Epiphanie

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Entrée :

Mes amis, En raison d'un problème de visa, les Mages sont coincés à la frontière et la fête de l'Epiphanie risque d'être reportée ! Mais non ! Quelqu'un me dit que, vu leurs diplômes et surtout la richesse de leurs bagages, les choses vont s'arranger. Qu'importe ! Cette visite d'étrangers a de quoi nous troubler. Nous n'avons pas le monopole de l'adoration. Des mages, venus de loin, d'autres cultures, d'autres religions, sont là près de Jésus, bien avant nous. Notre Dieu est immense ! Et plus encore dans sa façon de se manifester : sur la paille et sur la croix. En entrant dans cette eucharistie nous accueillons le pardon offert à tous, l'amour, aujourd'hui manifesté au plan universel.

Homélie

Vous connaissez la phrase de Coluche ? « C'est pas parce qu'ils sont nombreux à avoir tort, qu'ils ont raison ! ». Mais, est-ce que si j'ai la vérité, les autres ont nécessairement tort ? Est-ce qu'affirmer que le christianisme est vrai, c'est dire que les autres religions ne peuvent donc pas avoir accès à cette même Vérité, vivante et incarnée ? Aujourd'hui, les mages se sont déplacés. Ils sont là. Le dialogue interreligieux ne date pas d'aujourd'hui !

En fait, il n'est plus besoin de voyager ; la mondialisation met toutes les religions en relation. Les mages sont chez nous : les musulmans dans le métro, les indous dans le bus, les juifs à l'école, les animistes dans la rue, les bouddhistes sur le pallier. L'univers est en expansion mais la planète se rétrécit, aux dimensions d'un village cosmopolite et bigarré. Portant des signes ostentatoires ou bien incognito, les mages sont partout !

*** J'étais à la gare ce matin. Savez-vous ce qu'on entend ? « De bon matin, j'ai rencontré le train » ! Ils voyageaient en train les mages, c'est bien connu. Le chameau, le cheval et l'éléphant avaient un compartiment spécial... Le commerce peut tout récupérer mais, blague à part, où se dirige mon voisin ? Quelle étoile a-t-il dans les yeux ? Quel est l'astre qui l'aimante irrésistiblement, infailliblement ? Par quels mots le désigne-t-il ? Estrella, star, qoyllur ?

Peut-être vais-je passer à côté d'un mage sans le savoir ? Un mage anonyme, ni Melchior ni Gaspard ni Balthazar, un mage incognito, un mage qui s'en va ou un mage qui revient, toujours par un autre chemin... Un mage qui suit son étoile, ou un mage qui a vu le soleil levant.

Il n'est évidemment pas juif, il n'est pas non plus chrétien. La Pentecôte et les apôtres, c'est pour plus tard. Un mage anonyme n'est pas un chrétien anonyme. Il passe. Accueillir, respecter, ne pas assimiler, ne pas récupérer. L'écouter, si vous connaissez la langue...

Il a fait du chemin, il a vu, il a vérifié, il a présenté son cadeau, il s'est prosterné, il a pu adorer. Ce que les grands prêtres n'ont pas fait, ni les docteurs de la Loi qui savaient le chemin, ni Hérode, bien entendu ! Aucun des trois pouvoirs, exécutif, judiciaire ou religieux ne s'est déplacé, ne s'est converti...

*** Le récit des mages n'est pas seulement exotique. Il éclaire mon présent. Il nous dit que les peuples n'ont jamais été plongés dans le noir absolu. Ils ont de quoi s'orienter. Dieu leur fait signe, leur recherche n'est pas aveugle, ils ne sont pas orphelins.

Le récit des mages nous dit qu'avant les disciples, avant les apôtres, avec les pauvres et les bergers, autour du berceau de Jésus, il y a des étrangers... Non pas des rois, mais des savants, passionnés de recherche fondamentale, scientifiques, philosophes, mystiques religieux.

Le récit nous dit que les cultures lointaines ont été sensibles, qu'elles ont perçu l'événement. Ces étrangers, ces inconnus se sont mis en marche, ils ont suivi des signes et ils ont trouvé. Après une longue recherche, ils ont découvert le bébé annoncé, sans aucun signe distinctif sinon sa pauvreté : ils l'ont reconnu et ils l'ont adoré.

Eglise de Jésus-Christ, tu le dis toi-même : tu n'as pas le monopole de la vérité et ta vérité vivante, Jésus-Christ, ne t'appartient pas, pas plus qu'un enfant n'appartient à ses parents. Tu es dans la lumière quand tu accueilles les pauvres et les chercheurs. Ouvre tes portes et n'attends pas : reçois les mages d'aujourd'hui. Vois le chemin qu'ils ont suivi, les intuitions qui les ont guidés, leur impatience d'arriver. N'aie pas honte de ta pauvreté et accepte leurs trésors !