Epiphanie

Auteur: Dollé Emmanuel
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2007-2008

Épiphanie dont l'embellissement légendaire donnerait envie d'en parler comme dans les contes de fée. Une fois par an, l'homélie aimerait faire du magnifique, des histoires de roi, des cadeaux princiers, du brillant. Et puis rêver comme dans les romances princières qu'alimentent une certaine presse permettant au lecteur de croire encore possible un prince charmant que la banalité du quotidien n'a pas encore révélé. Cependant ce que nous commémorons aujourd'hui est trop important, trop riche pour s'égarer dans les vapeurs parfumées de l'encens ou pour se laisser éblouir par l'étincellement d'une cassette d'or.

Seul Matthieu parle de mages (sans en donner le nombre). Des sages, probablement plus de la première jeunesse, assez fortunés pour entreprendre un grand voyage, assez humbles pour aller se prosterner devant celui qu'ils pensent être roi des juifs. Qui se souciait des juifs à cette époque et de leur royaume plus proche d'une principauté d'opérette dans un pays occupé que d'une cour impériale vers laquelle accourent les grands du monde. Quoi qu'il en soit ils viennent de loin vénérer un roi encore inconnu. En fait ils s'inclineront devant un nouveau-né sans fortune dans une simple maison d'une bourgade appelée Bethléem. Dérisoire ! Et c'est ça l'Épiphanie. L'étymologie nous enseigne que le mot veut dire révélation, manifestation, apparition de quelque chose qui devient évident. Est-ce Jésus qui se révèle à des gens venus d'un monde lointain et païen ou bien ces voyageurs révèlent-ils que ce modeste enfant est roi et qu'il est digne de cadeaux en accord avec son rang : or, encens et myrrhe ?

Épiphanie, révélation, fruit de la rencontre de deux mondes jusqu'alors étrangers. Et là devient évident que le nourrisson n'est pas un bébé comme les autres. L'évangile de Matthieu n'en dit pas plus. On ne sait ce que sont devenus ces riches visiteurs après leur passage en Palestine. Cela a-t-il changé quelque chose dans leur histoire, dans leur c½ur, dans leur relation à Dieu ? Qu'ont-ils raconté à leur retour ? Comment cela a-t-il été perçu par leur entourage. L'Epiphanie n'est donc pas la connaissance du Christ par les mondes lointains. L'Epiphanie est la révélation qui apparaît dans la rencontre. Les conséquences n'en étaient probablement pas pour les contemporains de mages d'Orient mais pour nous récepteurs, auditeurs, élèves de l'Évangile en 2008.

Dans la crèche devant l'autel, il n'y a pas de représentation des mages ? Mais vous avez remarqué que chacun des personnages était un miroir. En approchant, vous vous voyez apparaître parmi ceux qui entourent l'Enfant Jésus. Peut-être ce dimanche, c'est vous les mages. Comme eux, venez-vous de loin ? Je ne le pense pas si on considère la distance, mais reconnaissez que votre c½ur est encore éloigné de la pureté et de la divinité de l'enfant de la crèche. Si votre humanité a la chance de se comprendre invitée, alors oui, comme les mages vous venez de loin, de très loin. Ne venez pas comme des curieux, comme des badauds, mais arrivez avec la certitude qu'en approchant ce bébé encore sans pouvoir, c'est le Dieu incarné pour notre salut que vous vénérez. Cette visite devient alors pour vous Épiphanie. La rencontre à laquelle vous êtes conviés est un rapport vrai et personnel avec ce nourrisson sauveur en devenir. o Épiphanie, Il se révèle à vous si vous acceptez que ce petit enfant soit porteur de salut. o Épiphanie, si malgré la distance entre Dieu et vous, vous acceptez d'aller vers cet incompréhensible nouveau-né avec l'espérance sereine qu'Il peut quelque chose pour vous. o Épiphanie, démarche de votre c½ur pour adorer ce qui de l'extérieur n'est pas évident, mais qui dans votre âme s'installe comme une certitude recherchée depuis longtemps. o Épiphanie si vous acceptez de lui offrir quelque chose de précieux et d'important. Cherchez ce qui compte dans votre histoire et que vous estimez digne de cet enfant-roi. Dans votre vie qu'est ce qui est or c'est-à-dire cadeau royal, qu'est ce qui est encens, symbole d'un présent que l'on ne fait qu'à Dieu, qu'est ce qui est myrrhe, onction bienfaisante et parfumée pour les blessures de celui qui sera crucifié quelques trente ans plus tard. Où sont l'or, l'encens et la myrrhe dans nos aventures humaines ? En laissons-nous une part pour Dieu.

Les mages de l'évangile ont cette belle chance d'être guidés par une étoile, astre curieux qui s'arrête devant la maison qu'ils recherchent. Matthieu précise qu'en la voyant ils sont remplis de joie. A la recherche de l'improbable roi des juifs, chaque élément les mettant sur la route est pour eux un bonheur. Nos vies sont encore ces itinéraires de mages. Y a-t-il quelque chose qui nous mette en joie dans notre errance vers ces Bethléem où nous risquons de ne pas voir ce roi pauvre et nu et pourtant Dieu parmi les hommes. Dans quelle crèche allons-nous le rechercher, dans le regard sur l'autre, sur le conjoint, sur les enfants, sur les passants croisés dans la rue, sur ceux qui nous tendent la main et que nous ne voyons pas, dans des bidonvilles lointains ou dans l'attention à la simplicité de l'environnement ? Il y a une multitude de crèches possibles dans le monde contemporain. Vous y laissez mener avec joie ?

Pour chacun ici, il y a une épiphanie possible ce matin. Je vous invite à quelques instants de silence pour que s'y passe cette évidente rencontre avec ce Dieu. Cette révélation encore incomplète rend manifeste qu'il nous aime et qu'il est là pour nous. Révélation que sa royauté si elle n'est pas de ce monde nous fait le royal cadeau d'un Dieu venu porter avec nous nos blessures. Je vous invite au silence pour y déposer l'or l'encens et la myrrhe et comme l'écrit Eugène Guillevic devenir « non possédant pour posséder l'impossessible ». Qu'une Épiphanie soit possible pour vous aujourd'hui et que vous repartiez chez vous joyeux comme les mages au sortir de Bethléem.

Je vous souhaite non pas une belle mais une vraie fête de l'Épiphanie.