5e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Quoique très bref, l'évangile du jour revêt une importance singulière : il est en effet l'ouverture du grand Discours d'adieu que Jésus tient à ses disciples lors de son ultime repas avec eux. Il est manifeste que ce discours (chap. 13 à 17) n'a rien d'un reportage en direct. Après plusieurs dizaines d'années vécues en communauté chrétienne, saint Jean a l'expérience de la présence du Seigneur Jésus ressuscité au sein de l'Eglise et il a bien compris son projet sur les siens. Retenons un triple enseignement de ce Testament.

A. LA CROIX DE JESUS EST SA GLORIFICATION

Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti, Jésus déclara : " Maintenant le Fils de l'homme est glorifié et Dieu est glorifié en lui. Et si Dieu est glorifié en lui, Dieu en retour lui donnera sa propre gloire et il la lui donnera bientôt.

Jésus le sait : son HEURE est arrivée, l'heure de passer de ce monde à son Père (13, 1). Judas, à qui il a lavé les pieds et donné la bouchée de pain, vient de sortir de la pièce pour se rendre près des autorités et les guider afin d'arrêter Jésus au plus tôt. La mécanique de mort est lancée. Jésus, bouleversé par cette trahison d'un ami, sait que, dans quelques heures, il sera prisonnier, jugé et condamné à la croix. Aussi donne-t-il aux siens la signification profonde de l' événement épouvantable qu'il va vivre. Il ne peut ni s'enfuir ni édulcorer son message. Puisque ses adversaires le haïssent et veulent le supprimer, c'est l'heure MAINTENANT, de donner sa vie, de s'approcher de Dieu son Père en montant sur la croix...et ainsi il sera vraiment LE FILS DE L'HOMME.

Plus d'un siècle et demi auparavant, le prophète Daniel avait prédit qu' après la succession des empires totalitaires, surviendrait "comme un fils d'homme" qui s'approcherait de Dieu et recevrait de lui : "souveraineté, gloire et royauté...souveraineté éternelle qui ne passera pas, royauté qui ne sera jamais détruite" ( Daniel 7, 14). Quel paradoxe inouï ! L' horreur sans nom, l'échec radical de la crucifixion est le couronnement glorieux de Jésus. Parce qu'il obéit au commandement de son Père, parce qu'il a le courage d'accomplir sa mission jusqu'à donner sa vie dans un supplice effrayant, le Fils rend gloire à son Père, donc, en retour son Père le comble de sa Gloire. Nous pouvons donc transformer la fatalité en don de nous-mêmes.

B. DEPART DE JESUS : ABSENCE A TOUS

Mes petits enfants, je suis encore avec vous mais pour peu de temps. Vous me chercherez et comme je l'ai dit aux Juifs : " Là où je vais, vous ne pouvez venir", à vous aussi maintenant je le dis".

C'est l'unique fois dans les évangiles où Jésus s'adresse aux siens avec ce vocable plein de tendresse "mes petits enfants". Là où il va (dans l'abîme de la mort pour rejoindre son Père), aucun d'eux ne peut le suivre. Pas plus que les Juifs incrédules, les disciples ne sont à même de trouver le Père par eux-mêmes. Ils chercheront Jésus mort sans le trouver. Mais c'est en faveur des siens qu'il va entrer dans cette nuit, c'est pour ouvrir un passage qu'à leur tour, ils pourront emprunter ...plus tard quand il viendra les chercher ( 14, 3), quand il leur aura offert son Esprit ( 15, 26), seule force capable de les mener au terme de leur vie : dans la Gloire du Père. Jésus sera pour toujours invisible : restera-t-il un souvenir ? Faudra-t-il seulement attendre la fin des temps ? Que devons-nous faire ? Ceux qui cherchent un Sauveur, où le trouveront-ils ?...La suite précise la réponse : en faisant une communauté vraiment fraternelle ( trois fois "les uns les autres")

C. L'AMOUR FRATERNEL : SUBSTITUT A L'ABSENCE DE JESUS

1. Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres.

