Fête de la Dédicace

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2002-2003

Jn 2, 13-22

Dans la vie, il y a parfois des colères qui nous envahissent et dévoilent certaines zones d'ombre de nous-mêmes que nous n'arrivons pas encore à gérer convenablement. Puis il y a également des colères qui sont beaucoup plus saines c'est-à-dire qu'elles ne font plus référence à notre être mais à des situations que nous estimons à ce point inacceptables qu'il ne nous est plus possible de nous exprimer autrement que de cette manière. Il s'agit alors de ce que nous pourrions appeler de saintes colères. Elles sont saintes car leur expression va permettre à la vie d'évoluer, d'aller vers un mieux. Et c'est en ce sens que nous pouvons comprendre l'état d'esprit qui a animé le Christ dans l'extrait d'évangile que nous venons de lire.

Sa colère est sainte tellement était pour lui intolérable la manière dont certains êtres humains avaient trahi la religion qui est, par définition, ce qui relie Dieu à sa création. En effet, pour lui, vivre uniquement de sacrifices, c'est risquer d'entrer dans une religion exclusivement rituelle, une religion qui peut se pratiquer sans pour autant se vivre. Il suffit d'accomplir simplement un ensemble de prescrits pour avoir sa conscience apaisée mais sans vivre pour autant une transformation intérieure profonde. Dieu semble ne pas tolérer une foi ne s'exprimant que dans des formes, des pratiques rituelles. Il attend que notre foi se vive, se voit dans la manière dont nous conduisons nos existences.

Accomplir un rite tout en continuant de cracher sur celles et ceux qui nous entourent est non seulement un mensonge mais un contre-témoignage d'évangile, un scandale pour la foi. Seule la sainte colère peut répondre à une telle hypocrisie. Mais avant de chercher autour de nous des exemples de personnes qui pourraient sembler vivre leur foi de la sorte, posons-nous en vérité la question de savoir si ce n'est pas dans notre propre temple que Jésus vient mettre un peu d'ordre.

Le temple de Dieu est sacré et ce temple c'est vous, clame saint Paul dans sa Lettre aux Corinthiens. Nous sommes donc bel et bien le temple de Dieu sur cette terre. Nos églises ne sont donc pas le seul vrai lieu de notre foi. Elles sont des espaces qui nous permettent de nous rassembler, de méditer, de partager cette foi qui nous fait vivre. Elles sont donc un lieu de la foi mais le lieu de la foi par excellence, il est en nous, dans ce temple de Dieu qui nous constitue. En d'autres termes, nous pourrions même dire que nous sommes aujourd'hui encore et toujours la maison que Dieu construit. La maison que Dieu construit et non pas la maison que Dieu a construit. Il ne s'agit pas d'un acte épisodique d'un passé à jamais révolu. Il s'agit plutôt d'un présent continu. Dieu continue à nous construire. Comment ? Non pas par des rites vidés de leurs sens mais par des rites empreints de sa présence divine. Certains se demanderont sans doute comment il est possible d'évaluer nos rites de foi ? Cela peut se faire très simplement.

Si notre vie humaine est en contradiction avec notre vie de foi, c'est que nos rites sont vides de sens et de vérité. Par contre, si notre vie de foi se poursuit dans les paroles, les gestes et les actes dans notre vie humaine, alors les rites prennent tout leur sens. Dieu a donc besoin de notre vérité intérieure. C'est dans un tel environnement qu'il peut venir s'établir en nous. Et être temple de Dieu, c'est reconnaître qu'il y a en chacune et chacun de nous quelque chose de sacré, c'est-à-dire quelque chose qui nous dépasse et qui va bien au-delà de nous. En tant que temple de Dieu, tout sacré que nous soyons, nous portons en nous une part de Dieu qui est plus grand que nous. Dieu prend donc à ce point son humanité au sérieux qu'il choisit de venir résider en nous. Nous avons de la valeur à ses yeux. Cela peut sembler bien prétentieux de se dire que nous sommes « temple » de Dieu.

Toutefois, ce n'est pas nous qui nous sommes octroyés un tel titre, c'est un apôtre qui nous l'affirme. Nous sommes « temple » de Dieu car nous sommes toutes et tous des êtres sacrés. Tant dans notre corps que dans notre âme. En tant que temple de Dieu, c'est notre être tout entier qui est sacré. Puissions-nous ne pas trahir cette réalité qui nous a été donnée et permettre ainsi à Dieu de continuer de nous façonner chaque jour un peu plus dans la vérité de nos relations afin de devenir sacrement de Dieu sur terre, c'est-à-dire signe visible de sa présence. De la sorte, être « temple » de Dieu n'est plus un titre donné mais un état de vie, un état de foi.

Amen