JÉSUS SUPER « STAR »
Dans notre société, Noël a laissé quelques traces : réjouissances, bougies et cadeaux - mais que reste-t-il de l’Epiphanie ? Certains placent encore dans leur crèche les rois et leurs chameaux, la majorité surtout achète le gâteau des rois dans l’espoir d’y trouver la fève tandis que quelques articles de journaux s’interrogent encore sur la nature de cette fameuse étoile (comète de Halley, conjonction de planètes ?) afin de préciser l’année de l’événement.
Folklore, gourmandise, fausse science : Est-ce là toute l’Epiphanie ? Ce n’est en tout cas pas dans ce but que Matthieu nous a rapporté cet épisode qui mérite une réflexion approfondie pour renforcer notre foi
L’UNIVERS A-T-IL UN SENS ?
Des foules de savants effectuent un travail colossal et admirable pour percer les secrets de la matière, ils s’acharnent pour découvrir le mystère de l’origine du monde mais ils n’y voient souvent qu’une nature soumise aux lois du hasard et de la nécessité. Une aventure de 13, 7 milliards d’années. Qui a commencé. Qui finira. Et où, quelque part, dans un coin perdu du cosmos, une curieuse espèce appelée « humanité » se développe et se prépare à tout faire sauter. Née de rien, elle ne va nulle part. Capable de Mozart et d’Auschwitz. Absurde, n’est-il pas ?...
Il est toutefois donné à certains de percevoir dans cette immensité grandiose une interrogation que nul progrès ne parvient à effacer. Il y aura toujours un au-delà de la connaissance scientifique.
Etaient-ils trois ? En tout cas les mages n’étaient ni des rois, ni des magiciens : ils étaient les savants de l’époque qui, du haut de leur ziggurat (comme la tour de Babel), scrutaient la course des étoiles pour y percevoir les signaux des dieux. Pour eux le ciel parlait : mais que disait-il ? Les figures du zodiaque donnaient-elles la réponse aux questions de l’homme, permettaient-elles de prédire l’avenir ?
Alors ils se mirent en route, en quête de vérité. Au sein même du grand livre de la nature, il devait y avoir un autre livre qui donnait le sens de ce que les hommes vivent.
Heureux ceux qui n’éteignent pas la petite étoile d’espérance qui scintille dans leur cœur et qui les incite à creuser leur quête. Heureux ceux qui osent sortir du carcan de leurs certitudes et bravent les ricanements de leurs confrères pour se mettre en route. La foi, c’est d’abord chercher.
La réponse à la question de l’homme n’est pas dans la danse des étoiles. Mais où alors ?...
LE GRAND LIVRE DE L’ESPERANCE
La Bible n’est pas un catéchisme, une méthode, un traité, mais une histoire, l’histoire d’un petit peuple qui, comme tous les autres, cherche le bonheur, la justice et la paix. Cet idéal, hélas, n’est jamais atteint et les désastres se succèdent : orgueil des nantis, oppression des puissants, guerres, invasions des troupes étrangères, destructions, déportation. Cependant Israël, déchiré, garde l’espérance : un jour, imprévisible mais certain, Dieu enverra un roi qui, enfin, établira une société de droit et de justice. Ce roi, consacré, oint par Dieu même - donc appelé le Messie, le Christ - sera le chef, le guide, le bon berger qui fera le bonheur de son peuple et le conduira à Dieu. Alors ce petit peuple accomplira la mission pour laquelle il a été appelé par Dieu : établir la paix de toutes les nations.
La Bible n’est donc pas une histoire close, une collection de faits passés mais un livre ouvert. Dans les murs du mal, des échecs, des souffrances, il y a une brèche ; mais seul le Messie de Dieu peut l’ouvrir. Tous les prophètes, sous des modes différents, annoncent cette Promesse. Même un prophète païen que son roi envoyait pour maudire Israël dut se résoudre à annoncer cette vocation :
« Oracle de Balaam, fils de Béor, l’homme à l’œil ouvert, qui possède la science du Très-Haut, qui voit ce que Dieu lui montre. Je le vois mais ce n’est pas pour maintenant.
D’Israël monte une étoile, d’Israël surgit un roi » (Nombres 24, 15).