C'est la première fois que Jésus donne "un ordre" à ses disciples. Jusqu'alors, il leur a révélé l'amour de Dieu pour le monde, pour lui, son Fils : à présent qu'il va lui-même jusqu'au bout de l'amour et qu'il va être rempli de la Gloire du Père, il peut leur donner ce précepte (car ce n'est pas qu'un conseil). C'est parce qu'ils vont découvrir à quel point ils sont aimés que les disciples seront capables de partager entre eux l' "agapè" reçue du Père. Ils vont entrer dans le temps de la NOUVELLE ALLIANCE.

Remarquez qu'il ne dit pas :"Aimez les autres". La Pâque de Jésus, son entrée dans la gloire de la croix a pour but immédiat et nécessaire de créer une communauté de croyants fraternels. L'Eglise n'est pas une organisation philanthropique, un ramassis de gens pieux qui font du bien à l'occasion. Aller à la messe pieusement, communier à l'Hostie sans vouloir "communier" à ses frères présents et s'en aller, fût-ce en glissant une piécette à un mendiant inconnu, ce n'est pas ce que Jésus a commandé ! Le problème actuel de l'Eglise n'est pas celui des vocations mais de nos communautés paroissiales qui restent trop anonymes, sans véritable unité entre les disciples de Jésus.

2. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

Nous ne pouvons nous accommoder d'à peu près, nous contenter de gestes superficiels : cet amour entre chrétiens doit être christique, radical, total, entier. Nous devons nous aimer COMME JESUS NOUS A AIMES : ce qui a deux sens. 1) Il s'agit de l'imiter, de le prendre comme modèle en relisant l'évangile ( Il a vécu avec des disciples très différents les uns des autres, il leur a enjoints de s'accepter, il a fait preuve de patience aveceux, les a protégés, leur a lavé les pieds en ordonnant : " Vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres". A présent il va donner sa vie pour eux). Il leur faut donc vivre entre eux ces mêmes exigences jusqu'au bout. 2) Mais COMME signifie aussi PARCE QUE, PUISQUE... : Jésus ne reste pas un modèle extérieur que nous aurions à copier laborieusement. Son amour imprègne ses disciples : nous nous aimerons grâce à l'amour que notre Seigneur nous donnera. C'est sa charité qui nous brûlera jusqu'à pouvoir accomplir l'impossible : nous aimer...comme Lui ! Par lui, en Lui, notre charité (mot à revaloriser : super-amour) acceptera la croix. Si notre lien à Jésus est distendu, nous restons incapables d'aimer COMME LUI !

3. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres.

Le Fils de l'homme est roi et juge de toutes les nations ( Daniel 7, 13). Son itinéraire d'amour doit apporter le salut à tous les peuples, son amour crucifié et ressuscité doit se répandre, être révélé partout et jusqu'à la fin du monde. Non par conquêtes, croisades, phénomènes extraordinaires mais simplement par le témoignage de communautés dont les membres pratiquent entre eux la charité du Christ. Tel sera le 1er argument, la cause première de la conversion.

Dans un monde qui cherche la paix sans jamais la trouver, il faut que l'on voie non un gentil croyant, une famille pieuse, un héros de la cause humanitaire, une organisation fastueuse, un prêtre dévoué, un moine ascète, une S½ur mystique....mais ici et là, partout, des hommes et des femmes qui S'AIMENT COMME JESUS LES A AIMES. C'est cela UNE PAROISSE. La charité fraternelle est le premier et le plus grand témoignage qui peut étonner, interpeller, séduire. En ce temps pascal, nous méditons ces lignes et tout le Discours d'adieu ( Jean 13-17) : nous n'avons pas à inventer l'Eglise et notre vie de foi. Les traits en sont dessinés là : à nous de lire, et d'obéir. Le reste est perte de temps