Baptême du Seigneur, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : C
Année: 2009-2010

" Reconnais , ô  chrétien ,  ta  dignité " ( pape saint Léon)

A part la fugue à 12 ans, plus rien n'est dit des longues années suivantes, appelées "années obscures de Jésus". Le seul événement certain qui a dû se produire et dont on ne dit rien, c'est la mort de Joseph puisqu'il n'interviendra plus par la suite. Jésus a repris l'atelier de son père et il vit avec sa mère en restant célibataire. Les temps sont durs, la misère est grande, le joug romain impitoyable. On vit pauvrement dans la petite maison de Nazareth: existence simple, nourriture frugale. Mais quelle joie profonde et inaltérable entre mère et fils: comment imaginer leur communion ? Pourtant rien n'apparaît chez les voisins: ils participent à la vie du village, partageant joies et peines et, chaque sabbat, tous se retrouvent à la synagogue pour la grande prière. Les lectures de la Torah et le chant des psaumes entretiennent l'espérance du Messie. " Ah si tu déchirais les cieux et si tu descendais !" ( Isaïe 63, 19 ).

Jésus a maintenant bien plus de 30 ans (il doit être né 5 ou 6 ans plus tôt que l'on n'a dit et on doit être en l'année 28 de notre ère): pas question de décider soi-même le moment d'agir. Il faut attendre le signal de Dieu. Or, un jour, la rumeur se répand: un prophète s'est levé ! Iohanan annonce l'arrivée imminente du Messie ! Seul ou avec quelques autres, Jésus décide d'aller voir. Jean s'est installé sur la rive gauche du Jourdain. Là où arrivèrent les esclaves hébreux avec Moïse, là où Moïse mourut, là aussi où plus tard le grand Prophète Elie disparut pour être enlevé au ciel, là également où les déportés à Babylone revinrent après un long exil. Le 3ème et dernier exode va se réaliser.

Par ses annonces de la fin du monde, ses exhortations violentes, Jean fait forte impression !

Le peuple venu auprès de Jean était en attente et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n'était pas le Messie. Jean s'adressa alors à tous : " Moi je vous baptise avec de l'eau; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu".

Au moment où Luc écrit son évangile (années 80-85), et longtemps encore par la suite, beaucoup tenaient encore Jean pour le véritable Messie puisque Jésus s'était présenté comme son disciple;  ils pratiquaient son baptême, signe d'entrée dans la secte des "baptistes" qui perpétuaient la mémoire du Maître disparu.

Mais les évangélistes insistent très fort sur l'immense fossé qui sépare les deux hommes. Même s'il a rompu avec le temple et ses sacrifices, même s'il baptise, Jean reste un homme du Premier Testament. Il prêche, il exhorte, il pratique un rite de purification, il presse les gens de prendre de bonnes résolutions...mais on demeure au niveau de la Loi: on écoute et on admire un enseignement que l'on reçoit comme une leçon à mettre en pratique. Or toute la Bible montre l'échec perpétuel de cette façon de faire: la faiblesse de l'homme est  telle qu'il ne pourra jamais être totalement fidèle.  Et Jean, très humble, très conscient, l'explique à la foule: entre moi et "celui qui vient", il y a un abîme plus grand qu'entre un seigneur et son esclave. Jésus baptisera et redira un enseignement très semblable au mien mais lui seul pourra communiquer l'Esprit, la Force de Dieu. Sa Parole ne donnera pas seulement une leçon de morale: elle fournira la puissance de la réaliser.

Beaucoup de baptisés chrétiens n'ont pas compris cette différence abyssale. Ils tiennent l'Evangile pour un enseignement que l'on écoute et que l'on doit mettre en pratique. Sans guère d'effet. S'il s'agissait seulement d'apprendre la conduite à tenir comme chrétien, la messe s'achèverait après l'homélie. On serait comme dans une salle de cours: "voici ce qu'il y a à faire, faites-le".

Comme tout le peuple se faisait baptiser et que Jésus priait, après avoir été baptisé lui aussi,

alors le ciel s'ouvrit. L'Esprit Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe.

Du ciel une voix se fit entendre: " C'est toi mon fils: moi aujourd'hui je t'ai engendré"

Jésus a effectivement reçu le baptême de Jean mais remarquez l'expression de Luc: il ne raconte même pas le geste de Jean. L'essentiel n'est pas tant le rite mais l'attitude de Jésus ensuite: IL PRIE.

Car il faut éviter le danger sans cesse menaçant de "magie" ( accomplir un acte sacré en estimant qu'il va agir de lui-même). Accepter la plongée dans l'eau est un engagement qui appelle l'homme non pas à se croire quitte ("je suis en règle")  mais à se présenter comme disponible à Dieu. Jésus ne parle pas: il se tient là, nu, ruisselant, offert à Dieu: " Me voici, Seigneur, je viens faire ce qui te plaît"( Psaume 40, 9 )

Alors se produit la merveille: Dieu donne l'Esprit et vocation à son Fils.

