Dimanche des Rameaux

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

DU CRI (« HOSANNAH ») A LA LOUANGE ( « ALLELUIA »)

Après une marche de plusieurs semaines, Jésus parvient enfin à Jérusalem où spontanément un cortège s'organise pour fêter son entrée. N'imaginons pas une ville en folie car en réalité, l'événement n'a pas dû mobiliser grand monde : la plupart des gens ne connaissaient pas Jésus et puis était-il le Messie que certains excités prétendaient ? D'ailleurs, avec l'arrivée incessante des milliers de pèlerins, les retrouvailles des familles et les préparatifs de la Pâque, on n'avait guère de temps.
Jésus est très conscient de ce qu'il est en train de vivre : il n'est pas, comme certains continueront de le prétendre, un utopiste qui voulait changer le monde et qui a été victime inconsciente d'un complot. S'il était tombé dans un piège, il ne pourrait être Sauveur. Au contraire, sans que les acteurs s'en rendent compte, les circonstances  correspondaient aux Ecritures, c.à.d. que Jésus accomplissait bien la Volonté de son Père. A travers les agitations des hommes, Dieu réalisait son projet et Jésus en était le guide.
Parti de Jéricho, Jésus arrive donc par l'est, en passant d'abord par les villages de Bethphagè et Béthanie situés sur la colline des Oliviers qui fait face à celle de la capitale. 
Jésus envoie 2 disciples : «  Allez au village en face : vous y trouverez un petit âne attaché, que personne n'a encore monté. Détachez-le et amenez-le. Si l'on vous interroge, répondez : « Le Seigneur en a besoin, il vous le renverra ».... On les laissa faire...
Jésus garde toute initiative. Il reprend la monture des premiers rois d'Israël, avant qu'ils s'enorgueillissent de leur pouvoir et paradent sur un cheval comme un chef d'armée. Juché sur un ânon, Jésus est bien le Messie, mais un Roi doux et humble c½ur, incapable de sonner la charge et de monter à l'assaut.  Parmi d'autres prédictions d'un avenir triomphal, un Prophète avait annoncé un roi modeste :

« Tressaille d'allégresse, fille de Sion, pousse des acclamations : voici que ton Roi s'avance vers toi.
Il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne - sur un ânon tout jeune.
Il supprimera les chars de guerre, il brisera les arcs de guerre, et il proclamera la paix pour les nations.
Sa domination s'étendra jusqu'aux extrémités de la terre »   (Zacharie 9, 9)
Las ! même les disciples ne comprirent pas le signe (Jean 12,16). Jésus ne venait pas déclencher une insurrection armée mais appeler à une révolution beaucoup plus profonde : celle des c½urs qui renoncent à la violence, entrent dans le Royaume de Dieu et optent pour la paix de tous les peuples.

« Ils amènent le petit âne à Jésus, le couvrent de leurs manteaux et Jésus s'assoit dessus. Alors beaucoup de gens étendirent sur le chemin leurs manteaux, d'autres, des feuillages coupés dans la campagne.    Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient :   « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni le Règne qui vient, celui de notre père David. Hosanna au plus haut des cieux ! »
Tout évoque le processus d'investiture royale : une monture jamais utilisée, harnachée, un tapis de branchages et de vêtements, les vivats du peuple. « Hosanna » en hébreu signifie « le Seigneur sauve » mais était devenu une acclamation, un appel : « Seigneur, sauve ! ». Jésus est accueilli comme l'élu de Dieu, celui que Dieu envoie, il est « celui qui vient » du psaume 118, le descendant de David qui avait reçu la promesse messianique (2 Samuel  7, 13-16). Le jour J est-il enfin arrivé ?...

