6e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2013-2014

Comment nous situer face à la Loi ? Nous vivons à Bruxelles et, partout en Europe, Bruxelles est synonyme de règlements, de tracasseries, de contrôles et de limitations. Comment nous situer face à la Loi ? Le débat est d'actualité en différents pays, en particulier pour l'euthanasie et l'avortement. Le légal est-il toujours moral ?
Faut-il toujours respecter la Loi ? Avec quelle souplesse, quelle marge, quelle liberté ? Comment l'humaniser ?
Comment nous situer face à la Loi, aux modèles, aux normes, aux codes, aux règlements ? Suffit-il d'obéir comme un robot bien programmé ?
Est-il même possible, devant la multitude des articles, toujours en évolution, d'être certain de tout bien observer ? Est-il possible d'échapper à l'angoisse et de se dire une bonne fois « je suis en règle, je ne commets aucune infraction » ? La loi est-elle synonyme de sécurité ? Suis-je sûr que les autres vont l'observer ? Suis-je sûr moi-même de ne jamais la transgresser ? Et que vais-je y risquer ?

Vous le savez, l'Evangile n'est pas une loi. Même si l'on parle de la loi nouvelle, il s'agit justement dans cette loi nouvelle, de vivre sous l'inspiration de l'Esprit. « La lettre tue, l'Esprit vivifie » dit saint Paul. On ne peut être plus clair ! La Loi, selon lui, est un pédagogue. Elle apprend à respecter les limites, celles des autres. Face à mes caprices et mes lubies elle représente une altérité qui m'oblige, une transcendance qui me structure et me met en relation. Mais elle ne peut sauver. L'Union Européenne ne sera pas sauvée par des tonnes de règlements. Il faut qu'il y ait de la vie, de l'enthousiasme, l'élan de l'Esprit. Nous ne sommes pas des machines mais des êtres vivants. Nous ne pouvons pas tout programmer, contrôler, même si l'informatique peut nous y aider.

L'Evangile n'est pas une Loi. L'Eglise n'est pas régulée par des règlements. Même s'il y a un droit canonique, cela n'est en rien comparable avec la « charia ». La loi est là mais elle est relativisée.
Jésus le montre dans sa vie. Sa mère est enceinte avant son mariage avec Joseph. Jésus mange et boit à la table de publicains, de pécheurs publics. Il se laisse toucher par Marie Madeleine qui lui lave les pieds, les essuie avec ses cheveux... il parle et il boit avec la Samaritaine. Il touche les lépreux. Il guérit le jour du Sabbat. Il ne paie pas l'impôt, ou seulement quand on lui pose la question.

Et pourtant Jésus, aujourd'hui, nous dit qu'il ne vient pas abolir la loi mais l'accomplir. En effet, il la relativise par excès. Il n'en fait pas moins, il en fait plus. Si jusque là Moïse a permis aux hommes de répudier leur femme, lui, il affirme qu'il ne faut pas séparer ce que Dieu a uni. Si, dans les dix commandements de Moïse, il est question de ne pas tuer, pour lui, il ne faut pas même insulter. Si, dans la loi, on peut donner au Temple sans se soucier de la vie de ses vieux parents, Jésus, lui, affirme qu'il faut se responsabiliser pour eux et se solidariser. Si, dans la loi, il ne faut pas travailler le jour du Sabbat, Jésus, lui, dit qu'il faut accomplir la création et guérir l'homme car c'est là que se trouve la gloire de Dieu.

En fait l'Esprit ne s'oppose pas à la Loi. Il permet d'en comprendre les intentions, d'en respecter les finalités, de faire de nous des hommes et des femmes libres, non pas libres au sens de la feuille morte emportée au gré du vent, mais des êtres libres, déterminés, orientés vers le bien et vers la vie, vers l'amour et la solidarité.

Jésus nous dit de n'insulter personne, mais il va traiter les pharisiens d'hypocrites et de sépulcres blanchis. Il dit qu'il ne faut pas se mettre en colère mais il chasse les vendeurs du temple.  Comprenne qui pourra.

Si dans la loi juive il y a un peu plus de 600 commandements, dans la loi de nos pays et dans les règlements communautaires, combien y a-t-il de commandements ? Personne ne le sait, cela dépasse ce que l'on peut compter, d'autant plus que tout change tout le temps. La loi est perfectible, elle doit s'adapter. Elle vise quelque chose qui est au-delà d'elle-même. Il y a des lois non écrites disait Antigone à ses accusateurs. Dans l'exercice de nos responsabilités, nous ne pouvons pas nous contenter d'appliquer les règlements. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire aux victimes, aux pauvres, aux malheureux : « Monsieur, Madame, je ne peux rien pour vous. Votre cas n'est pas envisagé, vous n'entrez pas dans le cadre prévu ». Nous devons inventer un comportement responsable et libre. Et pour cela, nous avons besoin de l'aide de l'Esprit Saint. Il nous communique l'amour et la créativité de Dieu !

Seigneur nous te prions. Face aux lois, aux normes, aux règlements, donne nous d'être libres, vivant de ton Esprit, de respecter nos frères et s½urs, de les aimer comme tu les aimes, de savoir inventer les attitudes adaptées aux situations complexes qui sont les leurs. Donne-nous de savoir nous situer par rapport à la Loi, aux traditions, aux règlements, comme tu as su le faire, sans avoir peur de prendre parti pour les exclus, les oubliés, les rejetés, sans avoir peur des contagions d'image, des phénomènes de boucs émissaires.
Donne-nous de construire des institutions humanisées, où le droit est au service de la justice et de la vérité. Donne nous ta force de vie, de générosité, toi qui est l'amour, vivant pour les siècles des siècles.