« L'heure est venue pour le Fils de l'homme d'être glorifié ». On comprend bien, rien que par le ton, que la déclaration est solennelle et grave. C'est la 1° fois, à la veille de la Passion, qu'elle est utilisée dans l'évangile. Auparavant, on avait rencontré la formule : « mon heure n'est pas encore venue » ou, plus loin, « l'heure vient ». Cette fois, l'heure est venue. Nous sommes dans un contexte de fête juive de la Pâque, la dernière pour Jésus. En entrant à Jérusalem, il venait d'avoir été acclamé par une foule, sincère peut-être au moment même mais écervelée et versatile (comme on le saura par après). S'ils avaient réalisé ce qu'ils disaient (« Hosanna, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur »), s'ils y avaient cru, ils n'auraient pas été versatiles. Mais leur proclamation, écervelée de leur part, disait vrai et nous donne à nous, lecteurs, le sens profond de ce qui va se passer. Cette Pâque allait être glorification pour le Christ. Non pas gloriole à bon marché d'un personnage vaniteux ni même héroïsme d'un sur-homme courageux mais simplement -et bien plus extraordinairement- « retrouvailles » avec Dieu. En réponse à la requête des « Grecs » (c-à-d des Juifs d'expression grecque, venant d'Alexandrie par exemple, en pèlerinage à Jérusalem pour la Pâque), Jésus donne lui-même, d'avance, la signification profonde de ce qui va se passer.
Sa Passion et sa mort, bien réelles pourtant, ne seront pas à lire comme un drame, un supplice -affreux comme tous les supplices- mais simplement -il dédramatise lui-même- comme un grain de blé mis en terre et dont la mise en terre est la condition de fructification. Qu'est-ce qui va donner cette fécondité ? Non pas une technique sophistiquée artificielle mais le fait du don total de soi. Le don de soi n'implique pas nécessairement la mort et encore moins la mort violente, sacrificielle, comme dans le cas du Christ. Le don de soi peut se vivre dans la joie et le bonheur. Ce devrait même en être les premiers fruits et en former le meilleur environnement...si ce n'était, bien souvent, la méchanceté des hommes et pour commencer la jalousie, le principal instrument du « Prince de ce monde ».
Comprenons bien la place du sacrifice dans le christianisme. Il n'est pas à rechercher pour lui-même. Il n'est pas le but de la vie chrétienne mais il faut, oui, être prêt à l'accepter comme conséquence de notre attachement à Jésus-Christ. L'attachement à Jésus-Christ n'est pas négation de la vie, mépris de la vie. Au contraire, c'est l'attachement à Jésus-Christ qui pourra nous apprendre le détachement par rapport aux choses (dont nous nous rendons si facilement esclaves) et ainsi nous rendre plus libres, plus indépendants, plus vivants (non pas d'une vie animale mais d'une vie d'humain relié à Dieu). Pour bien comprendre la phrase « celui qui aime sa vie, la perd » et en lever toute ambiguïté, il suffirait de la gloser : « celui qui aime sa vie...animale, qui y est obsessionnellement attaché, qui est incapable de détachement, incapable de don de lui-même... oui, voilà une vie perdue ». Ce en quoi il faut imiter le Christ, ce n'est pas le sacrifice pour le sacrifice, c'est le don de soi par amour et dont le fruit est d'avoir retrouvé la vie en Dieu, comme Dieu l'avait voulue pour l'homme.
5e dimanche de Carême, année B
- Auteur: Sélis Claude
- Temps liturgique: Temps du Carême
- Année liturgique : B
- Année: 2011-2012