4e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

" Nul n'est prophète en son pays. Qu'en pensez-vous ? " Voilà un bon point de départ pour une dissertation dans le cadre du cours de français. Il s'agirait alors de dire qu'il est parfois difficile d'être entendu par des gens qui nous connaissent bien. Lorsque j'ai annoncé ma décision de devenir dominicain, certains proches n'ont pas reçu cela comme une bonne nouvelle : " Un beau grand garçon comme cela qui entre dans les ordres", " un jeune homme intelligent comme toi ", et j'en passe. A l'inverse, j'ai été entendu et encouragé par d'autres qui disaient par exemple : " Toi, au moins, tu as trouvé ta voie ". J'avais exprimé mes convictions et elles ont été diversement appréciées. Il est difficile d'être prophète dans son pays. Est-ce pour autant impossible ?

D'abord, qu'est-ce qu'être un prophète ? Nous avons en tête Jean le Baptiste, avec sa tunique en poil de chameau, critiquant les bien-pensants de son temps. Nous pouvons penser aussi à des grandes figures actuelles comme S½ur Emmanuelle ou l'Abbé Pierre. Ce sont des prophètes qui disent que Dieu est proche des pauvres. Jésus lui-même était un prophète.

Dans la Bible, le prophète est quelqu'un qui est choisi par Dieu pour annoncer un message aux hommes. Le message est souvent une invitation pressante à changer notre c½ur, à remplacer notre c½ur de pierre par un c½ur de chair. Jésus est lui aussi dans cette ligne. Il est porteur d'une bonne nouvelle, à savoir que Dieu est avec nous pour nous délivrer de nos esclavages et avoir un c½ur sensible. A Nazareth, ville où il a grandi, Jésus annonce cette nouvelle libératrice. Dieu est ami de l'homme, de tout homme et de toute femme, quelque soit sa nationalité, sa religion, sa condition sociale.

Malheureusement pour lui, les gens qui l'écoutent se mettent en colère. C'est le fils de Joseph, comme on dirait le fils du voisin, qui leur parle au nom de Dieu. Non seulement il se prend pour un prophète mais en plus il raconte que Dieu est là pour tous les peuples et pas seulement pour les juifs. Devant la communauté juive incrédule, Jésus rappelle que Dieu est mieux accueilli par les étrangers, les veuves et les lépreux. En disant tout cela, Jésus exprime ses convictions les plus profondes. Il dit ce qu'il pense et tant pis si cela se gâte. Jésus ose annoncer le message d'amour universel de Dieu. Dieu n'a pas de chouchou. Mais certaines personnes sont plus ouvertes, plus réceptives que d'autres. Chacun reste libre d'accueillir ou non le message.

Nous aussi nous sommes appelés à devenir prophète. Quel genre de prophète ? Je pense que nous pouvons, dans les petites choses de la vie, laisser transparaître nos convictions les plus intimes. Ainsi, mes paroles et mes gestes témoigneront que le Dieu auquel je me fie est Celui qui me fait aimer encore plus, espérer encore plus, croire en moi et en l'autre encore plus. Autrement dit, Dieu apporte de l'intensité dans notre vie et nos relations. Cela ne veut pas dire que tout devient facile. La vie demeure un combat journalier. Mais au fond, ne savons-nous pas quelque part que Dieu a vaincu les obstacles ? Parfois, il arrive qu'on exprime explicitement ses croyances. Je dis alors à un groupe d'amis que je vais à la messe à Froidmont. Je dis à un collègue que je refuse telle attitude car je suis chrétien. Tout peut alors basculer : regards d'incompréhension, voire de colère, mais aussi interpellation et émerveillement devant quelqu'un qui croit en quelque chose de fort. Il est souvent difficile de prévoir les réactions et on préfère parfois rester le plus discret possible.

Finalement, nous pouvons être des prophètes en posant des actes sans nécessairement faire de grands discours. Tout le monde n'est pas l'Abbé Pierre. Mais j'ai aussi besoin de dire mon identité de croyant, de parler explicitement du Dieu qui me fait vivre.

Et vous ? Que là où nous sommes, Dieu nous aide à vivre de nos convictions et à prophétiser son amour.

Amen