Baptême du Seigneur, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

 

La Dignité suprême des Baptisés

La beauté et la vérité de la Bonne Nouvelle du Christ Seigneur éclatent tout autant dans l'Evangile que - a contrario - à travers les caricatures que le monde en fait lorsqu'il s'en détourne. Les fêtes récentes en donnent à nouveau la manifestation.

Au lieu d'adorer un Dieu Père qui offre son amour à tous, sans distinction, on a vénéré un père Noël, idole hilare et mensongère du faux bonheur puisqu'il ne fait des cadeaux (payants !) qu'aux riches.

Au lieu de regarder l'Arbre de la Croix où le Fils de Dieu montre qu'il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime, on a dansé autour du Sapin enguirlandé, symbole païen d'une vie qui soi-disant ne mourrait pas.

Au lieu de se rassembler fraternellement dans une église où se revit Noël - puisque l'enfant couché dans la mangeoire devient le Pain vivant distribué aux bergers et aux mages, aux pauvres et aux savants -, on a préféré s'abrutir dans la gloutonnerie des banquets luxueux.

Et maintenant, au lieu de jouir des richesses insondables dont l'Esprit-Saint comble le c½ur des croyants, on s'encourt aux "Soldes" - comme si le bien-être consistait dans le beaucoup-avoir, comme si la frénésie des achats pouvait se substituer à la joie profonde du c½ur humble qui s'émerveille des dons gratuits de Dieu .

Mais comment le monde connaîtrait-il le vrai sens des fêtes et saurait-il mieux vers où il va en cette nouvelle année 2005 puisqu'il ne sait pas d'où il vient ? Qui n'a pas d'origine (dans l'Amour de Dieu) ne peut avancer vers sa fin (qui est l'amour du Père). Qui refuse la communion filiale subit le joug des modes et l'esclavage d'une liberté sans boussole.

Et nous nous étonnons que très logiquement, entraînés dans cette dérive, les enfants de ce monde se laissent marqués par les tatouages des dragons, se défigurent et s'enchaînent dans les anneaux du piercing et basculent dans les drogues ?...

GRANDEUR DU BAPTÊME

Les récentes célébrations nous ont rappelé que Dieu, en Jésus, était venu vivre parmi nous : toutefois nous ne pouvons cantonner cet événement dans un passé lointain. La foi n'est pas évocation historique, nostalgie du vieux temps mais elle est vivante lorsqu'elle est actualisée. Et ce qui rend vivant le Mystère du Christ, ce qui le rend présent et actif ce qui l'insère dans l'actualité de notre existence, c'est le BAPTÊME.

En ce dimanche qui évoque le Baptême de Jésus par Jean dans les eaux du Jourdain, nous reprenons conscience de ce que nous sommes devenus à la suite de cet acte que les premiers chrétiens appelaient "le SCEAU DE DIEU" - une marque spirituelle qui signale que nous sommes libérés de la tyrannie du mal et de la peur et que nous sommes libres. Libres pour aimer Dieu et nos frères. Re-nés.

Il faudrait que retentisse encore en ce jour le grand cri que lançait jadis à Rome le grand Pape Saint Léon :

" Ô Chrétien, reconnais ta dignité !".

Cette grandeur ne vient pas de notre statut social ni de nos diplômes ni de nos bonnes actions ni de nos habitudes rituelles : elle est cadeau gratuit, offre de la grâce.

Car le baptême n'est pas inscription dans un registre, enrégimentement dans une institution, acceptation d'un carcan dogmatique, pas plus qu'il n'est assurance magique contre les mauvais esprits ou moment de sacralisation d'une naissance.

Au baptisé, le Père proclame :

" Tu es mon fils bien-aimé : aujourd'hui je t'engendre".

Sur chaque baptisé, descend l'Esprit de Dieu qui, tel une colombe, assure que le péché est détruit et que la Paix de Dieu lui est offerte.

Chaque baptisé devient un disciple dont Jésus est le seul Maître, une brebis du troupeau dont Jésus est l'unique Berger ; un sarment dont Jésus est la Vigne ; un membre dont Jésus est le Corps ; un Temple sacré habité par l'Esprit.

VERS UNE EGLISE D ' OPTION

Nous n'ignorons pas ce qui est en train de se passer : alors que, dans nos pays occidentaux - longtemps catalogués comme "chrétiens" -, il allait presque de soi que tout nouveau-né reçoive le baptême, à présent il n'en va plus ainsi. Mais si de plus en plus d'enfants ne sont plus baptisés, on voit croître sans cesse les demandes de baptême de la part de jeunes ou d'adultes. En 2003, en France, plus de 2000 baptêmes d'adultes (dont 110 de musulmans) ont été célébrés, souvent lors de la magnifique Veillée pascale.

Les habitudes religieuses transmises par héritage ou tradition familiale font place à l'acte de foi, à la démarche consciente, à la décision personnelle. Partout des processus de formation se mettent en place : à une jeunesse qui a grandi dans l'ignorance religieuse, il s'agit d'apprendre les rudiments de la foi, les m½urs de l'Eglise, le sens du credo, la vitalité de la vie selon l'Evangile. Formidable défi qui ne peut être relevé que si les chrétiens reprennent conscience de la grandeur de leur baptême : don de la Grâce de Dieu qui appelle une réponse, qui devient une tâche, qui exige que l'on mette en pratique les dons reçus - quitte à se démarquer de l'entourage et à encaisser les critiques. Jean-Paul II écrivait récemment : " Ce serait un contresens de se contenter d'une vie médiocre. Demander à un catéchumène : " Veux-tu recevoir le baptême ?" signifie lui demander en même temps : " Veux-tu devenir saint ?" (N.M.I. § 30)

En méditant la scène du baptême de Jésus, demandons à l'Esprit - à Son Esprit - de nous investir également afin d'entreprendre sur le champ la mission reçue : construire une communauté fidèle au programme de l'Evangile et témoigner que Dieu vient régner pour le salut de l'humanité.