Sainte Famille, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : C
Année: 2009-2010

Le fils "prodige" : il était perdu et il est retrouvé !

Un enfant qui fugue: l'incident est somme toute assez courant. Mais..pour aller au catéchisme: ça, c'est exceptionnel !

Que l'''épisode du "recouvrement au temple " se passe lors de la fête de la Pâque, que sa famille cherche Jésus disparu ...puis le retrouve...et précisément le 3e jour...: voilà qui nous met immédiatement sur la piste. Il s'agit d'autre chose que d'un fait-divers.

Chaque année, les parents de Jésus allaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque.

Quand il eut douze ans, ils firent le pèlerinage suivant la coutume.

A la première lune de printemps, tout le peuple monte en pèlerinage à Jérusalem pour y célébrer "pessah" (pâque) où l'on commémore l'exode.. Comme dans l'épisode précédent de la présentation du nouveau-né au temple, Luc a soin de noter que ses parents sont de fidèles observants de la Loi. Est-ce à cette occasion que Jésus aurait fait sa "bar-mitsvah", c.à.d. la démarche rituelle qui marquait l'entrée d'un garçon dans sa majorité religieuse ? On ignore si cette cérémonie existait déjà à cette époque. Mais si Joseph, Marie et Jésus ont certainement accompli tous les rites de la fête avec le repas de l'agneau immolé par les prêtres au temple, Luc ne les mentionne pas !

Comme ils s'en retournaient à la fin de la semaine, le jeune Jésus resta à Jérusalem sans que ses parents s'en aperçoivent. Pensant qu'il était avec leurs compagnons de route, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances.

A la clôture des festivités, des caravanes s'organisent vers toutes les directions: c'est une foule joyeuse et mêlée qui s'en repart vers la Galilée. Les parents ne s'étonnent pas de l'absence de leur fils: il doit être avec des oncles, des cousins, des amis. Mais le lendemain, il n'est pas encore revenu !?.. Où est Jésus ? : question de toujours !

Ne le trouvant pas, ils reviennent à Jérusalem en continuant à le chercher. C'est au bout de 3 jours qu'ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs de la Loi: il les écoutait et leur posait des questions; tous ceux qui l'entendaient s'extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses.

Jésus a fait une fugue. Parce qu'il est passionné par les Ecritures et qu'il a découvert de grands maîtres appliqués à l'étude et au commentaire. En effet, dans l'immense édifice du temple, à côté du lieu central du culte ( l'autel avec les sacrifices d'animaux et les grandes processions ), se trouvait notamment une synagogue et des salles d'étude où les rabbins étudiaient la Torah, célébraient le culte de la Parole avec lectures et psaumes et où ils vérifiaient les connaissances des jeunes pèlerins pour savoir si l'instruction était bien donnée dans les villages du pays.

Les peintres ont plusieurs fois représenté cette scène de "Jésus parmi les docteurs ": ils se plaisent à montrer Jésus en position surélevée, le doigt dressé et semblant faire la leçon aux rabbins. Luc ne dit pas cela: il note que Jésus écoute les sages qui discutent et il les questionne. Eux aussi l'interrogent et ils sont admiratifs devant le niveau de ses connaissances. Ce petit Galiléen pauvre, issu d'une famille modeste, est vraiment très intelligent !

Voilà donc la première attitude de Jésus dans l'évangile de Luc: un garçon avide d'apprendre les Ecritures saintes.

En le voyant, ses parents furent stupéfaits et sa mère lui dit: " Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi !"

Il leur dit: " Comment se fait-il que vous m'avez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C'est chez mon Père que je dois être".

Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait. Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth et il leur était soumis.

C'est la 1ère parole de Jésus ! Les expressions et le vocabulaire nous aident à comprendre la portée de la scène qui s'éclaire à la lumière de la fin de l'Evangile. En effet que va-t-il se passer quelques années plus tard ?

Jésus, après un premier temps de mission, au travers de sa Galilée, monte à Jérusalem. Précisément en ce même temps de Pâque. Il proclame que ce temple est la Maison de son Père et que celui-ci ne demande pas des sacrifices d'animaux mais que l'on écoute sa Parole et que l'on observe ses volontés.

C'est pourquoi Luc ne montrera jamais Jésus participant au culte officiel du temple et chantant des cantiques: il souligne sans répit qu'IL PARLE, IL ENSEIGNE ! Car il est trop facile d'accomplir des rites, de s'acquitter devant Dieu par un petit sacrifice. Comme tous les prophètes, Jésus bouscule ce ritualisme vide, ces cérémonies hypocrites que l'on tente de substituer au changement de vie.

Mais naturellement, comme les prophètes et comme Jean-Baptiste avant lui, du coup il est refusé et honni. Plus il exige d'appliquer toute la Loi, et plus les prêtres et les pharisiens attachés au rituel lui en veulent.

Leur haine s'exaspère et ils en viennent à faire exécuter ce trouble-fête.

Jésus, l'élève surdoué, va expirer sur la croix d'ignominie. Et quels sont ses dernier mots ?

