5e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2002-2003

Je ne sais pas pour vous, mais je dois bien reconnaître, qu'il m'arrive parfois, pas trop souvent je l'espère pour ceux qui vivent avec moi, de m'énerver sur des petits détails et donc de m'en encombrer l'esprit. C'est fou ce que ces petits détails peuvent parfois avoir une incidence sur notre comportement. Nous nous sentons envahis par eux. Ils ont leur importance car ils touchent sans doute à quelque chose de profond en nous. Lorsque je suis dans un tel état d'esprit, il ne me reste plus qu'à rendre grâce à Dieu.

Je dis bien à rendre grâce à Dieu. En effet, lorsque je peux à ce point m'encombrer l'esprit de ces petits détails, je rends grâce à Dieu de la vie que je vis, de la beauté de celle-ci car si je peux me mobiliser la pensée de la sorte, c'est que finalement je n'ai pas vraiment de gros problèmes à devoir gérer, ni soucis professionnels, ni maladies ou deuils à accomplir. Par contre, si nous ne rendons pas grâce à Dieu lorsque nous sommes traversés et omnubilés par cette multitude de petits détails, nous prenons un risque : celui de les diviniser au sens où ils vont occuper tout notre espace de pensée, de temps. Ils deviennent alors une prison intérieure. Mais plus grave encore, nous trahissons Dieu.

Comment ? se demandent sans doute certains. Tout simplement par leur divinisation. Dans notre société contemporaine, (comme le rappelle le texte lu en seconde lecture) Dieu n'est plus le seul à être aimé, il se vit au c½ur d'une multiplicité de divinités. Elles portent chacune un nom, répondant sans doute à certaines de nos préoccupations lorsque celles-ci sont vécues de manière compulsive, envahissante.

Il y a évidemment la divinité des petits détails, puis la divinité du travail, la divinité de l'argent, la divinité des médias, la divinité de l'alcool, la divinité de la sexualité, en fait toute divinité des excès en tout genre. Eriger ces derniers en divinité est bien trahison du c½ur et de l'esprit puisque la présence en ce lieu nous rappelle qu'il n'y a qu'un seul Dieu, le Dieu d'Amour en qui nous sommes invités à demeurer. Trop souvent, nous le redécouvrons lorsque la vie nous surprend et que nous sommes confrontés à des drames. Faut-il vraiment attendre que nous prenions une claque dans la figure pour quitter nos divinités éphémères ?

Dans cette église, il y a quelques semaines, aux funérailles de son enfant, un papa reconnaissait qu'à force de trop travailler, il était passé à côté de l'essentiel et qu'il était trop tard puisque le temps passé est perdu à jamais. Certains se sont émus de telles paroles mais combien d'entre nous ont réellement changer leur rythme de vie, ont quitté certaines de leurs divinités pour revenir à l'essentiel, au seul et vrai Dieu qui nous propose un tel chemin.

Car dans la foi nous savons que si nous suivons les traces du Dieu révélé en Jésus-Christ, nous ne pouvons pas nous tromper. Et suivre les traces de Dieu, c'est tout simplement demeurer en lui. Qu'est-ce à dire ? Peut-être répondre à la question de savoir si nos actions, nos faits, nos gestes, nos paroles s'enracinent en lui. Dieu est le Dieu en qui nous pouvons déposer ce que nous sommes. C'est en ce sens que Dieu est plus grand que notre c½ur et il connaît toutes choses, pour reprendre les mots de saint Jean. Dieu nous invite donc à déposer en lui nos vies. Cela ne peut se vivre que dans une confiance qui ne peut s'expliquer. Elle est accrochée au plus profond de notre être.

En confiance, je m'abandonne à Dieu et s'abandonner à Dieu, c'est s'abandonner à la vie. En agissant de la sorte, je demeure en lui et les fruits que je porte ont alors le goût, la saveur de Dieu. En reconnaissant que je ne crois qu'en un seul Dieu et en conséquence en rejetant toutes ces fausses divinités, je deviens plus libre puisque je n'ai plus à me tourner que vers un seul et unique Dieu pour trouver et emprunter les traces qui guideront ma vie.

J'écris celle-ci avec l'encre de Dieu. Cette encre est d'ailleurs indélébile. Dès lors, ce qui est éphémère se grave sur le sable, ce qui est éternel, s'inscrit sur la pierre. Et le Christ n'est-il pas notre pierre angulaire ? Ce soir, Jésus nous affirme que si nous demeurons en Dieu nous porterons du fruit. Si nous vivons pour donner des fruits, notre fruit sera amer. Par contre, si nous vivons et nous nous enracinons en Dieu, ensuite nous donnerons des fruits. Nous n'en serons pas directement responsables puisque la sève de cette vigne a sa source en Dieu. Nos fruits de vie ont-ils une saveur amère ou bien ont-ils le goût de Dieu ? A nous de choisir dans quelle terre nous plantons notre vigne, c'est-à-dire notre vie.

Amen.