6e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Vous avez compris quelque chose à cet évangile ? Tous ces uns. Pour vous, je les reprends et ça me paraît bien compliqué. Qu'ils soient un, comme toi tu es en moi et moi en toi. Qu'ils soient un en nous, comme nous sommes un : moi en eux et toi en moi. Et que moi aussi je sois en eux. Au premier abord, tout cela paraît bien malsain, comme si on se modelait l'un dans l'autre, une fusion parfaite au risque de nier notre propre individualité au nom de cette unité entre le Père et le Fils. Unité, unité au risque de se perdre, sommes-nous en droit de nous demander.

Mais de quelle unité s'agit-il donc ? Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une unité d'organisation, une unité d'Eglise, comme certains l'ont prétendu. Cette unité-là n'existe pas. Nous n'organiserons jamais nos églises de la même façon. J'en ai pour preuve la manière de prier : chacune et chacun vit sa rencontre intime avec Dieu à partir de sa propre histoire. Une relation s'établit entre Dieu qu'il soit Père, Fils ou Esprit, valeur de vie, Absolu. Chacun le définit à partir de ce qu'il en pressent. Je crois même pouvoir affirmer qu'au sein de notre propre assemblée, nous ne croyons pas tous les mêmes choses. Notre perception de Dieu est fonction de ce que nous avons reçu de Dieu lui-même et des lieux où notre foi a grandi. Il en va de même de nos célébrations, celles-ci sont influencées par les lieux, les groupes de préparation, les célébrants, la manière de chanter. Et pourtant ce soir, malgré toutes ces différences qui nous éloigne d'une certaine forme d'unité nous sommes là pour vivre de cette rencontre divine. Sans doute parce que l'unité dont le Christ nous parle dans l'évangile est une unité qui transcende, dépasse toutes ces différences pour rejoindre chacune et chacun dans une relation d'amour entendue au sens de respect, d'autonomie laissée à l'autre pour se réaliser.

Il me semble qu'ici nous nous situons donc au coeur de l'unité de relation personnelle. Nous sommes donc bien loin d'une quelconque idée de fusion idyllique qui emprisonne, voire même étouffe. Non le Christ Ressuscité nous convie à établir entre nous des relations d'amour puisque dans sa propre prière il demande au Père : pour qu'ils aient en eux l'amour dont tu m'as aimé. Et l'amour, comme le rappelle Christian Bobin, dans notre deuxième lecture, est manque bien plus que plénitude. Mieux encore, l'amour est plénitude du manque, une chose incompréhensible. Mais ce qui est impossible à comprendre est pourtant tellement simple à vivre, conclut-il.

Simple à vivre, vite dit, surtout lorsque nous lisons l'histoire de l'humanité, notre humanité. Nous sommes confrontés à un certain danger qui risque de tout faire basculer, celui d'aimer plus nos organisations et structures d'Eglise, nos crédos, nos rites, que de nous aimer l'un l'autre. Nous nous enfermons alors en nous-mêmes dans des barrières, importantes peut-être, mais qui ne conduisent pas à la vie, puisque son fondement n'en est plus au coeur. Une organisation, un crédo, un rite sans amour est quelque chose qui petit à petit se dessèche et meurt. Seul l'amour fait vivre et donne vie. Et pourtant, il nous fait peur cet amour et alors nous nous mettons à fuir et nous nous contentons de ce que les journaux, la radio et la télé nous crient chaque jour, c'est-à-dire que des hommes et des femmes tuent, humilient, torturent. Nous nous réjouissons du malheur des autres mais sans le faire nôtre. Et nous voilà partis dans la spirale des cancans et des ragots que nous parviendrons toujours à justifier par un soi disant souci de l'autre, n'oublions pas, nous sommes des êtres intelligents et que nous sommes les rois et les reines des excuses faciles. Mais le ragot est tellement loin de l'amour. Comme si le malheur de l'autre nous rassurait ; par lui nous nous mitonnons notre petit coin de bonheur. Cette dynamique nous conduit à dire : « aimons-nous, comme on s'aime dans le monde de Dieu ». Cependant, l'évangile nous invite à nous aimer comme Dieu nous aime. Là est toute la différence. Et c'est si simple à réaliser. Plutôt que de nous contenter du malheur des autres ou de s'en apitoyer, pourquoi ne pas commencer à nous émerveiller à nouveau devant des simples gestes de la vie véhiculé par l'amour, des actes de tendresse et d'amitié, des solidarités. Nos vies en sont parsemées. Prenons le temps de nous tourner vers tout ce qui se fonde sur l'amour et alors se réalisera la prière de Jésus : « qu'ils soient un comme nous sommes un ».

Amen.