Les lectures de ce dimanche concernent toutes la qualité du prophète.
Le prophète sera, comme Moïse, quelqu'un qui se fait le porte-parole de Dieu, intermédiaire nécessaire en raison même de la grandeur de Dieu (comme le rappelle l'allusion à l'épisode du Buisson ardent). C'est Dieu qui le choisit et qui parlera par lui. S'il peut prétendre à l'écoute, c'est que lui-même n'est qu'écoute de Dieu. La grande tentation consiste en effet à attribuer à Dieu des propos purement humains. Le prophète, avant de parler, est d'abord celui qui écoute, qui se fait « oreille attentive » à la Parole de Dieu. Corrigeant une image populaire du prophète comme « prédisant l'avenir » (trouvant son origine dans une interprétation simpliste du rôle d'Isaïe), ce texte recentre la mission du prophète comme porte-parole de Dieu. Jésus lui-même a inscrit sa mission dans ce cadre : « celui qui me rejette et ne reçoit pas mes paroles a son juge, car je n'ai pas parlé de moi-même ; mais le Père qui m'a envoyé m'a lui-même prescrit ce que je devais dire et faire entendre », comme le précise ailleurs l'évangéliste Jean.
La lettre de Paul aux Corinthiens souligne une autre qualité du prophète : il doit être libre par rapport aux soucis de ce monde. Cet extrait a bel et bien servi à la justification théologique du célibat consacré. Nos contemporains n'apprécieront pas la dévaluation implicite du mariage qu'il contient. Il faut préciser que le mariage chrétien (et donc la spiritualisation du mariage comme signe humain de l'Alliance entre Dieu et l'homme) n'existait pas encore à l'époque de Paul. Il se situe donc par rapport à la conception antique et païenne du mariage où l'amour n'avait pas beaucoup de place. Il ne faut donc pas nécessairement y voir une dévaluation de l'amour humain. Tout chrétien étant appelé à être prophète (au sens où sa vie doit parler de Dieu), chacun aura le souci, quel que soit son état de vie, de ne pas se laisser emprisonner par les soucis du monde mais de garder en vue l'essentiel c'est-à-dire, entre autre, l'écoute de la Parole de Dieu. En ce sens, toute situation (mariage comme célibat) peut et doit devenir prophétique (c-à-d parler de Dieu) et aucune ne l'est automatiquement.
L'évangile, de son côté, met le doigt sur ce qui fait le fondement de l'autorité de la parole prophétique, à savoir : la concordance entre la parole et les actes. Jésus a une parole de Salut ; il a des actes de Salut. Celui qu'il pose ce jour de sabbat dans une synagogue par rapport à un esprit impur est très riche en enseignements. Quel comble en effet de trouver dans une synagogue (lieu où la Parole de Dieu devrait être présentée dans toute sa pureté), quel comble d'y trouver un esprit impur ! Comme nous le fera comprendre la suite de l'évangile de Marc, le véritable esprit impur est la mauvaise foi des scribes non moins que le « c½ur endurci » des disciples. Quel comble ensuite que l'identité de Jésus « tu es le Saint de Dieu » soit révélée par un esprit impur, bien avant de l'être par les disciples eux-mêmes (la fameuse profession de foi de Pierre, qui n'intervient qu'au chapitre 8). C'est que l'esprit impur a, en l'occurrence, l'avantage d'être un esprit « aliéné », étranger. Etranger aux prescriptions formalistes des codes de pureté des scribes et des pharisiens (ce qui lui valait ce statut d'esprit impur), il en est paradoxalement plus libre pour discerner la véritable identité de Jésus. L'ordre de silence a l'air paradoxal lui aussi (puisque le message est fait pour être proclamé !). C'est que la compréhension de ce que cela signifie sera lente et douloureuse, à cause précisément de cette autre espèce d'esprits impurs que sont les c½urs endurcis. L'impureté dans la synagogue était bien la sclérose, le formalisme, dans lequel les scribes et les Pharisiens avaient enfermé la Parole de Salut...qui ne sauvait donc plus ! Le risque n'est-il pas toujours bien actuel dans notre comportement de chrétien ? Sommes-nous vraiment ouverts à l'impact prophétique de la Parole que Dieu nous adresse ?