Ceux qui voudraient toujours des messes allègres, des réunions paisibles, une vie de foi coulant comme un long fleuve tranquille doivent relire la description de l'ultime soirée de Jésus avec les siens dans le chapitre 13 de St Jean. Un tsunami !! Jésus, le maître vénéré, tout à coup s'agenouille aux pieds de ses disciples afin de leur laver les pieds ! Puis il leur ordonne de faire la même chose entre eux ! Puis, en blêmissant, il annonce que l'un d'eux va le livrer à ses ennemis ! Puis Judas sort en claquant la porte ! Puis Jésus révèle qu'il va disparaître et que les siens ne le trouveront plus ! Et enfin il annonce à Pierre, "son pape", qu'il est incapable du martyre et qu'il va bientôt le renier !... Un Messie serviteur, des traîtres dans la communauté, des chefs qui apostasient : la soirée est absolument sinistre !
C'est pourquoi Jésus poursuit en rendant courage aux siens - sujet du chapitre 14, évangile de ce jour, qui donne tout de suite le remède pour éviter le naufrage :
"Ne soyez pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi".
La traduction "bouleversés" est trop faible : le verbe est celui-là même utilisé dans le récit de la tempête apaisée. Les disciples ne sont pas seulement surpris, choqués : c'est le charivaris dans leurs têtes, le cyclone dans leur c½urs. Jamais ils n'auraient imaginé les événements qu'ils vivent. Toutes leurs idées, tous leurs projets s'effondrent ! Quel remède ? Il est unique : CROIRE ! Croire en Jésus comme on croit en Dieu ! C'est inouï mais c'est l'unique façon de tenir ! Il faut faire confiance au sein de la nuit, bousculer ses idées de Dieu et de l'Eglise. Pour tenir bon, cette foi-confiance doit être arrimée, elle doit avoir un terme sûr, être en même temps une espérance indéfectible :
" Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure - sinon, est-ce que je vous aurais dit : "Je pars vous préparer une place" ? Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi "
Jésus sait où il va : à la croix. Mais, en montant sur le gibet, il sait qu'il va monter, qu'il sera élevé dans la maison de son Père. Sa mort ignominieuse sera une glorification. En donnant sa vie, en aimant les siens jusqu'à l'extrême, il va leur offrir ce que le lavement des pieds symbolisait : la purification de leurs péchés. Donc le chemin du Père leur sera enfin ouvert. Jamais ils ne pourraient par eux-mêmes accéder au ciel mais Jésus ressuscité, loin d'être éloigné, leur restera présent, il reviendra vers eux, il les prendra-avec-lui (les "assumera" : assomption de l'Eglise) et les tirera là où il est. Il veut continuer à vivre-avec-eux ! Nous savons-nous aimés à ce point ???
LE CHEMIN DE LA MAISON DU PERE
- Jésus : Pour aller où je m'en vais, vous connaissez le chemin. - Thomas : Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas : comment pourrions-nous savoir le chemin ? - Jésus : Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie.
Cette affirmation sidérante semble expliquée par les phrases suivantes :
JE SUIS LA VOIE : " Personne ne va vers le Père sans passer par moi". Evident puisque Jésus est le Fils unique : donc il faut non seulement vivre selon les enseignements qu'il a indiqués mais vivre en Lui, de Lui, par Lui. Etre fils dans le Fils. Scandale incontournable !
ET LA VERITE : "Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père".
"Connaître" ne se réduit pas à une idée sur quelqu'un, à un savoir abstrait : c'est avoir une relation personnelle qui permet une vie en communion. Jésus est la Révélation plénière de Dieu le Père : le connaître c'est-à-dire se laisser aimer par lui et l'aimer en retour, c'est pénétrer dans la Vérité. Jésus et le Père sont tellement UN que connaître l'Un c'est connaître l'Autre.
ET LA VIE : " Dès maintenant, vous le connaissez (le Père) et vous l'avez vu".
La foi en Jésus n'est pas seulement promesse de voir Dieu un jour, plus tard. Elle permet d'expérimenter tout de suite la rencontre immédiate de Dieu. CROIRE c'est déjà maintenant VIVRE ce qui est espéré. La foi est co-présence : de Dieu au croyant, du croyant au Père.
La stupeur des disciples est totale : " Avoir vu Dieu " ???..............
PHILIPPE : Seigneur, montre-nous le Père : cela nous suffit. JESUS : Il y si longtemps que je suis avec vous et tu ne me connais pas, Philippe ? Celui qui m'a vu a vu le Père.......Comment peux-tu dire : Montre-nous le Père ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ?
Moïse, tous les prophètes jusque Jean-Baptiste parlaient de Dieu, rapportaient ses oracles : en ces hommes on pouvait percevoir, deviner des étincelles de Dieu. Mais ici, avec Jésus, l'expérience est radicalement autre. Il n'est pas seulement un prophète, un porte-parole, un grand saint...il est UN avec son PERE - donc le voir (comme Fils) c'est voir le Père. En Jésus Dieu a visage d'homme.
Comment pouvons-nous en arriver là ? La suite le dit :
Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas par moi-même : c'est le Père qui demeure en moi, et qui accomplit ses propres ½uvres. Croyez ce que je vous dis : Je suis dans le Père et le Père est en moi. Si vous ne croyez pas ma parole, croyez au moins à cause des ½uvres. Amen, amen, celui qui croit en moi accomplira les mêmes ½uvres que moi - et même de plus grandes puisque je pars vers le Père.
Il nous faut accueillir les Paroles de Jésus-Fils au même titre que celles de Dieu-Père. Et si cela nous paraît impossible, alors du moins méditons sur les oeuvres que Jésus a réalisées. Et puisque nous n'étions pas là au temps de Jésus, nous pouvons admirer les ½uvres réellement extra-ordinaires accomplies par des chrétiens depuis 20 siècles.
Car tout de même, on ne peut réduire l'histoire de l'Eglise à ses erreurs et ses crimes. François d'Assise, fra Angelico, J.S. Bach, Damien, M. L. King... :Jésus est fier de voir que ses disciples font plus et mieux que lui !! On n'en finirait pas de détailler les merveilles accomplies !!! . Notre grand témoignage sera de CROIRE à travers les tempêtes de la vie et de nous laisser attirer vers la Maison du Père.