4e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Depuis quelque temps déjà, elle commençait à s'ennuyer dans les entrailles de la terre. Elle décida alors un jour de partir à la conquête du monde. Voilà comment commence l'histoire de la petite goutte d'eau. Elle quitta alors la source et devint ruisseau. Avec l'appui d'autres, au fil des kilomètres, elle parvint au rang de rivière. Le voyage n'était pas toujours aussi paisible qu'elle l'avait imaginé au départ. Elle traversa quelques torrents, même une cascade qui se jetait dans un lac. Elle poursuivit sa route et continua de grandir pour devenir fleuve n'ayant aucune idée de la mer vers laquelle elle se dirigeait. Après quelques tempêtes sur cette dernière, elle prolongea son voyage jusqu'au milieu de l'océan où elle vit aujourd'hui encore, heureuse de sa vie accomplie.

L'histoire de cette petite goutte d'eau ne serait-elle pas celle de nos vies ? En effet, nous aussi, nous avançons sur le chemin de nos existences, portés par les flots des temps que nous traversons, parfois à tâtons, parfois en fonçant. Nous marchons à notre rythme vers l'accomplissement de la destinée à laquelle toutes et tous nous sommes appelés et qui se vivra un jour dans le partage de la vie divine puisque telle est la promesse laissée par le Fils à ses disciples. Comme l'écrivit au deuxième siècle, saint Irénée : « Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu ». Nous sommes ainsi appelés à devenir Dieu. Non pas pour réaliser nos fantasmes de toute puissance et se rêver à contrôler le monde et les gens autour de nous comme nous l'entendons. Loin s'en faut. La toute puissance divine ne se révèle pas dans la domination mais plutôt dans la douceur. Devenir Dieu, c'est être Un avec Lui, vivre avec cette conviction intime qu'il est en nous lors de notre pèlerinage terrestre et que nous serons en Lui lors notre vie céleste. Par notre foi, nous sommes entrés dans un lien indéfectible avec Lui. Un lien qui rien ne saurait arracher tellement nous sommes intimement liés l'un à l'autre. Il ne s'agit ni d'une fusion, encore moins d'une confusion mais bien d'une union qui transforme l'identité même de notre humanité. Le principe de cette union est mieux connu sous le nom du principe de l'omelette. Quand je casse un ½uf, je peux séparer le jaune du blanc. Quand je casse un être humain, je peux séparer son humanité de sa divinité. Lorsque je mélange les deux parties de l'½uf, je fais une omelette et il m'est impossible de revenir en arrière. Lorsque je fais l'expérience de la divinité au c½ur de mon humanité, il m'est également impossible de revenir en arrière. Nous sommes au plus profond de nous-mêmes devenus intimement liés. Plus rien ne peut nous arracher de cette union, même si parfois, nous pouvons traverser un torrent de doutes lorsque l'épreuve de la vie nous atteint et vient perturber le cours paisible de nos existences. Le torrent peut nous sembler devenir cascade et nous conduire ainsi dans un état de vertige car nous ne savons pas vers où nous allons. La parole de Jésus est là pour nous rassurer, pour nous convier à entrer dans un chemin de confiance et d'espérance. Me revient à l'esprit, l'histoire de cet homme qui, ratant un virage, tomba dans un ravin et par miracle, se retrouva accroché à une branche. A ce moment précis, il trouva l'idée de Dieu à nouveau intéressante dans sa vie. Il cria vers le Ciel : il y a quelqu'un là-haut ? Une voix répondit : oui, mon fils bien-aimé, je suis là. Que dois-je faire ? demanda l'automobiliste. Lâche la branche et laisse-toi tomber dans le vide, reprit la voix. L'homme, toujours accroché à l'arbre, réfléchit un instant puis cria de nouveau vers le Ciel : n'y aurait-il pas quelqu'un d'autre là-haut ? Il est vrai qu'il n'est pas toujours facile de faire confiance à cette partie divine en nous, d'accepter de lâcher prise, de s'en remettre à cette promesse de la vie éternelle offerte que nous souhaitons souvent vivre le plus tard possible. Pourtant, une fois encore, l'évangile nous invite à écouter la voix du Fils, le Bon Pasteur. N'oublions pas, que contrairement aux représentations proposées, le berger n'est pas quelqu'un de mièvre, de doucereux. Le berger conduit un troupeau au sommet des montagnes, tout comme le Christ nous conduit sur les sentiers parfois escarpés de nos existences. Une voix s'adresse à nous aujourd'hui encore. Elle nous convie à vivre notre destinée nous conduisant vers le partage de la vie divine. Cette voix vit au plus intime de nous-mêmes, là où Dieu se noue en nous pour ne plus faire qu'un avec nous-mêmes. Partons alors à la rencontre de ce Dieu en nous. Comme la petite goutte d'eau, faisons confiance, nous sommes promis à vivre éternellement dans un océan mais pas n'importe lequel. Il s'agit de l'océan de l'Amour.

Amen.