L'Evangile d'aujourd'hui pose la délicate question de notre rapport à l'argent. Cette question est d'autant plus délicate que nous ne sommes pas tous dans la même situation. Certs, nous avons tous des soucis d'argent. Quand nous recevons notre feuille d'impôt, nous ne sautons pas tous de joie, en disant : « quel bonheur ! quel plaisir de pouvoir participer au rayonnement et à la gloire de la Belgique ! » Mais nous connaissons tous dans notre entourage, et même dans notre famille, des personnes qui vivent dans la précarité. Cela peutêtre une mère de famille qui éduque seule ses enfants parce qu'elle est divorcée. Cela peut être un étudiant venu de loin et obligé de vivre avec une petite bourse, ou parfois sans bourse.
Et c'est là toute la différence entre ces personnes et moi. Moi, j'ai la chance de pouvoir me demander quelle est la place de l'argent dans ma vie. Ces personnes vivant dans la précarité ne se posent pas cette question. Pour elles, l'argent est un souci quotidien. Et pourtant, certaines d'entre elles ont la force, le courage d'écouter les autres et de partager leurs joies et leurs peines. Je suis toujours plein d'admiration devant tous ces hommes et ces femmes qui arrivent à ne pas être brisés par la vie malgré les grands drames qu'ils ont pu traverser, malgré les grandes difficultés dans lesquelles il doivent vivre.
C'est la raison pour laquelle je suis embarrassé devant cette parole de Jésus : « ne vous faites pas tant de souci pour votre vie ». Que Jésus m'adresse cette parole, à moi, d'accord ! jer comprends. Il faut toujours être prudent dans son rapport avec l'argent, mais qu'il lance cette remarque à tous ses contemporains, c'est étonnant. A cette époque, il n'y a pas de sécurité sociale, pas d'assurance-maladie, pas d'assurance-chômage. Ce qu'il y a, ce sont des hommes qui le matin s'installent sur la place et attendent qu'on les engagent pour la journée, ce sont les veuves qui, comme Ruth, glânent dans les champs les épis de blé oubliés par les moissonneurs. Tout cela, c'est bien, c'est romantique, mais cela ne dure que le temps de la moisson. Il y a bien sûr face à tous ces traîne-misère les riches propriétaires terriens et la famille d'Hérode qui usent et abusent de leur pouvoir pour mieux s'enrichir, s'enrichir sans cesse et sans fin, car tout le monde le sait : on n'est jamais assez riche. Et c'est là peut-être le point sur lequel Jésus veut attirer notre attention : ne pas s'habituer à la pauvreté autour de soi, rester sensible à la détresse de nos proches, leur rendre leur dignité humaine soit par une aide ponctuelle, par une aide structurelle. Car on ne peut rester ébloui par l'amour de Dieu sans vouloir le faire partager par tous ses proches, en leur rendant des conditions de vie dignes d'un enfant de Dieu.
Philippe Henne
8e dimanche ordinaire, année A
- Auteur: Henne Philippe
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : A
- Année: 2013-2014