Epiphanie

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2007-2008

Est-il encore besoin de les nommer : Gaspard, Balthasar et Melchior. Un africain, un européen, un asiatique. Un jeune, un d'âge moyen et un plus âgé. À trois, les mages représentent tant de choses : l'annonce de la venue de Dieu dans notre monde et ce, à toutes les cultures et pour tous les âges, sans discrimination aucune. L'incarnation du Fils de Dieu n'est pas révélée à un petit nombre. Elle vaut pour toutes les nations, de tout temps et en tout lieu. Le tout résumé dans les trois personnages venus à la crèche. Chiffre d'ailleurs étonnant puisqu'il n'est même pas cité dans l'évangile où est seulement mentionnée l'expression « des mages venus d'Orient ». Ils étaient peut-être finalement plus nombreux. Nous n'en savons rien et cela n'a aucune importance. Alors permettez-moi de vous présenter celui dont la tradition n'a jamais voulu parler. En exclusivité pour vous ce matin, mes recherches personnelles ont pu le remettre au jour : un légionnaire romain qui s'est lui aussi rendu à la crèche peu après le départ des mages et juste avant la fuite en Egypte de la sainte famille. Celui-ci apporta comme cadeau à l'enfant Dieu toute une collection de livres. Lorsque Jésus vit ce cadeau, il se mit à pleurer parce qu'il avait compris que le centurion se débarrassait de cet auteur qu'il avait tant adulé et qu'il exécrait à présent. Ce n'était pas un vrai cadeau. Le centurion se séparait de ce qui l'encombrait.

Permettez-moi l'outrecuidance d'oser nous demander si nous aurions été si différents de ce centurion qui été a très vite oublié par la tradition. En effet, si nous avions été invités à suivre l'étoile de Noël conduisant à la crèche afin de nous agenouiller devant celui qui s'est fait l'un de nous pour que nous partagions pleinement sa vie divine, qu'aurions-nous apporté comme cadeaux ? Il semble d'après le récit entendu que le Christ Jésus n'a pas besoin à ce moment précis de ce que nous nous désencombrions de tout ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes. Nos trébuchements, il les reprendra avec lui sur le bois de la croix. Or nous sommes à plus de trente années d'un tel événement. A la crèche, Dieu s'est fait homme pour que chaque être humain puisse découvrir sur son propre chemin l'abondance de la vie qui est promise à tout un chacun. Alors que certains l'ont parfois oublié, même si l'être humain n'avait jamais trébuché, Dieu se serait incarné de toute éternité. Dieu est Dieu et parce qu'il est Dieu, il ne peut que se réjouir de sa Création. Cette dernière n'est pas bonne mais très bonne nous relate le récit de la Genèse. Il y a comme un peu de fierté dans le chef de Dieu. Oui, et heureusement pour nous, il est fier de l'humanité et c'est sans doute la raison pour laquelle il choisit de devenir l'un de nous. Il participe ainsi pleinement à cette création continue confiée à l'humanité entière. Dieu s'est fait l'un des nôtres et dans l'événement de l'Epiphanie, il ne veut se réserver à quelques uns. Il s'offre à chacune et chacun de nous et attend peut-être qu'à la crèche, nous déposions toutes les richesses qui nous constituent. Dès l'instant de la Création, il a eu besoin de nous pour poursuivre ce qu'il avait commencé. Devenir pleinement participant à la poursuite de l'½uvre divine exige que nous donnions le meilleur de nous-mêmes. Toutes et tous, nous avons reçu des talents, des qualités, des dons. Aujourd'hui, osons les déposer au c½ur de notre crèche intérieure. Offrons-nous à Dieu non pas comme un holocauste ou une victime mais comme un être humain debout, heureux de sa condition humaine qui lui permet de la sorte de participer à quelque chose de merveilleux qui le dépasse : la construction du Royaume de Dieu, un royaume de douceur et de tendresse, un royaume de rires et de joie. Nous sommes encore loin d'une telle réalité, c'est vrai. Mais si au plus profond de nous, nous acquérons la conviction que la création est belle et que tout être humain est appelé à la vie divine alors nous pouvons nous déposer aux pieds de l'enfant-Dieu. Celui-ci nous ouvrira ses bras pour nous prendre avec lui dans cette merveilleuse histoire de la Vie. Dieu n'attend plus, il nous attend dans la beauté de ce que nous advenons. S'il en est vraiment ainsi, alors heureuse fête de l'Epiphanie.

Amen.