Si le Christ ne naît en toi
Noël est maintenant tout proche. Le monde a installé sa formidable machine à acheter et consommer : illuminations, sapins, guirlandes, monceaux de marchandises, torrent d'alcools, publicités pour les vacances de ski.... La magie fonctionne à plein: on a réussi - en mieux ! - à reconstituer les festivités païennes qui, à la même date, célébraient le soleil dans la Rome antique.
Les braves chrétiens, eux, vont préparer le repas familial et les cadeaux. Ils ressortiront la crèche du grenier et les santons attendront qu'on dépose le petit Jésus au milieu d'eux. Dans l'église, la chorale peaufinera ses charmants cantiques (ne pas oublier le « Stille Nacht » !!) pour la « messe de minuit » qui aura lieu à 18 h. (car seules y viendront des personnes âgées qui ne peuvent veiller trop tard).
Tout cela est plein de bonne volonté mais il est fort à craindre que cela ne reste que des pratiques extérieures. Si Noël n'est qu'un souvenir pieux, sa fête reste vaine.
Angelus Silesius écrivait :
« C'est en toi que Dieu doit naître.
Christ serait-il né mille fois à Bethléem, et non en toi,
tu restes perdu à jamais ».
Comment le Christ peut-il naître en nous ? Marie nous l'apprend, elle qui fut la première à le recevoir : la grande scène de l'ANNONCIATION sert à notre initiation. La méditer longuement ouvrira notre intériorité afin d'y accueillir la Présence.
ECOUTER ET ACCUEILLIR LA PAROLE
A Nazareth, bourg insignifiant de Galilée, on a célébré les noces de Joseph et de Marie. Celle-ci doit donc avoir environ 14 ans et, selon la coutume, elle vit encore pendant quelques mois chez ses parents. Or un jour, toute seule, elle fait une expérience indicible : on ne dit pas qu'elle bénéficie d'une apparition mais qu'un messager venu de Dieu l'interpelle. Si la scène n'est pas datée, c'est parce qu'elle peut se reproduire indéfiniment. Chaque aspect du texte nous conduit vers notre intérieur.
« L'ange Gabriel fut envoyé par Dieu à Nazareth à Marie, une jeune fille accordée en mariage à Joseph. L'ange entra chez elle et dit... »
La scène n'a pas de témoin. Marie est seule, silencieuse, accueillante au mystère. Elle ne soliloque pas, ne se parle pas à elle-même. La voix vient d'ailleurs. Savons-nous, comme elle, faire taire le brouhaha incessant, arrêter le flot des images, slogans, messages crachés par les médias intarissables ? Avons-nous tellement peur de nous retrouver seuls ? Comment Dieu viendrait-il dans un c½ur plein ?
« Réjouis-toi (et non « Je vous salue ») : le Seigneur est avec toi » :
Il ne s'agit pas d'une banale salutation. C'est le même appel à la joie qui jadis avait été lancé à Jérusalem pour lui annoncer la prochaine venue du Seigneur au milieu d'elle (Sophonie 3, 14). Dieu est tout heureux de prévenir qu'il arrive...non pour secouer, punir, exciter au remords mais accomplir. Laisse là tes appréhensions. Etre sérieux n'est pas être compassé, craintif. Ouvre-toi à la vraie joie, celle que le monde ne peut donner.
« Tu vas concevoir et enfanter un fils... » :
Jadis, alors que les armées ennemies, en - 735, approchaient de Jérusalem pour punir la ville et abolir la dynastie de David, un prophète était venu rassurer la reine : N'ayez pas peur, vous aurez un fils qui poursuivra l'½uvre de Dieu (Isaïe 7, 14). A Nazareth, dans un pays occupé par la puissance romaine, Dieu vient s'adresser à Marie, épouse d'un descendant de David. Aujourd'hui dans les bruits de guerre, les craquements de la crise, les affolements des masses, ne crains pas : le dessein de Dieu se poursuit. La Vie vient.
