Jésus, l'ex-charpentier de Nazareth a commencé sa mission : il circule à travers la Galilée paganisée en proclamant :
" Convertissez-vous car le Règne de Dieu s'est approché".
C'est cela la Bonne Nouvelle : Laissez donc Dieu régner sur vos vies, osez croire cette joyeuse annonce que Jésus vous adresse, acceptez le changement, basculez les idoles, ouvrez-vous au présent de Dieu qui vous apporte son Amour. Cette prédication initiale doit sans cesse retentir, elle ne doit jamais être supposée connue sinon l'enseignement suivant tombera dans le moralisme. C'est parce que Dieu nous invite à accueillir son amour que nous pouvons apprendre ce qu'est ce mystérieux "règne de Dieu" et désirer en être les citoyens.
La vie dans le Royaume du Père est détaillée dans le magnifique "DISCOURS SUR LA MONTAGNE" dont la liturgie commence la lecture aujourd'hui. Mais, étant donné l'arrivée imminente du carême, nous n'entendrons qu'un seul passage de ce "Discours" : son introduction en forme de portique aux huit colonnes :
LES HUIT BEATITUDES.
"Quand Jésus vit la foule qui le suivait, il gravit la montagne. _Il s'assit et ses disciples s'approchèrent. Alors, ouvrant la _bouche, il se mit à les instruire :
Heureux les pauvres de c½ur :
Le Royaume des cieux est à eux.
Heureux les doux :
Ils obtiendront la terre promise.
Heureux ceux qui pleurent :
Ils seront consolés.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice :
Ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux :
Ils obtiendront miséricorde.
Heureux les c½urs purs :
Ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix :
Ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice :
Le royaume des cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si on vous insulte, si l'on vous persécute, et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse car votre récompense sera grande dans les cieux".
LA PREMIERE BEATITUDE FONDEMENT DES AUTRES
Gandhi a pleuré en découvrant ce texte sublime et Gilbert Cesbron regrettait que l'Eglise ne proclame pas plus souvent ce programme de Jésus et que tant de chrétiens ne le connaissent pas par c½ur.
Pas de commandement, pas de cri, pas de menace. Un appel, une invitation à accepter ce que nous cherchons tous : LE BONHEUR. Mais pas n'importe lequel ! Celui détaillé par les huit lampes est tout le contraire de celui prôné par notre société : " Achetez, jouissez, profitez, défendez vos droits, ne vous laissez pas faire. Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie...". Méditons un peu la 1ère béatitude : elle explique toutes les suivantes. Mais, pas facile, elle continue à susciter des tas de commentaires. Car que veut dire "pauvre" ? On pense tout de suite au dénuement matériel, à l'homme dépourvu de toute ressource. Dans sa version, c'est ainsi que s. Luc le comprend :
" Heureux vous, les pauvres : le Royaume de Dieu est à vous... Malheureux vous les riches : vous tenez votre consolation" ( Luc 6).
Mais cela pose question : l'entrée dans le royaume se jugerait-elle selon l'échelle des revenus ? Cette interprétation éliminerait d'office les souverains, les autorités...et même nous tous qui disposons de revenus plus qu'honnêtes. Un démuni peut avoir un c½ur haineux. Et n'est-il pas nécessaire que des riches créent des entreprises donc des emplois ? Et n'y a-t-il pas d'autres pauvretés ? Le banquier qui perd sa fille unique n'est-il pas "un pauvre homme" ? Ce jeune bourgeois désespéré par la vie et tenté par le suicide n'est-il pas "un pauvre garçon" ?...Que veut donc dire ce mot "pauvre" ?...
On comprend pourquoi S. Matthieu, essayant d'exprimer la pensée de Jésus, a compris qu'il fallait élargir le concept et il a précisé : " Heureux les pauvres en esprit...".
Mais ici jaillit une nouvelle difficulté : cette addition "en esprit" ne va-t-elle pas autoriser les riches à se donner bonne conscience : " Oui je suis confortablement installé, je ne manque de rien...mais je me frappe la poitrine...je consens à quelques petites aumônes...et je me juge "pauvre en esprit". Caricature ! Mensonge évidemment !
Est "pauvre dans son coeur" celui qui abdique de tout orgueil, qui reconnaît ses limites, sa faiblesse. Celui qui sait qu'il ne peut bâtir son bonheur parfait, qu'il ne sauve pas sa vie par ses ressources financières, culturelles, sociales. Au fond n'est-il pas celui qui tente de vivre toutes les autres béatitudes ? :
Il renonce à la cupidité et à l'envie qui pousse à accumuler sans cesse. Il désire passionnément que le Royaume de Dieu s'accomplisse. Il cherche à s' ajuster à la Volonté de son Père des cieux. 'Cherchez la justice, cherchez l'humilité" (SOPHONIE , 1ère lect.) Il reconnaît ses fautes et s'émerveille d'accueillir le pardon de Dieu. Il renonce à l'égoïsme et offre à tous service, bienveillance et pardon. Il ne joue pas sur deux tableaux (vouloir le bonheur à la manière du monde et celui que Dieu lui offre) : son c½ur est unifié, pur. Il souffre du malheur des hommes, lutte pour arrêter les conflits, réconcilier les ennemis. Il se veut homme de paix.
Evidemment s'il adopte ce comportement, s'il ose exposer sa foi, cet homme subit moqueries et critiques (parfois de ses proches), il est la cible d'adversaires acharnés. Mais loin de le désespérer, la persécution lui apporte l'expérience d'une joie toute nouvelle. Jésus n' a pas menti en invitant ses disciples meurtris à la joie et à l'allégresse : " Réjouissez-vous ...."
Au c½ur de l'opulente et débauchée Corinthe, saint Paul avait créé une petite communauté de pauvres selon l'évangile et il encourageait les frères à appliquer les béatitudes ( 1 Cor 1 = 2ème lecture) : Oui ce qu'il y a de fou, de faible dans le monde, ce qui est d'origine modeste, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages et les puissants...Mais grâce à Dieu, vous êtes dans le Christ... : il est notre justice, notre sanctification, notre libération.
Vivre le bonheur du Christ, être comblés par sa présence, nous manifester comme le peuple des Béatitudes : tel est notre témoignage.