LAISSE-LE ENTRER et SUIS-LE
Après 5 semaines de carême, nous voici à la porte de la GRANDE SEMAINE qui va nous faire revivre Pâques, c½ur de la vie chrétienne. Il serait bizarre de perdre son temps en futilités ou de partir en vacances en ces jours où les communautés chrétiennes se ressourcent dans le Mystère pascal, où la Vie nouvelle jaillit de la mort par amour. Il faut choisir : fête chrétienne ou fête païenne ?
PÂQUES : FÊTE PAÏENNE DE LA VIE
Tout le monde remarque que Pâques approche et les signes en sont visibles depuis un certain temps déjà : monceaux d'½ufs de toutes couleurs dans les magasins, basse-cours de poules et troupeaux de poussins couleur soleil sous des guirlandes en forme de cloches. Ding dong ! On sonne la grand'messe de la consommation et les temples restent ouverts plus longtemps qu'à l'habitude. Goûtez nos délices en chocolat. Ding dong ! Les agences de voyage annoncent leurs tarifs low cost pour emmener les Occidentaux fourbus vers le paradis des mers du sud. Plaisirs, voyages, repos, lumière : l'idéal du bon et gentil païen. (Toutefois certains glisseront une petite messe dans leur horaire dimanche prochain : il faut « faire ses pâques », n'est-ce pas ?). Après les brouillards et les froids de l'hiver, n'est-il pas normal d'aspirer à un renouveau ? Renouveau, oui, mais seulement pour les nations riches (qui essayent d'oublier que, là-bas, des populations immenses stagnent dans la misère et assistent à la mort de leurs nouveau-nés). Renouveau, oui, réservé ici à ceux qui en ont les moyens mais impossible aux milliers de victimes de la crise. Les marques de prestige battent leurs records de vente tandis que les centres d'accueil des démunis sont submergés.
« Fête de la Vie » ?....Ce n'est pas cela que Jésus voulait lorsqu'il montait à Jérusalem en cette année 30 qui allait marquer le tournant de l'histoire humaine lorsque la VRAIE VIE, la Vie de Pâques, allait éclater.
ENTRÉE DES RAMEAUX
Après un temps de mission à travers la Galilée, Jésus a pris la décision la plus grave de sa vie : il a annoncé à ses disciples qu'il montait à Jérusalem, qu'il y serait arrêté et mis à mort mais qu'il ressusciterait. Et il a ajouté : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même...Celui qui perd sa vie la trouvera » (9, 21-24). Et « Jésus prit résolument la route de Jérusalem » (9, 51). Sur toutes les routes qui convergent vers la capitale, les foules de pèlerins se pressent dans la joie : pendant 8 jours, en ce début de printemps, on va célébrer la grande fête de la libération ! On prie, on chante, les familles se retrouvent, on éclate en pleurs à la vue de Jérusalem la bien-aimée et de son Temple si beau, si majestueux, la Maison de Dieu !
A l'approche de Beth-faguè et de Beth-anie, sur les pentes du mont des Oliviers, il envoya deux disciples : « Allez au village en face : à l'entrée vous trouverez un petit âne attaché et que personne n'a encore monté. Détachez-le et amenez-le ici »...Les disciples trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit (.....) Ils amenèrent l'âne à Jésus, jetèrent leurs vêtements dessus et firent monter Jésus. A mesure qu'il avançait, les gens étendaient leurs vêtements sur le chemin. Déjà Jésus arrivait à la descente du mont des Oliviers, quand toute la foule des disciples, remplis de joie, se mit à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu'ils avaient vus : « Béni soit celui qui vient, lui, notre Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ». Quelques pharisiens qui se trouvaient dans la foule dirent à Jésus : « Maître, arrête tes disciples ! ». Mais il leur répondit : « S'ils se taisent, les pierres crieront »
Dans leurs récits de la Passion, tous les évangélistes soulignent que Jésus n'était pas un utopiste ou un révolutionnaire tombé dans le piège tendu par les autorités. C'est en pleine conscience qu'il a fait ce qu'il a voulu et a accompli son projet. Le choix d'un âne, disponible sans doute chez des amis (Marthe et Marie de Béthanie ?), est un signe patent du Messie tel qu'il doit être : il accomplit le seul oracle messianique des Ecritures qui évoque la venue d'un Messie humble :
« Tressaille d'allégresse, fille de Sion...voici que ton roi s'avance vers toi ; il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, un tout jeune ânon. Il supprimera les chars de guerre et il proclamera la paix pour les nations » (Zacharie 9, 9-10).
