Peut-être avez-vous déjà entendu parler de la loi de Murphy ! ?Le nom de cette loi vient d'un ingénieur américain --Edward Murphy-- passé à la postérité pour son extrême pessimisme. Le principe de Murphy veut que « Si une chose peut mal tourner, elle va infailliblement mal tourner. » Si vous voulez, c'est le pessimisme, la fatalité érigée en loi, en loi de retombement. ?Voilà peut-être un sentiment dans lequel nous sommes parfois emprisonnés. Une espérance déçue. Un souvenir douloureux qui refait inexorablement surface. Une peur de grandir, voire une peur de vieillir. Sans doute que cette loi de dépression était celle des disciples d'Emmaüs : leur regard sombre et triste ne parvenait plus à voir un avenir.
Et pourtant, c'est dans une rencontre inattendue, que « leurs yeux s'ouvrent» à l'espérance.
L'événement que nous célébrons en cette nuit n'est pas un retour en arrière. La résurrection n'est pas le retour du même, du vieux ou de l'identique. C'est la traversée de la mort... c'est-à-dire l'arrivée de quelque chose de radicalement NEUF ! C'est un événement qui s'accomplit chaque fois lorsque la tristesse est transfigurée en joie ; ?Quand la perte de l'être aimé n'est plus vécue comme un abandon,
mais comme un doux souvenir qui nous pousse à aimer davantage. ??C'est à cette destinée-là que nous appelle le souffle de Pâques !?
Ce à quoi nous sommes conviés, c'est à ouvrir nos yeux, pour sortir de nos morts et faire déjà l'expérience de cette vie divine, non pas immortelle, mais éternelle, qui nous amène toujours du neuf et de l'inédit.
Jamais, pour parler de la résurrection de Jésus, les Evangiles n'utilisent le terme de seconde vie (anabiosis), de reviviscence.
La résurrection n'est pas un retour à ce qui a été, comme un passé heureux qui referait surface. La joie des disciples d'Emmaüs n'est pas celle de l'accomplissement de leur première attente. Elle est justement la disparition de leur nostalgie, cette force qui les tirait en arrière et qui mettait de la mort dans la vie. ??Au contraire, la résurrection passera toujours par l'arrivée d'un horizon nouveau, ?d'un inattendu, du dévoilement de quelque chose qui est bien là, mais reste caché. La résurrection, c'est le jaillissement d'une réalité invisible, qui nous précède, cachée dans le visible, lorsque l'indicible vient habiter nos silences, et lorsque que l'absence nous ouvre paradoxalement un sens nouveau.
C'est pourquoi, ce que nous fêtons aujourd'hui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. Il ne s'agit pas en cette nuit de faire mémoire, mais de découvrir qu'une promesse de bonté toujours nouvelle peut s'accomplir en nous. Finalement, aucun mot n'est à même d'exprimer adéquatement cette espérance qui dépasse par définition tous les mots.
Les mots sont toujours trop étroits pour dire l'indicible. Les premiers chrétiens, pour exprimer leur foi en la résurrection, ont d'ailleurs utilisé une multitude de mots : gloire, exaltation, réveil... ?Personnellement, j'aime l'expression de réveillance. Réveillance, car il y a de la mort et du sommeil dans nos vies. ?Il y a de la lassitude, consciente ou non, de l'endormissement, du retombement, de l'insensibilité parfois. Il y a un potentiel de vie qui sommeille et n'arrive pas toujours à bourgeonner, il y a quelque chose d'hivernal qui n'arrive pas éclore. Nos pouvons parfois éprouver, au fond de nous, ce sommeil-là, cet endormissement-là qui nous tient coupé de la Vie. ??Mais la réveillance, au contraire, nous éveille à l'espérance.??Elle transforme nos déceptions en espérance. ?Elle nous éveille à la confiance. ?Elle réveille en nous le courage d'aimer. ?Elle nous invite à nous mettre debout, à quitter nos peurs et quitter nos tombeaux qui nous font littéralement tomber. La peur et le tombeau, deux mots synonymes en grec et qui le sont aussi dans nos expériences de vie.
La réveillance nous invite donc à la victoire sur ces morts et sur nos peurs. Pour cela, comme les disciples d'Emmaüs, osons retourner à nos Jérusalem, c'est-à-dire osons revisiter nos lieux de désillusions, pour relire nos histoires et y entendre cette présence cachée et bienfaisante. ?Cette réveillance, cette joie de Pâques nous précèdera toujours. Et si nous suivons le ressuscité, nos peurs seront vides ! ?Que cette joie de Pâques nous accompagne ! Amen.
Veillée pascale
- Auteur: Croonenberghs Didier
- Temps liturgique: Triduum pascal
- Année liturgique : A, B, C
- Année: 2012-2013