Marc et Matthieu lui font citer le cri de déréliction du psaume 22 ("Mon Dieu mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?"); Luc préfère le soupir de confiance du psaume 31 qu'il fait précéder par l'invocation filiale: " Père, entre tes mains, je remets mon esprit".

De sorte que tout l'Evangile est encadré par la première et l'ultime parole de Jésus. L'enfant instruit par la Torah était à la recherche de Dieu: " Je dois être chez mon Père". C'est pour le connaître mieux qu'il avait désobéi à ses parents, qu'il interrogeait les maîtres. C'est pour le faire connaître à son peuple qu'il a prêché. Il a échoué à transformer le temple de Jérusalem en maison de son Père mais au moment de mourir, il sait que son désir d'adolescent va se réaliser : enfin IL EST CHEZ SON PERE !!!

.

Pour sa mère et ses disciples, la détresse est totale: ils ont perdu le fils, Maître disparu.

Ils le cherchent en vain dans la mort et au tombeau....

Mais, "le 3e jour", ils le retrouvent, Fils vivant , Seigneur glorifié à jamais.

Alors il leur communique son Esprit filial et ils deviennent maison du Père, Eglise faite de pierres vivantes, communauté où l'on n'offre plus de sacrifices mais où simplement l'on célèbre la vraie Pâque, le culte en esprit et vérité (Jn 4) en disant ensemble: " NOTRE PERE QUI ES AUX CIEUX".

La scène du recouvrement est un texte pascal: perte / retrouvailles ... mort / vie ...

Pour le moment, l'heure n'est pas encore venue: Jésus retourne avec ses parents à Nazareth.

Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait. Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth et il leur était soumis.

Sa mère gardait dans son c½ur tous ces événements......

Le thème de l'incompréhension court dans tous les évangiles: le nez sur l'événement, nous n'en comprenons pas le sens profond. Nous lisons l'évangile, nous écoutons l'homélie et nous restons balourds, aveugles. Il faut du temps, de l'expérience, de la mémoire pour que peu à peu nous percevions à quelle profondeur se joue notre existence.

Marie, la mère, nous apprend la juste attitude. Pour la seconde fois, Luc note: "Elle garde dans son c½ur tous ces événements". Elle est devenue la mère de cet enfant exceptionnel mais elle ne comprend pas les péripéties du chemin qu'il lui fait parcourir. Son accouchement à Bethléem, la venue des petit bergers, la prophétie du vieil homme sur l'esplanade qui a lui a prédit le coup de poignard et, à présent, cette fugue : que veut donc Dieu ? Dans quelle aventure suis-je lancée ? Il faudra une autre Pâque, avec la croix et le "recouvrement" de Jésus dans les Apparitions pour que tout s'éclaire merveilleusement.

En attendant, la vie ordinaire va reprendre au village où rien ne distingue cet enfant unique d'un artisan. Près de 20 années vont s'écouler dans l'ordinaire des jours. Jusqu'au moment où Dieu appellera par la voix de Jean le Baptiste.

* * * * * * * *

Les parents doivent apprendre que s'ils ont eu un enfant, ils ne le possèdent pas. Grand est leur désarroi de voir que leur enfant leur échappe. Or il le doit pour découvrir et suivre sa vocation personnelle. Osent-ils consentir à sa liberté ? Il y a un terrible risque de dérapage...mais nécessaire pour s'accomplir en vérité. Acceptons-nous que notre jeune cherche un engagement dans l'Eglise ?...

De même on ne possède pas Dieu: le croyant, rongé par des doutes, passe par des moments difficiles. Au temps des joyeuses certitudes succèdent les nuits du doute: lassitude, impression d'un Dieu perdu, perte du goût de la prière, eucharisties lassantes.

Réapprendre que si le Christ est venu chez nous, c'est afin de nous conduire chez Lui. Et pour cela, il faut la Croix !...

Le rituel du culte ne doit pas étouffer la proclamation et l'étude de la Parole de Dieu. Les Ecritures sont notre "Maison" où chacun cherche sa vocation, où ensemble nous échangeons pour comprendre la Volonté de Dieu. Cherchons-nous à mieux connaître Dieu ? Arriver en retard à la Messe, ne pas écouter l'enseignement, c'est manifester un bien grand dédain de ce que Dieu dit !

Pour Jésus, la maison de ses parents était sa "résidence secondaire car sa véritable demeure était celle de son vrai Père.

Il a été déçu par le temple où les hommes du culte scrutaient les Ecritures mais ne les pratiquaient pas. Il a tenté de purifier cette demeure et il en a été exclu. Mais, confiant et miséricordieux, il est entré par la mort dans sa Maison définitive. Il nous attend là-haut.

Il semble perdu pour nous: nous avons à le chercher avec zèle.

Au seuil de cette nouvelle année, mon souhait est que vous vous appliquiez toujours davantage à comprendre les Ecritures.

Ne vous contentez pas d'une lecture rapide des commentaires. Reprenez-les plusieurs fois pendant la semaine. Procédez à votre propre recherche. Confrontez votre point de vue au mien. Et surtout que la réflexion débouche dans la prière.