, qu’une voix qui répercute la bonne nouvelle lancée jadis par un prophète qui annonçait à ses compatriotes déportés à Babylone de préparer une route car, après un exil de 50 ans, on allait rentrer au pays (Is 40).

Cette libération miraculeuse fit grosse impression et elle fut plus tard interprétée au sens spirituel. Puisque Dieu avait fait sortir, une 1ère fois, nos ancêtres de l’esclavage en Egypte, puis, une 2ème fois, de l’exil en Mésopotamie, un jour il effectuerait notre 3ème et définitive libération. Non du joug d’une puissance étrangère mais de celui du péché qui, même en Israël, pesait sur tout le monde. C’est ainsi qu’à Qumran, les Esséniens s’était repliés dans la solitude, appliqués à l’étude incessante de la Loi, acharnés à son observance minutieuse et se donnant des bains quotidiens répétés : c’est nous, de la sorte, qui « préparons dans le désert » la venue du Messie.

Qui donc préparait la venue du Messie, le roi oint de Dieu qui réaliserait la libération finale et apporterait la shalom, la paix ? L’inconnu appelé Jean prétend : ce n’est ni l’organisation religieuse du temple ni les sectaires de Qumran ni les zélotes qui prônaient la lutte armée…ni moi, ajoute-t-il.

- Alors pourquoi baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? 

-  Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ; c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. »

Jean, avec vigueur, appelle les gens au repentir, secoue les consciences, menace, promet et même il effectue un rite de purification par l’eau : préparation réelle mais qui a des limites. Les anciennes générations avaient été, politiquement, libérées par Dieu, instruites, admonestées, encouragées par la lignée des prophètes ; elles avaient observé sacrifices, fêtes, jeûnes, pèlerinages…Rien n’y a fait. Le Royaume de Dieu n’est pas venu. Je ne réussirai pas davantage, avoue Jean : impuissant à l’effectuer, je ne puis que l’annoncer comme l’œuvre prochaine d’un autre. Voilà la Bonne Nouvelle, mon témoignage solide à la face de tous mes juges.

Oui, un autre va venir après moi, il est déjà présent dans la foule mais inconnu, incognito et il inaugurera le Royaume de la liberté, de la lumière et de la Vie. Non parce qu’il prêchera mieux ou pratiquera davantage d’ascèse, non parce qu’il inventera un rite plus efficace (il baptisera comme Jean) mais parce que lui, Jésus, est comblé de l’Esprit de Dieu.

« Jean témoigna : « J’ai vu l’Esprit, telle une colombe, descendre du ciel et demeurer sur lui….C’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint » (1, 33)

Depuis des siècles, la Parole de Dieu était bien proclamée, entendue, expliquée mais l’Esprit n’était pas donné. C’était donc une parole vraie mais « essoufflée », sans la puissance divine nécessaire pour toucher les cœurs, les saisir, les retourner, et les entraîner enfin sur le chemin du droit et de la justice.

NOTRE TEMOIGNAGE : LA SINGULARITE UNIQUE DE JESUS

« Vous verrez, nous disait un vieux professeur de théologie, beaucoup de catholiques vivent sous le régime de l’ancien Testament : on écoute des prescriptions, on demande ce qu’il faut faire puis on s’efforce de mettre tout cela en pratique. Evidemment on n’y arrive pas, on se décourage ou on abandonne une foi impraticable et des rites inefficaces ».

En effet celui qui considère Jésus comme un prophète, un sage, un guérisseur ne l’a pas compris. Jean-Baptiste disait : « il vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. ». Donc la Loi, les Prophètes, les Sages, les rites de purification ne sont pas accessoires, dépassés, ringards. On ne vient en effet à Jésus que par Jean : il nous indique la route, nous presse de nous mettre à l’œuvre pour un dur travail de « préparation ». Mais le Royaume est « plus outre ».

Comme Jean-Baptiste, l’Eglise n’a pas à se présenter elle-même, à se vanter de ses réalisations. Toujours on ne cessera de l’interroger, de lui intenter un procès. Car le procès contre Jésus n’aura jamais de fin, les questions sarcastiques continueront à pleuvoir : nous sommes les témoins de celui qui vient derrière nous, que nous connaissons mal nous-mêmes et que trop souvent, hélas, nos lâchetés trahissent et défigurent.

Devant les hommes qui cherchent encore la fraternité (le village de Noël), la lumière (les guirlandes), l’arbre de vie (le sapin), la société du don (les cadeaux), l’allégresse et le rire (les alcools), nous témoignons que leur désir doit aller plus loin et qu’ils ne trouveront le vrai bonheur qu’en découvrant Celui qui veut leur offrir ce qu’ils cherchent à tâtons : la lumière de la Vérité, l’eucharistie gratuite, la joie folle de l’Esprit nouveau, l’Amour. Mais par l’arbre de la croix.

L’Avent nous veut en avant. Précurseurs et Témoins. Bonne Nouvelle, Evangile: IL VIENT TOUJOURS. IL EST TOUJOURS EN TRAIN DE VENIR.