Jeudi Saint

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

« C'est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez vous aussi, comme j'ai fait pour vous ».

Frères et s½urs, l'enseignement de Jésus est d'une extrême simplicité : Jésus s'abaisse et lave les pieds. Et c'est un exemple concret : à notre tour, nous devons nous laver les pieds les uns aux autres.

Il y a quelques jours, l'Eglise accueillait un nouveau pasteur, en la personne de l'archevêque de Buenos Aires, le Cardinal Bergoglio, notre pape François. En prenant le nom du Poverello, du Pauvre d'Assise, le Pape François choisit la simplicité, plus encore le service. 

Le Pape François ne choisit pas cette voie-là pour lui-même seulement. Il choisit cette voie pour toute l'Eglise catholique. A la suite de Jésus, le Pape François rappelle qu'il est le serviteur des serviteurs. « Le vrai pouvoir est le service » et, dit-il, «  le Pape aussi doit entrer toujours plus dans ce service ; il doit regarder vers le service humble, concret, riche de foi ». Le fait que certains déplorent déjà que François désacralise la fonction est significatif des résistances qui existent à suivre cette logique demandée par Jésus. Le Dieu de Jésus entre en conflit avec le Dieu des religieux. Il ne suffit pas de dire « j'ai la foi », il faut encore voir la foi en quoi, en qui, comment, nous le verrons demain, vendredi saint.

« C'est un exemple que je vous ai donné », dit Jésus. C'est un exemple de foi chrétienne que le Pape François nous donne ces jours-ci. Seule cette conversion peut donner sens à une réforme des structures et à de nouvelles nominations. Rénover le fonctionnement de la Curie et renouveler l'encadrement ne suffiraient pas sans changement profond : un changement d'esprit, de mentalité, de spiritualité qui corresponde aux gestes et à toute la vie de Jésus, dans sa Passion et sa Résurrection. Ce changement n'est pas facultatif si l'on veut être chrétien.

Saint Paul, converti de l'intégrisme, le dit clairement : « Jésus, qui est de condition divine, ne se crispe pas jalousement sur sa condition de Dieu ». Il désacralise sa position, il se met à nos pieds et nous invite à faire de même avec les autres : nous mettre à leur service et ne pas nous prendre au sérieux. C'est à notre portée, il faut le décider.
Nous avons tous des responsabilités, nous avons tous du pouvoir. Qu'en est-il ce pouvoir et comment l'exercer ?

1.    Nous avons tous du pouvoir... dans nos équipes de travail, dans nos familles, vis-à-vis des enfants, des parents, des anciens, dans la paroisse, dans le quartier. Il y a partout des gens à aider, à aimer, à soutenir, à servir.

C'est le pouvoir de transmettre ou de bloquer la vie, le pouvoir de sourire ou de mépriser. Le pouvoir d'humaniser, d'encourager, de magnifier ce qui va bien, de valoriser ce qui est beau... Nous avons le pouvoir d'entrer en empathie avec ceux qui vont mal, d'espérer au c½ur des difficultés, le pouvoir de prier, d'intercéder ...

2.    Comment exercer le pouvoir qui nous a été confié ?

A la suite de Jésus, François d'Assise et beaucoup d'autres, ont assumé pouvoir et responsabilités avec sérieux mais aussi dans une grande liberté.

Comme Jésus, ils sont sortis des chemins battus et ils ont fait preuve de créativité. Ils se sont libérés des modèles de leur milieu social pour inventer une autre voie, transgressive presque, à rebours, en faisant confiance aux autres et en déléguant les responsabilités.

Dans l'Evangile les rôles sont inversés. Jésus est à genoux devant ses disciples, dans une attitude presque insupportable pour eux. A notre tour, essayons de poser des gestes forts qui déstabilisent les situations figées et inversent les relations d'inégalité. Jésus ne sacralise en rien sa fonction. Il n'est pas crispé sur ses privilèges, ses titres, son identité. Il vit incognito et va jusqu'au bout de l'amour de l'autre pour lui-même. Essayons d'inventer des gestes et des paroles qui aient le même effet.

Nous ferons alors jaillir la joie car inverser les rôles provoque la surprise, et même parfois le rire, du fait d'une libération heureuse des tabous qui étouffent la vie. Ces gestes de service et d'humilité peuvent devenir un jeu provocateur, apparemment enfantin, mais étonnamment mûr. Nous venons de le vérifier ces jours-ci avec le simple fait pour un pape de régler l'addition de son hôtel.

L'amitié suppose l'égalité. Or le Dieu chrétien est un Dieu d'amitié. Il se met à notre niveau, même plus bas que nous. Tout à l'heure nous pourrons non seulement nous laisser essuyer les mains, mais plus encore essuyer les mains de notre voisin. Je suis sûr que cela va nous faire sourire. Nous entrons ainsi dans la dynamique évangélique d'une relation fraternelle et libérée.

« A cela on vous reconnaîtra pour mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres », nous dit Jésus.