Nos mages se rendent donc dans le pays du Livre ; à Jérusalem, on leur montre toutes les prophéties sur ce messie, cette « étoile » à venir, et notamment celle qui dit que le Christ naîtra dans le petit village de Bethléem, origine de son ancêtre David :
« Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda,
car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël…
au temps où enfantera celle qui doit enfanter…et il sera la Paix » (Michée 5, 1-4)
INTERPRETER LA BIBLE
Là justement surgit un nouveau problème. On peut avoir une bible, la connaître, en devenir spécialiste…et refuser d’aller là où elle invite à se rendre. Le roi Hérode et les scribes du temple savent expliquer leurs Ecritures mais pour eux elles demeurent des hypothèses perdues dans un avenir lointain.
Or les mages, eux, ne doutent pas que l’antique prophétie est aujourd’hui réalisée et ils repartent, seuls, vers ce petit village. Quelle surprise ! Quelle conversion leur est demandée ! Ils avaient entrepris un long voyage pour saluer un Roi dans son palais à Jérusalem…et les voici dans une cahute de campagne où un jeune couple leur montre leur nouveau-né ! Ils se demandaient ce que l’étoile pouvait signifier : voilà qu’ils la découvrent : la véritable étoile, « la star », l’Epiphanie (mot qui signifie la Manifestation de Dieu) est là dans ce petit pauvre. Ils désiraient la richesse : ils comprennent que la richesse est de donner.
Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Les cadeaux ont évidemment une valeur symbolique et déclinent l’identité de l’enfant : l’or pour un Roi, l’encens pour un Dieu, la myrrhe, parfum pour l’amour (Cantique des cantiques) et aromate pour un mort (Jean 19, 39).
Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
La foi en Jésus, sa reconnaissance comme Messie, c.à.d. Sauveur unique, provoque un changement de cap, une conversion de la manière de vivre. Le pape François vient encore de nous exhorter à oser vivre à contre-courant, à refuser l’idolâtrie si répandue dans notre monde. Plier les genoux devant le Christ de la crèche rend libre, débarrasse des chaînes dans lesquelles on veut nous enfermer (modes, matraquage publicitaire, idéologies, pensée unique) et nous pouvons oser du neuf.
EPIPHANIE FETE DE LA MISSION
Ainsi, au début de son évangile, Matthieu a raconté une histoire qui anticipe ce qui va se produire dans la suite : l’enfant pauvre de Bethléem sera le condamné à mort du Golgotha. L’Evangile est encadré par les marques de la grande pauvreté (crèche et croix) – critique virulente d’une société qui adore le veau d’or et d’une religion qui tremble sous une divinité toute-puissante.
Comme le roi Hérode et ses scribes, les autorités de Jérusalem rejetteront Jésus comme Messie, ils ne comprendront pas qu’il accomplit les Ecritures. Refusé par la majorité de son peuple, Jésus sera cependant accueilli, reconnu et adoré par les païens, dont les mages étaient les prémices.
Comme les mages, les chrétiens prendront « un autre chemin » : ils ne chercheront plus leur salut dans les sacrifices du temple et les observances de la Loi mais dans la foi en Jésus seul. Comme Hérode avait fait exécuter les enfants de Bethléem, ainsi, après l’exécution de Jésus, on s’acharnera contre les premiers chrétiens. Et cependant ils resteront remplis, comme les mages, d’ « une grande joie »
L’Epiphanie est donc la fête de la mission près des païens, ces multitudes immenses qui ne connaissent pas le Christ ou, s’ils l’ont connu dans leur enfance, s’en sont détournés. Il faut que ces personnes voient des étoiles, non des vedettes éblouissantes, mais des « signes » qui indiquent un chemin afin que, comme les mages, elles acceptent de sortir de leur nuit pour adorer un jour Celui est « la Lumière du monde ». Saint Paul écrivait : « « Agissez en tout afin d’être sans reproche et sans compromission, enfants de Dieu au milieu d’une société pervertie où vous apparaissez comme des sources de lumière dans le monde, vous qui portez la Parole de Vie » (S. Paul aux Philippiens 2, 14)
Epiphanie
- Auteur: Raphaël Devillers
- Date de rédaction: 4/01/15
- Année liturgique : B
- Année: 2014-2015