Dimanche des Rameaux

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

Mt 26, 14-27

Si la croix est bien l'insigne distinctif du christianisme, il serait absolument faux d'y voir une apologie de la souffrance, une façon de propager un goût morbide pour le malheur.

Dès le début de sa mission, Jésus s'est lancé dans un combat acharné et permanent contre le mal. Lorsqu'il ouvre les yeux de l'aveugle, permet à un sourd d'entendre, fait marcher le paralytique, purifie le lépreux, ce n'est pas pour stupéfier les foules, leur prouver son identité, les acculer à croire grâce à des actions miraculeuses.

C'est parce que, avec Jésus, le Royaume de Dieu s'est approché. Si Dieu vient régner, cette Présence provoque des effets bénéfiques même dans les corps. Les guérisons sont les signes manifestes de l'amour actif de Dieu pour tout homme, de sa compassion pour les blessés de la vie. L'Evangile n'est pas une théorie pieuse, une théologie pour les belles âmes mais une force divine à l'½uvre afin de restituer l'humanité dans son intégrité, son honneur, sa grandeur.

Il est capital de répéter que jamais Jésus n'a dit qu'il fallait se résigner à son destin, "offrir ses souffrances"...ou que le Bon Dieu envoyait des punitions. L'Evangile est le contraire du fatalisme, il appelle à la mobilisation, à l'action incessante contre tout ce qui abîme l'homme, contre tout ce qui le défigure, ce qui l'empêche de vivre en plénitude.

GUERISONS SPIRITUELLES

Il reste que la santé corporelle, si importante soit-elle, ne constitue pas le tout du bonheur et de l'épanouissement de l'homme. A quoi bon rendre la santé à tout un village si les gens utilisent leurs forces retrouvées pour s'envier, se faire du mal, s'entretuer ? Les grands criminels sont rarement des malades.

C'est pourquoi Jésus ne se cantonne pas dans un rôle de médecin : il déploie sa mission à un niveau beaucoup plus difficile, la thérapie spirituelle. Il faut soigner l'humanité à la source de son mal, au fond de son c½ur, là où elle est esclave d'instincts mortifères, tiraillée par des tendances suicidaires, déchirée par des oppositions raciales, endurcie dans l'indifférence au malheur du prochain.

Jésus s'applique à guérir les c½urs blessés : Zachée, le voleur, et Marie-Madeleine, la pécheresse pardonnée, comptent parmi les plus grandes victoires de son pardon.

DES MALADES QUI NE VEULENT PAS GUERIR

Le travail thérapeutique de Jésus va même se poursuivre là où on ne l'attendait pas : à l'égard de gens qui s'estimaient en bon état devant Dieu. Ceux que l'Evangile nomme souvent "pharisiens" ne sont pas des hypocrites pervers mais des gens honnêtes, appliqués à observer les règles morales et liturgiques, convaincus de faire leur possible pour plaire à Dieu.

Mais lorsque Jésus se met à dénoncer leur légalisme, leur vanité, leur assurance en eux-mêmes, quelle fureur les prend ! Et lorsque Jésus, pire encore, conteste un culte mensonger, Caïphe et ses comparses n'hésitent guère à décider l'arrestation et la condamnation de ce perturbateur.

LA CROIX ET L'EUCHARISTIE

Et voilà que la croix, que Jésus avait enlevé du dos des souffrants et des pécheurs, s'abat à présent sur ses épaules. Lui qui voulait la vie de l'homme, voilà que des hommes hurlent à mort contre lui et exigent sa crucifixion ! Et pas plus que les apôtres, ses amis les plus proches, aucune des anciennes personnes guéries ne vient prendre sa défense lors de son procès.

Que faire alors ? Jésus ne peut renoncer à sa mission, reculer, s'enfuir, édulcorer son message, adoucir les angles, proposer un compromis. Il lui faut aller vers cette mort qui le révulse, dont l'approche le jette à terre, tordu par une angoisse inimaginable.

Mais cette Passion dans laquelle il lui faut entrer, il va en faire une Action.

Son dernier geste, avant que ses ennemis ne l'arrêtent, est de partager un repas avec ses pauvres disciples. Il sait qu'ils vont l'abandonner tant leur lâcheté est grande, mais il les aime et s'offre à eux en nourriture :

" Prenez et mangez...Buvez...Mon corps...Mon sang...Faites cela en mémoire de moi".

L' Eucharistie prouve que Jésus n'est pas la victime inconsciente d'un guet-apens mais qu'il assume la haine de ses bourreaux pour en faire un don d'amour de sa personne.

Après Pâques et la Résurrection, et à la lumière de l'Esprit-Saint, les apôtres saisiront peu à peu ce qui vient de se produire. Eux qui s'émerveillaient devant les guérisons miraculeuses de Jésus, eux qui rêvaient de réaliser, avec lui, une grande révolution pour recouvrer l'indépendance nationale, ils comprennent maintenant que le mal était d'abord en eux et que Jésus était le véritable Agneau pascal qui leur offrait le pardon.

Grâce à la Croix, par la Croix, Jésus a ouvert les portes de leur prison, ils sont libres - non par leurs propres forces, mais par la Miséricorde de Dieu manifestée au Calvaire et partagée dans l'Eucharistie.

Ils formeront les premiers rangs de l'Eglise, le peuple transformé par l'Amour de Dieu et dont la mission est de poursuivre celle de Jésus : guérir, soigner, mettre debout, consoler, réconforter, pardonner... Mais aussi faire la vérité, dénoncer l'injustice, l'idolâtrie et le mensonge. Quitte à devoir subir la contradiction. Et à devoir prendre la Croix !

En cette Semaine Sainte, nous avons encore à méditer ces affirmations de saint PAUL

Je n'ai rien voulu savoir parmi vous

sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié.

Avec le Christ, je suis un crucifié...

Pour moi, jamais d'autre titre de gloire

que la CROIX de notre Seigneur Jésus Christ...