4e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Depuis qu'il était né, il avait toujours tout vu en gris. Il ne connaissait pas le sens des couleurs puisque tout était gris. Ses parents avaient dépensé des fortunes pour qu'ils rencontrent les spécialistes du monde entier. Mais rien n'y fit. La terre était grise, le ciel était gris. Même la vie était grise. Il n'était pas spécialement triste, juste sans joie. Un jour, il s'arrêta en rue et s'étonna de voir un mendiant fixer le ciel de la sorte. Intrigué par son comportement, l'homme qui voyait tout en gris l'interpella. Que regardez-vous ainsi, lui demanda-t-il ? J'admire le ciel, répondit-il. Mais il est tout gris, reprit le premier. Non, renchérit le mendiant, il n'est pas tout gris ; aujourd'hui le ciel se décline dans différents tons de gris. Il prit l'homme par la main et l'invita à mieux observer ce qu'il voyait. Tout à coup, pour la première fois de sa vie, cet homme nota les nuances dans le gris. Puis le mendiant lui montra un petit coin de ciel bleu puis les couleurs automnes de l'arbre et ainsi de suite. Petit à petit, l'homme qui n'avait jamais vu la vie qu'en gris, découvrit de nombreuses couleurs et sa vie se transforma et se mit à chanter au son de tous ces merveilleux tons.

Ce conte contemporain, nous pourrions facilement le faire nôtre lorsque nous avons le sentiment que la vie est devenue bien grise, que nous n'arrivons plus à percevoir la beauté de toutes ses couleurs. Une vie grise n'a rien à voir avec l'absence d'événements extraordinaires. Non une vie grise est celle qui est vécue sans désir et sans passion et surtout lorsque nous décidons d'aller à l'encontre de nous-mêmes. Au nom de notre foi, une vie grise serait une vie où le Christ ne trouve plus sa place parmi nous. Par notre baptême, l'Esprit nous convie à vivre la vie aux mille couleurs de Dieu. Notre vie se conjugue différemment au son du don de l'amour de soi, du bonheur des petites choses, de la beauté profonde de tout être humain, de l'émerveillement des saisons de notre nature. Si la vie était une partition de musique, le Christ serait la clé inscrite sur la portée et la mélodie qui serait chantée aurait un son clair, limpide et joyeux. Par les béatitudes entendues ce jour, nous sommes appelés au Bonheur. O pas n'importe lequel, un bonheur et un honneur qui s'inscrit dans le Fils de Dieu. Au c½ur de nos grisailles intérieures, lorsque nous avons le sentiment d'être véritablement submergé, Jésus nous propose un chemin possible. Il vient en chacune et chacun de nous et nous offre un ensemble de promesses : « heureux êtes-vous ! » répète-t-il à plusieurs reprises. Mais le bonheur dont il nous parle s'enracine bien en lui. Ils sont offerts à celles et ceux qui acceptent de partager la foi qui l'habite au plus profond de lui-même. Lorsque nous sommes touchés par le deuil, la maladie, l'incompréhension de nos proches, nous pouvons nous sentir désemparés, esseulés. Une certaine désespérance peut nous envahir. Et c'est au c½ur de cette réalité-là que le Christ s'adresse à nous encore et toujours. Il susurre au creux de notre c½ur : « je reconnais ce que vous traversez, ne perdez pas espoir. Je suis là avec vous, à vos côtés ». La vie est étonnante, elle ne se colorie ni en noir ni en blanc mais aux diverses couleurs travaillées par cette foi merveilleuse qui donne un autre sens à la vie. Malgré la réalité parfois dure de notre monde, nous avons été créés avant tout pour être heureux. Le bonheur n'est pas une promesse pour demain, une utopie qui se vivra dans un ailleurs. Non le bonheur s'offre à nous dès aujourd'hui lorsque nous acceptons d'écrire nos vies avec l'encre de Dieu. Une encre de vie, une encre d'amour. La foi nous a été donnée à nous d'y répondre pour colorer nos existences. Soyons heureux non seulement de ce que nous avons mais également de ce que nous sommes et devenons. Nous ne possédons sans doute pas tout mais profitons de ce qui nous a été donné. Ne nous prenons pas la tête avec des envies inassouvies, des faux problèmes, j'en passe et des meilleures. Plutôt réjouissons-nous de la chance que nous avons de croire un ce Dieu un peu fou qui nous offre une confiance merveilleuse en la vie, une espérance à toute épreuve dans l'instant présent où s'enracine une multiplicité de petits bonheurs qui font chanter autrement nos existences. S'il en est ainsi, alors heureux sommes-nous en Christ de nous laisser conduire par lui vers le Père qui nous donne son Esprit pour que nous nous tournions sans cesse vers celles et ceux dont nous nous faisons proches, vers celles et ceux qui donnent sens à nos vies car ils ont trempé leur plume de tendresse dans l'encre de l'amour divin. Oui, heureux sommes-nous lorsqu'il en est ainsi.

Amen.