Fête de la Dédicace (année A)

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2007-2008

Comme me l'a bien rappelé au téléphone notre ami Franck, nous fêtons, ce dimanche, la dédicace de la Basilique du Latran. C'est peu commun qu'une telle fête l'emporte sur le dimanche, alors parlons-en. Mais par quoi commencer ? J'ai trop d'idées. Laquelle vous présenter ?

Je peux vous parler du Président de la République Française qui est d'office chanoine du Latran. Nicolas Sarkozy s'y est donc rendu il y a quelques mois pour y rencontrer le pape et prononcer un discours remarqué sur la laïcité, positive, décontractée etc. Mais vous allez me dire que cette question très « franco-française » n'a aucun intérêt pour des bruxellois.

Alors je pourrais vous parler de la symbolique de la Basilique pour l'Eglise catholique, et préciser que c'est elle, la cathédrale de Rome, et non pas Saint Pierre au Vatican. Le pape est l'évêque de Rome et la Basilique du Latran est sa cathédrale. Les curés de son diocèse, ce sont les cardinaux. Chacun a son église attitrée, même s'ils vivent principalement à l'étranger. Cela n'a l'air de rien mais c'est important. Notre Eglise est une communion d'Eglises locales, une communion de diocèses. Il n'y a pas un super évêque. Il y a l'évêque de Rome, le premier parmi ses pairs. Il préside les Conciles. Il n'est pas en dehors ni au-dessus. Il n'y a pas, comme le disait un imbécile « Pierre et les douze ». Pierre fait partie des douze sinon ils seraient treize ! Il est un des douze. Et si le diocèse de Rome a la primauté, c'est en raison des martyrs de Pierre et de Paul et de beaucoup de chrétiens. Il s'agit d'une primauté dans le témoignage de la foi et de la charité.

Mais je m'éloigne de la basilique du Latran. Pour y revenir, je pourrais vous parler du bâtiment et faire une conférence d'architecture, avec, pourquoi pas, des projections de photos, de plans et d'½uvres d'art. Nous pourrions ainsi passer ensemble un bon moment. Notre ami Franck serait-il content ? Je passerais peut-être à côté de l'essentiel ?

Mais où est donc l'essentiel ? Le bâtiment, c'est important. Ici l'église a été remise à neuf, elle est agréable et bien chauffée, c'est important pour nous retrouver. Les célébrations en plein air, je connais mais il y a toujours une difficulté : trop de vent, la pluie, le froid, le bruit ou l'excès de soleil. L'Eglise, c'est la communauté et c'est aussi en français le même mot que le bâtiment où l'on se réunit. Dans d'autres langues on dit « Temple », comme en espagnol.

Je pourrais vous parler du Temple, du temple de Jérusalem. Je pourrais vous parler des marchands que Jésus met dehors violemment. Je pourrais essayer d'actualiser, et dénoncer les petits commerces que l'on trouve un peu partout sur les lieux de pèlerinage, mais ce serait vraiment forcé car ici, à part quelques cierges, il n'y a pas de b½ufs, de moutons ni de tourterelles à acheter pour les sacrifier. Les temps ont changé !

Alors, plus sérieusement, je pourrais m'attacher à ce mot étonnant dans la bouche de Jésus : « détruisez ce temple » ! Mais « il parlait du temple de son corps » et saint Paul nous dit que nous sommes aussi le Temple de Dieu, chacun de nous, et tous ensemble, comme peuple, comme communauté, comme corps du Christ vivant.

Remarquez bien que lorsque Jésus nous parle du Temple, ça n'est pas pour l'admirer, c'est pour nous dire qu'il va être détruit ! Remarquez aussi qu'il s'agit là du seul chef d'inculpation qui sera retenu pour condamner Jésus : il a dit qu'il allait détruire le Temple ! Un blasphème, comme s'il allait détruire la Grand Place, le Palais Royal, la Cathédrale ou le Parlement Européen. Mais Jésus utilise un langage imagé. D'une part il ne faut pas s'attacher aux bâtiments parce que le plus important, c'est la communauté, et d'autre part tout va passer, aussi bien le bâtiment que le Temple vivant que nous formons ! Cette lucidité pourrait nous inquiéter mais Jésus parle avant tout de reconstruction : « détruisez, je rebâtirai ». Il affirme la résurrection.

L'Eglise est donc le lieu du passage, du passage de la destruction à la reconstruction, de la mort à la résurrection. Il s'agit bien du baptême, plongée dans la Pâque du Christ pour vivre pleinement avec lui. Cela veut dire qu'il ne faut pas s'attacher à ce qui passe, aux formes que l'on voit, qu'elles soient architecturales, hiérarchiques, administratives ou liturgiques. Tout est provisoire et tout ne cesse d'évoluer par suites de crises et de restaurations. L'Eglise est le lieu du passage, de la Pâque, du baptême, le Christ en est la porte, il est le chemin. Il est la présence de Dieu parmi nous. Il fait de nous sa présence visible dans l'histoire des humains.