L'Esprit de Dieu, la "ruah", c.à.d. le Souffle, le Vent, la Force, l'Inspiration de Dieu investit Jésus. "Comme une colombe". La note n'est pas que pittoresque. Au début de la Genèse, dans le tohu-bohu initial, il était écrit que " le souffle de Dieu planait à la surface des eaux" comme pour susciter et protéger la création qui allait surgir. (Gen 1, 2). Le baptême avec le don de l'Esprit n'est donc pas une cérémonie, une simple purification, un bain rituel, mais une NOUVELLE CREATION.  La Loi admonestait, exhortait, apprenait, corrigeait: l'Esprit RECREE !

Et, 2ème référence, la colombe (IONA) est l'animal symbole d'Israël (Lecture symbolique du Cantique des cantiques): Jésus accepte donc d'assumer son peuple, il s'engage à le porter, à le supporter, à le représenter. Le baptême n'est pas une élection privée mais une charge en vue de la communauté.

Jésus entend une voix (celle de son PERE évidemment) qui cite le psaume 2 où on ne parle pas de la naissance mais de l'investiture  royale du Messie: " Tu es mon Fils: aujourd'hui je t'engendre". Fils de Dieu, Jésus l'est de toujours, il est né tel ( Annonciation: Luc 1, 35). Ici il reçoit son ordre de mission. Le temps de Nazareth est terminé et "aujourd'hui", tout de suite, le Royaume de Dieu est remis entre les mains de Jésus Messie.

Mais comment agir ? L'appel ne précise aucune modalité. C'est pourquoi Jésus, au lieu de retourner chez sa mère, va s'enfoncer dans le désert pour y réfléchir sur la façon de réaliser sa mission. Ensuite il regagnera sa province  et Luc montrera comment le baptême était bien une onction d'Esprit: "Jésus, avec la puissance de l'Esprit, revint en Galilée...il enseignait dans les synagogues et tous disaient sa gloire...Il vint à Nazara où il avait été élevé. Le sabbat, à la synagogue, on lui présenta le livre du prophète Isaïe et il lit : "L'Esprit du Seigneur est sur moi parce qu'il m'a conféré l'onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres"     (Luc 4, 14-18)

Au-delà du baptême d'eau, Jésus a été OINT d'ESPRIT DIVIN. Il est donc le OINT = le MESSIE consacré par l'Esprit pour annoncer l'Evangile. Dans les Actes, Luc répètera: baptême = Onction d'Esprit. L'apôtre Pierre voit que l'Esprit est donné à des Romains, ces païens honnis, et il raconte

"C'est lui, Jésus, qui est le Seigneur de tous. Vous savez ce qui s'est passé à travers tout le pays des Juifs depuis les débuts en Galilée, après le baptême proclamé par Jean. Jésus de Nazareth, Dieu l'a consacré par l'Esprit-Saint et remplit de sa force. Là où il passait, il faisait le bien et il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du démon"     ( Actes 10, 38 = 2ème lecture )

NOTRE BAPTEME

---   Sacrement de la foi, rite d'entrée dans l'Eglise, le baptême est conformation au Seigneur Christ:

"...Par le baptême, en sa mort, nous avons été ensevelis avec lui afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la Gloire du Père, nous menions nous aussi une vie nouvelle ".

Aujourd'hui il nous faut relire et méditer cette magnifique mystique du baptême développée par Paul (Lettre aux Romains chap. 6). Etre baptisé, c'est entrer dans le mystère pascal.

---   Longtemps à forte majorité de baptisés (mais n'hésitant pas à s'étriper et à déclencher les guerres les plus sanguinaires de l'histoire !!!), nos pays occidentaux voient la pratique s'effondrer: on baptise 2/3 des enfants en Belgique, seulement la moitié en France. Faut-il s'en plaindre ? Car d'autre part les demandes de baptêmes d'adultes sont en progression constante ( parfois même de musulmans).  Ces nouveaux convertis, à condition que le rite ne soit pas du conformisme, ne pourraient-ils apporter un sang neuf à nos communautés souvent assoupies  ? N'avons-nous pas besoin de nous entendre dire par des laïcs transformés par leur baptême: " Reconnaissez donc, ô baptisés, votre dignité !! Rendez-vous compte de qui vous êtes ! Pratiquons ce que nous sommes devenus !!!"

---   Le baptême n'est pas une cérémonie familiale, la bénédiction d'un nouveau-né mais l'entrée dans l'Eglise en tant que communauté concrète, locale. C'est le responsable local qui préside....et la paroisse se doit de manifester qu'elle est heureuse d'accueillir un nouveau membre.

---   Comme le récit du baptême de Jésus le manifeste, le baptême donne vocation: "Tu es devenu enfant de Dieu, voici la tâche à laquelle je t'envoie". Est-ce que la paroisse ose proposer des missions urgentes ?...