8e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2013-2014

OSER VIVRE LA CONFIANCE

La 4ème partie du Sermon sur la Montagne (6, 19 à 7, 12) aligne les mises en garde contre les 5 principaux obstacles qui empêchent de vivre selon l'Evangile et de pratiquer les Béatitudes. La Liturgie de ce dimanche nous en présente les deux premières (les 3 suivantes, non lues en liturgie, viseront la condamnation d'autrui ; le prosélytisme agressif ; le manque de prière).

1. ATTENTION A L'ARGENT


Aucun homme ne peut servir deux maîtres : ou bien il détestera l'un et aimera l'autre, ou bien il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'Argent.
Terrifiante puissance de cet argent, instrument indispensable pour les échanges et le commerce, mais qui insidieusement tend toujours à prendre la première place au point de devenir le maître, le seul et vrai rival de Dieu. Jésus ne dit pas «l'argent » mais « Mammon », un mot apparenté à « amen », qui signifie la confiance, la remise de soi. Chassant les appréhensions, permettant facilités de vie, confort, luxe et voyages, l'argent peut devenir le dieu que l'on sert. Car on rêve de ce qu'on n'a pas encore, on envie ceux qui jouissent de biens qui nous manquent si bien qu'on souffre de n'avoir jamais assez. Par mauvaise conscience, on donne une pièce à un mendiant, on verse (un peu) à une Organisation caritative ; on appelle « charité » ce qui n'est même pas un début de « justice ». Mais  en fin de compte, c'est bien l'Argent, Mammon, qui dicte les décisions importantes. Et qui va jusqu'à entraîner à la fraude et au vol : y a-t-il un jour où n'éclate un nouveau scandale de corruption...même dans les milieux les plus nantis ?...
Société de consommation qui exacerbe les envies en présentant des objets toujours nouveaux, toujours plus sophistiqués. Quelle fascination ! Puissance des publicitaires qui martèlent des slogans, créent de nouveaux besoins, attisent la convoitise, la jalousie et la rivalité. Mais on voit que cette adoration du « fric » nous mène à la mort : la destruction de la planète, le réchauffement climatique, la famine qui tue des milliers d'enfants chaque jour  ne sont pas des fatalités à subir. Contre le gaspillage, la gabegie, la fièvre acheteuse, la frénésie du profit, les placements à haut rendement, l'évasion fiscale, les chrétiens se doivent de réagir et de manifester que l'on peut être heureux en adoptant un train de vie plus modeste, en optant pour plus de sobriété, en luttant pour la justice (et non l'aumône).
La mise à sa place de Mammon est une mission prioritaire : tous les évangiles le soulignent ! Servir l'argent, c'est se détourner du vrai culte de Dieu. La Vie ou la Mort, il faut choisir. La 1ère béatitude affiche l'entrée dans l'Evangile : « Heureux les pauvres en esprit... ».

2. ATTENTION AUX SOUCIS MATERIELS

« C'est pourquoi je vous dis : Ne vous faites pas tant de soucis pour votre vie, au sujet de la nourriture, ni pour votre corps, au sujet des vêtements. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ?
Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles ni moisson, ils ne font pas de réserves dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux ? D'ailleurs, qui d'entre vous, à force de souci, peut prolonger tant soit peu son existence ?
Et au sujet des vêtements, pourquoi se faire tant de soucis ? Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas. Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n'était pas habillé comme l'un d'eux. Si Dieu habille ainsi l'herbe des champs, qui est là aujourd'hui, et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi ?
Ne vous faites donc pas tant de soucis ; ne dites pas : 'Qu'allons-nous manger ?' ou bien : 'Qu'allons-nous boire ?' ou encore : 'Avec quoi nous habiller ?'.Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin.
Cherchez d'abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus le marché.
Ne vous faites pas tant de soucis pour demain : demain se souciera de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine ».
Evidemment il y a des soucis normaux auxquels nul ne peut échapper : la santé, la vie de famille, l'avenir des enfants, la justice sociale, la vie de son pays, la marche de son entreprise...............
Quand Jésus lance trois fois le même impératif « Ne vous faites pas tant de soucis», il vise trois domaines - la nourriture, l'habillement et l'avenir - et il avertit non de ne pas s'en soucier du tout mais de ne pas en être obsédé. L'accent est sur « tant de ... ».
A nouveau ces mises en garde prennent une grande actualité quand, excités par les médias et l'opinion publique, nous devenons obnubilés par « la bouffe » et « la mode ». « Il faut aller manger chez A... J'ai acheté cette robe chez Y...Comment ! tu n'es pas allé à ... ?? »
Que d'enfantillages ! Jésus nous questionne : « Votre bonheur dépend-il donc de tout cela ? ».
Ce qui est grave spirituellement, c'est que ces soucis nous enferment dans le plan matériel (indispensable mais non excessif) et révèlent un manque de confiance en Dieu. Nous accaparons afin de nous rassurer à tout prix. Nous doutons de la Providence !
Jésus exhorte ses disciples à vivre comme son Père l'avait demandé aux Hébreux traversant le désert : la manne était donnée au jour le jour, sans faire de provisions. Et il nous fait prier : « Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour... »
Pour ne plus être « des hommes de peu de foi », Jésus ne nous demande pas de prendre de bonnes résolutions (qui s'écroulent souvent comme des châteaux de cartes) mais de rectifier et d'attiser « notre souci »,  à diriger notre passion vers l'essentiel :  Ayez souci du Règne de Dieu d'abord,
Remettez toujours Dieu à la première place. Demandez-vous : que faire pour que Dieu - et non l'argent ou une autre idole - règne sur les conduites ? Quelle décision prendre pour qu'une brèche soit faite dans les montagnes du matérialisme et que luise un reflet d'un Dieu qui est Père ?
Le chrétien devient alors « autre » que les autres : le début du Sermon sur la montagne ne disait-il pas : « Vous êtes le sel de la terre » ?
La foi ne se réduit donc pas à une profession de dogmes, à des croyances et à des rites : elle est confiance. Le carême qui commence ce mercredi nous apprendra à jeûner de nos appétits.