CELEBRATION DU JOUR

Aujourd'hui, après ce récit et la bénédiction des Rameaux, nous ferons peut-être une procession en mimant cette Joyeuse Entrée. Mais nous n'ignorons pas ce qui s'est passé ensuite et que l'évangile va nous rappeler : 
« RECIT DE LA PASSION SELON SAINT MARC ».
Nous savons bien que, accueilli comme un Roi, Jésus va décevoir toutes les attentes, et d'abord celle des résistants zélotes. Au lieu de donner le signal de la révolte, il va aller purifier le temple devenu pour lui « une caverne de bandits » puis avec audace, pendant plusieurs jours, il s'installera sur l'esplanade en reprenant son enseignement, son appel («  Convertissez-vous ! ») et en évitant de tomber dans les pièges tendus par les questions insidieuses des scribes théologiens (11, 27 à 12, 34).
Dans le climat surexcité de la Pâque, ce Galiléen devient dangereux : il faut agir vite. En quelques heures, il sera trahi, livré, ligoté, jugé, fouetté, condamné, exécuté. On criait « Hosanna » : on hurlera « A mort ». On agitait des rameaux : on dressera des poings fermés.
Mais à la fin de cette tempête, le lendemain du shabbat, Jésus apparaîtra aux disciples comme le vrai Messie, le Seigneur. Le cri des hommes (Hosanna » = sauve-nous) sera exaucé, la victoire acquise, non d'un peuple sur un autre mais tous ensemble sur l'ennemi commun, la mort.
A nous donc aujourd'hui de passer de ce dimanche au suivant, de purifier notre foi souvent superficielle pour accueillir dans la joie l'authentique Messie, le vrai Roi. En avouant que nous ne l'avons pas fidèlement suivi sur le chemin de la croix nécessaire parce que, toujours, nous aimons nous retrouver dans une Eglise imposante, applaudie, vénérée. Parce que nous participons au conformisme de la foule qui attend le bonheur clefs sur porte. Aussi bien, c'est à un Christ en croix que nous accrocherons aujourd'hui nos rameaux verts : nous savons en qui nous mettons notre espérance.

SUIVRE L'EXEMPLE DES FEMMES

Ce passage de l'espoir humain à l'espérance chrétienne, cet itinéraire pascal, ce saut de la foi est extrêmement ardu, il ne connaît pas de raccourci facile : Pierre et les premiers apôtres, qui ont tous chuté, pourraient encore nous l'assurer. Pour nous guider, Marc nous présente l'exemple des femmes. Au début et à la fin du récit, elles nous montrent la bonne attitude à prendre.

1)     A l'orée du récit de la Passion, apparaît une inconnue qui, surgissant au milieu d'un repas, verse un parfum très coûteux sur la tête de Jésus. «  Quelle folle ! Gaspillage ! » dit-on tout de suite. Mais Jésus la défend : « Laissez-la : d'avance elle a parfumé mon corps pour son ensevelissement. On racontera toujours ce qu'elle a fait, en sa mémoire ! » (14, 3-9)
Comme elle, nous devons « gaspiller » cette semaine, donner du temps à la prière, participer à chaque célébration quotidienne, soigner longuement nos liturgies afin d'entrer dans le « mystère pascal », nous « dépenser » pour accueillir notre Seigneur qui a donné sa vie pour nous et nous conduit sur son chemin pascal.

2)     Et à la fin du récit, nous rencontrerons à nouveau des femmes, Marie-Madeleine, Marie, Salomé et les autres. Alors que tous les hommes disciples, en dépit de leurs serments, ont lâché leur Maître et l'ont laissé mourir seul, elles sont restées au Golgotha. En larmes, impuissantes, suffoquant de chagrin, « elles regardent » de loin Jésus qui se tord et expire sur le gibet (15, 40), puis « elles regardent » Joseph d'Arimathie  qui glisse le corps dans la tombe (15, 47).
Nous aussi, aujourd'hui, « nous regardons » notre crucifix orné de son rameau, nous jetons un regard neuf sur ce scandale épouvantable d'un Sauveur tué par les hommes. Nous n'accusons personne : nous savons trop bien que tous, nous sommes ses bourreaux en le reniant si fréquemment !
Mais s'il a accepté nos enthousiasmes superficiels et nos adhésions éphémères, nos reniements et nos oublis, c'était pour nous donner, enfin, la bénédiction, c.à.d. la vie en plénitude. 
Aujourd'hui nous acclamons déjà un Sauveur qui, Pain rompu et Sang versé, se donne à ses disciples pour qu'enfin ils comprennent et s'ouvrent à l'amour. Il n'y a pas d'autre chemin.
Jésus, c'est comme EUCHARISTIE que nous t'accueillons. Hosannah : sauve-nous !