Tous les détails marquent le caractère royal de cette « Joyeuse Entrée » : un animal jamais utilisé, un cortège, les vêtements jetés sur la route, le titre de Roi donné à Jésus par les acclamations (Curieusement, Luc est le seul évangéliste qui ne mentionne pas les rameaux). Il est comme le nouveau Salomon, roi de paix (son sacre : 1 Rois 1, 33). C'est lui qui bâtira en effet le nouveau Temple (ce sera la communauté des disciples) mais il ne basculera pas dans l'amour des richesses et l'idolâtrie : au contraire il restera pauvre et fidèlement attaché à son seul Dieu son Père.
La foule des disciples explose de joie mais quelle méprise ! Ils acclament un messie guérisseur, capable d'opérer des miracles spectaculaires. Ils espèrent donc de sa part une démonstration de force, une révolution instantanée : ils n'ont pas compris « le signe de l'âne » dit saint Jean (12, 16).
Leur refrain est une citation du grand psaume 118 qui chante l'accueil du Messie par son peuple :
« Célébrez le Seigneur car il est bon et sa fidélité est pour toujours....Voici le Jour que le Seigneur a fait...Donne, Seigneur, la victoire, donne le triomphe. Béni soit celui qui entre au nom du Seigneur... ».
Mais Jésus puise son espérance dans d'autres versets de ce psaume où le Messie dit comment Dieu le sauve des attaques de ses ennemis: « Quand j'étais attaqué, j'ai appelé le Seigneur Dieu...je lui dois la victoire...Non je ne mourrai pas, je vivrai pour raconter les ½uvres du Seigneur. Il ne m'a pas livré à la mort. Ouvrez-moi les portes de la justice... ». Et Luc ajoute une acclamation qu'il avait déjà citée au moment de Noël : « PAIX DANS LE CIEL ET GLOIRE AU PLUS HAUT DES CIEUX ».
ENTRER, OUI, POUR QUOI FAIRE ?
Mais que se passe-t-il ensuite ? Que veut celui qu'on appelle Roi ? La suite le montre :
1) A la vue de Jérusalem, Jésus éclate en sanglots : Tu ne reconnais pas la visite du Dieu de Paix. Tu vas me rejeter pour choisir Barabbas c.à.d. tu opteras pour la violence et les armes. Hélas, en effet, en 70, la révolte armée sera noyée dans un bain de sang et le Temple disparaîtra dans les flammes.
2) Puis Jésus se dirige vers le temple et il en chasse les marchands : La Maison de mon Père doit être une Maison de prière et non une caverne où des malfaiteurs se croient en sécurité.
3) Jésus, sur l'esplanade, commence à enseigner le peuple : le lieu des cérémonies doit être un espace où l'on écoute la Parole de Dieu afin que les rites ne soient pas hypocrites.
4) Les autorités, furieuses, cherchent dès lors un moyen de tuer Jésus au plus vite.
Donc mimer aujourd'hui l'Entrée de notre Roi avec nos rameaux, c'est accepter ce programme de Jésus : apporter la Paix à tous les peuples - pleurer sur les malheurs - refuser la violence - vouloir une Eglise de prière, débarrassée de tout trafic financier - écouter l'Evangile - s'attendre à la persécution.
Dérisoire sera peut-être notre procession, clairsemée et vieillotte notre assemblée, pas très justes nos cantiques : nous risquons d'être objet de moquerie de la part de ceux qui ne croient qu'au triomphe des idoles, à l'étalement du luxe des nantis, à l'adoration des vedettes et des dieux du stade. Mais dans tous ces lieux, on exclut le faible, on vend souvent la mort de la drogue et de la débauche, on excite les passions, on exalte le racisme et le mépris de l'autre. Le Roi et sa communauté en sont l'antithèse.
Retenons que Jésus n'entre pas comme Roi pour condamner la société mais pour convertir son Eglise : à son exemple elle ne caracole pas sur les chevaux de la renommée, elle va au pas de l'âne, elle parle en aimant ce peuple qui va la trahir, elle est haïe par certains. Vendredi paraitra la nécessité de la croix mais dimanche éclatera enfin la fête du Vrai Printemps : la coquille du tombeau s'ouvrira pour laisser paraître l'Homme Nouveau. Ce chemin est ardu mais nous pouvons toujours le suivre grâce au Pain (l'humble signe équivalent de celui de l'âne) que nous partageons chaque dimanche, Jour du Seigneur, « Pâques » hebdomadaires.
Ainsi l'Eglise traverse les siècles en acclamant Jésus et en mettant ses pas dans les siens.
Dimanche des Rameaux
- Auteur: Devillers Raphaël
- Temps liturgique: Temps du Carême
- Année liturgique : A, B, C
- Année: 2012-2013