Contrairement à ce que certains pourraient parfois penser : aucune religion, aucune philosophie n'a le monopole de Dieu. Chacune, à leur manière propose, un chemin de réalisation de soi par un ensemble de valeurs qu'elles invitent à mettre en ½uvre. Ces dernières sont d'ailleurs partagées par les grandes traditions religieuses du monde. En effet, dans l'ancien Mahabharata hindou, nous pouvons lire : « quelqu'un ne doit jamais faire à quelqu'un d'autre ce qu'il considère comme injurieux pour lui ». Dans le Sutta Nipata bouddhiste nous lisons : « comme une mère s'occupe de son enfant chaque jour, de la même manière l'esprit de l'homme devrait être donné entièrement à toutes les choses vivantes ». Dans un écrit taoïste nous pouvons lire que « l'homme bon verra les gains des autres comme s'ils étaient les siens et leurs pertes de la même manière ». Les écritures zoroastriennes déclarent : « la nature est seulement bonne lorsque elle ne fait pas à un autre ce qui n'est pas bon pour elle-même ». Dans le Talmud juif nous lisons : « ce qui est détestable pour toi, ne le fais pas à tes pairs. Ceci est le tout de la Torah ». Et enfin, dans le Hadith de l'Islam nous découvrons les mots du prophètes Mohammed : « aucun homme n'est un vrai croyant à moins qu'il ne désire pour son frère ce qu'il désire pour lui-même ». Toutes ces phrases font ainsi écho à la règle d'or entendue dans l'extrait d'évangile de ce jour et qui résume tout l'enseignement de Jésus : « ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux ». Lorsque nous prenons conscience de la richesse du pluralisme religieux, aucune religion, aucune philosophie ne peut donc prétendre à être la seule et unique voie de salut. Chacune à leur manière dévoile quelque chose de la divinité ou de l'humanité de toute personne. Elles proposent toutes une éthique de vie, partagée par tous les êtres de bonne volonté. Une éthique à l'image de notre vie : toujours à faire, à construire, jamais atteinte. Par ce biais, nous entrons nous aussi dans le mystère de notre foi et, comme le souligne un philosophe contemporain « ce qu'il y a de beau dans un mystère, c'est le secret qu'il contient et non la vérité qu'il cache ». La foi chrétienne dévoile dès lors à sa manière une partie du mystère divin. Elle nous fait entrer dans un autre rapport à l'autre de par notre propre relation au Tout-Autre. C'est en tout cas ce que semble souligner cette règle d'or. Nous ne sommes pas face à une multitude de propositions éthiques à réaliser. Nous sommes plutôt au-delà de toute éthique humaine pour entrer dans le champ de l'éthique divine où nos catégories ne fonctionnent plus comme nous l'entendons. La règle d'or nous fait entrer dans une nouvelle dynamique, celle de la rencontre par excellence, c'est-à-dire une rencontre qui se veut toujours trinitaire. Je m'explique. Pour être capable de réaliser aujourd'hui cette éthique divine telle qu'elle nous est proposée dans l'évangile, nous devons apprendre à rencontrer l'autre autrement. L'autre n'est plus un autre parmi d'autres et ce qu'il soit ami ou ennemi. Non, dans la dynamique trinitaire, l'autre lorsqu'il fait partie des exclus de notre société, devient visage du Père au c½ur de notre humanité. Poussé par l'Esprit, il est cette image qui m'invite à devenir regard bienveillant du Fils. Dans d'autres circonstances où la relation est plus complexe et où l'autre cherche à m'exclure de toute forme de relation, je deviens pour lui visage du Père et poussé par l'Esprit, je l'invite à retrouver en lui la face du Christ. Et cela prend parfois du temps, beaucoup de temps. Heureusement pour nous, nous avons l'éternité devant nous et espérons que certaines relations où la rencontre n'a pas été possible sur terre pourront se vivre lorsque nous serons imprégnés de la lumière divine. Nous sommes donc bel et bien invités à entrer dans l'événement de la rencontre trinitaire. En d'autres termes, laisser Dieu s'inscrire au c½ur de nos relations afin de les rendre non seulement plus intenses mais aussi plus vraies. Etre capables d'une rencontre trinitaire alors que la relation est difficile, voire parfois impossible, c'est oser se laisser toucher par la miséricorde qui habite le Père. Un peu comme si nos relations ne pouvaient devenir trinitaires dans la rencontre que si la miséricorde en était le moteur. Une miséricorde pour soi et une miséricorde pour l'autre de qui j'accepte de me faire proche. Lorsque la miséricorde s'inscrit au c½ur de nos rencontres trinitaires, nous pouvons mettre en ½uvre dès à présent la règle d'or qui comble toute vie. Demandons alors à l'Esprit de Dieu de nous inspirer et de nous accompagner pour que lors de chacune de nos rencontres nous soyons soit visage du Père ou face du Christ. Dieu a besoin de nous. Aujourd'hui, il passe par nous.
Amen.