« Il aura la trône de David son père et il règnera pour toujours » :
Nathan le prophète avait promis au roi David que son fils règnerait et que sa Maison royale subsisterait toujours (2 Samuel 7, 16). Les Empires ont écrasé Israël pendant des siècles, les ruines se sont accumulées, les palais ont disparu. Mais maintenant vient Jésus, véritable fils de David, garant d'une royauté éternelle. C'est la confiance dans la promesse de Dieu qui libère. Noël, c'est le c½ur humain enfin libre chez lui.
« L'Esprit-Saint viendra sur toi, la puissance divine te prendra sous son ombre » :
Jadis le rayonnement de la Gloire de Dieu était descendu sur le temple de Salomon (1 Rois 8, 10). Ici maintenant, c'est la simple Marie qui devient la demeure consacrée, la Fille de Sion riche de la Présence divine. Saint Paul nous rappellera notre éminente dignité : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? »(1 Cor 3, 16)... « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, et que ne vous appartenez pas ? » (6, 19). N'achète pas une crèche de luxe : regarde ton corps. Là est Dieu.
« Car rien n'est impossible à Dieu »
Le Seigneur avait chassé les doutes du vieil Abraham en l'assurant que son épouse âgée aurait un fils. Mais maintenant c'est Elisabeth, la cousine de Marie, qui après des années de stérilité, sera enceinte de Jean-Baptiste. (Genèse 18, 14). Veux-tu contrôler la vérité de la foi ? Regarde autour de toi : parmi les ruines de tes échecs surgit la vie ; dans la boue fleurit la rose ; dans la nuit rosit l'aurore.
Comme on le voit, les messages de l'Ange ne sont pas des révélations ésotériques nouvelles mais la répétition d'oracles anciens qui vont s'accomplir de façon inouïe en cette jeune femme de Nazareth. La foi n'est donc pas quête de preuves, de miracles, d'explications inédites. Elle commence lorsque nous acceptons d'écouter vraiment ce que Dieu a dit dans les Ecritures et en consentant à ce que les histoires anciennes nous concernent afin de se réaliser en nous.
C'est de Toi qu'il est question. Ne cherche pas des preuves « historiques » des événements anciens : laisse Dieu faire l'histoire avec TOI.
« Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur : que tout se passe pour moi selon ta parole ».
Au début elle écoutait ; puis bouleversée, elle cherchait à comprendre la signification des messages perçus ; puis elle achoppait sur sa faiblesse (« Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d'homme ? »). A la fin, la jeune Marie acquiesce.
Oh elle n'exige pas de preuves, ne demande pas un délai de réflexion, ne prétexte pas de sa faiblesse pour décliner l'invitation, ne s'évade pas dans l'extase.
Elle décide seule, sans solliciter de permission auprès de ses parents ou de Joseph, sans vouloir des éclaircissements sur l'avenir. En effet que va-t-il se produire ? Comment les choses vont-elles se dérouler ? Elle ne sait. Elle fait confiance.
Elle ne dit pas oui de la tête à un message théologique : elle se donne. « Ceci est mon corps ».
* * *
La Bible peut demeurer un livre clos, bien rangé dans la bibliothèque.
Elle peut être parcourue avec méfiance : recueil de légendes ? de mythes ? ...
Ou rejetée pour ses scandales : guerres, exterminations, adultères, haines, orgueil, ambitions.
De toutes manières on la considère comme un livre ancien.
Mais elle peut tout à coup, dans le silence, laisser entendre une voix. Retentir comme une ANNONCE.
A cet instant ne t'applique plus à la lecture : c'est à Toi que l'on s'adresse.
Ce sera la fin des discussions et le début d'une décision.
Je suis sous le choc, comme Marie.
Je ne comprends pas bien ce qui m'est murmuré, comme Marie.
Je me sens incapable de réaliser ce qui m'est proposé : comme Marie.
Enfin je me rends. « Me voici, Seigneur, pour faire ta volonté ». Comme Marie.
Alors Dieu vient. Car il ne vient que là où on le laisse entrer.
Et il s'incarne, il prend chair. La tienne. La mienne. Comme dans Marie.
4e dimanche de l'Avent, année B
- Auteur: Devillers Raphaël
- Temps liturgique: Avent
- Année liturgique : B
- Année: 2011-2012