4e dimanche de Carême, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Il y a quelques semaines je recevais dans ma boîte électronique, le courrier suivant, je me permets de vous en lire quelques extraits. Il est un peu macho et en disant cela, c'est évidemment un euphémisme. Mesdames, si vous voulez quelque chose, il suffit de le demander. Mettons les choses au point : nous, les hommes, nous sommes simples. Nous ne comprenons pas les demandes indirectes subtiles. Les demandes indirectes directes ne fonctionnent pas non plus. Les demandes indirectes évidentes encore moins. Dites les choses comme elles sont. Si vous posez une question à laquelle vous n'attendez pas de réponse, ne soyez pas surprises d'entendre une réponse que vous ne vouliez pas entendre. Nous sommes simples. Si nous vous demandons de nous passer le pain, nous ne voulons dire que cela. Nous ne sommes pas en train de vous reprocher qu'il ne soit pas sur la table. Il n'y a pas de sous-entendus ni de reproches, nous sommes vraiment simples. Et si vous avez un problème, ne venez nous voir que si vous espérez de l'aide pour le résoudre. Ne nous demandez pas de vous plaindre comme si nous étions une de vos copines. Nous sommes simples. D'ailleurs, tous les hommes ne voient que 16 couleurs. Pour nous, la prune est un fruit, pas une couleur. Qu'est-ce que c'est que cette couleur fuschia ? Et pire, comment s'écrit cette chose ? Enfin, la règle de base, avant toute hésitation à notre égard : allez au plus simple puisque nous le sommes. Le mail se concluait en une invitation à le répandre pour que les femmes comprennent mieux les hommes et pour que les hommes ne se sentent plus seuls dans leur simplicité.

Si je me suis permis de reprendre un extrait de ce courrier, c'est parce que j'y vois un lien évident entre celui-ci et l'évangile de ce jour. Non pas que Jésus ou le lépreux soient macho, mais par la simplicité du récit. Eux aussi, ils sont simples.

Pour libérer l'aveugle de sa nocturnité, Jésus crache par terre et par sa salive fait un peu de boue. Il ne lui faut vraiment pas grand chose. Et pourtant, c'est de cette manière précise qu'il manifeste à ses contemporains la gloire de Dieu. Quelques simples éléments : un peu de terre, un peu de salive et Dieu se révèle à nous. Il en va de même pour l'aveugle né lorsqu'il parle de ce qui vient de lui arriver : " il m'a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé et maintenant, je vois ". Il répète à plusieurs reprises cette phrase pour arriver à la conclusion : " Je crois, Seigneur ".

Des mots très simples, pas de longues phrases. Il va droit au but. C'est dans la simplicité des gestes et des mots que Dieu s'offre à nous. Il nous éveille à la vie et nous convie à revenir à l'essentiel. Cet essentiel qui est, en fait, l'essence même de ce Carême que nous traversons en ce moment. Et l'essentiel se vit dans les choses simples, tout simplement parce que c'est là que se conjugue la vie au quotidien. Un sourire, un geste de tendresse, un temps pour soi, un temps pour l'autre, un silence pour Dieu. Redécouvrons la beauté du bruit du vent sur les herbes c'est-à-dire l'éclat sans partage de la terre et du grand ciel, là où chaque chose ouvre un horizon. Alors et alors seulement, nous nagerons dans la lumière, notre lumière puisque nous nous serons éveillés à nous-mêmes en nous désaveuglant de tout ce qui nous empêche d'écrire notre destinée. Osons éclairer tout ce que nous aimons mais sans toucher à leur ombre. Notre vie fleurira près de nous comme un printemps éternel. De la sorte nous aussi, nous entrerons et nous nous réjouirons dans ce cloître des lumières pour vivre l'aujourd'hui éternel des vivants.

Désaveuglés de nos encombrements, nous voyons ce qui est et nous devenons ce que nous voyons. Un être simple, se réjouissant d'une colombe, d'une étoile comme si le sort du monde en dépendait. Nous reprenons le temps de l'attente pour mieux voir et se réjouir. Et l'attente, ce n'est pas quelque chose d'ennuyeux, de compliqué. Non l'attente est un peu comme une fleur simple qui pousse au bord du temps, notre temps. Et par ce temps que nous donnons aux choses si simples, si belles et si pures, le monde s'éloigne de nous mais en même temps l'éternel s'approche silencieux, solitaire et surtout lumineux. La lumière de Dieu, c'est quelque chose de merveilleux lorsqu'elle croise notre foi. L'émerveillement crée en nous un appel d'air où l'éternel s'engouffre à la vitesse de la lumière, dans cet espace intérieur, soudain vidé de tout, même de nous. Et cet à cet endroit précis que, d'ici peu, la lumière de Pâques viendra se poser. Tout simplement. Tout divinement.

Amen.