La liturgie de ce dimanche ne fait entendre que 3 versets du chapitre 3 de Saint Jean . Pourquoi ne pas proclamer aujourd'hui tout ce chapitre qui d'ailleurs ne vient jamais dans les lectures dominicales - au moins les versets 1 à 9 puis 14 à 18 ? Il rapporte le célèbre dialogue de Jésus avec Nicodème, magnifique chemin de découverte du Dieu-Trinité que nous fêtons ce jour.
Nicodème est un pharisien, membre du grand tribunal de Jérusalem : donc un notable respecté, un homme pieux, droit, honnête. Il a vu Jésus, un jeune Galiléen inconnu, opérer quelques guérisons et il vient le rencontrer :
Rabbi, nous savons que tu es un homme de Dieu, car personne ne peut opérer les signes que tu fais si Dieu n'est avec lui !
Loin de le remercier, Jésus le détrompe tout de suite :
Amen, amen, je te le dis : à moins de renaître, personne ne peut voir le Royaume de Dieu.
Interloqué, Nicodème objecte :
Un homme pourrait-il naître s'il est vieux ? Pourrait-il entrer dans le sein de sa mère et naître ?
A nouveau Jésus écarte cette possibilité :
Amen, amen, je te le dis : à moins de naître d'eau et d'Esprit, personne ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair. Ce qui est né de l'Esprit est Esprit.
Et comme le mot employé par Jésus ( RUAH - qui se dit en grec : PNEUMA) signifie d'abord le vent, le souffle, il use d'une image :
Ne t'étonne pas. Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né du Vent de l'Esprit.
Ainsi Jésus déclare la vanité de trois voies que l'humanité explore pour tenter de se sauver, de s'accomplir, d'atteindre le bonheur dont elle a soif :
celle de la moralité : il s'agirait de s'améliorer peu à peu, de vaincre ses défauts, d'acquérir des qualités, de faire des progrès en honnêteté - même en s'aidant de pratiques pieuses comme Nicodème.
celle de la guérison de nos maladies, par des miracles ou des progrès scientifiques : on arriverait au bonheur par l'éradication de nos handicaps, l'allongement d'une vie saine.
celle de la réincarnation : après l'expérience des échecs, on pourrait prendre un nouveau départ, recommencer une nouvelle vie.
Nulle de ces voies ne peut aboutir car cela demeure au niveau de ce que la Bible appelle « la chair » c'est-à-dire tout ce qui reste incurablement marqué par la fragilité, ancré dans la finitude, rongé au fond par la mort. Génie, efforts, héroïsme, puissance, ascèse, mystique... : toute ½uvre humaine est « chair », à jamais incapable de sortir de sa prison et d'arriver à la plénitude de la Vie.
CE QUI EST IMPOSSIBLE A L'HOMME
Alors « renaître de l'Esprit » ? : cette expression nous laisse perplexes, comme Nicodème :
Mais comment cela peut-il se faire ?...
A l'homme qui n'affirme plus qu' « il sait », Jésus peut faire l'ultime révélation :
Il faut que le Fils de l'homme soit élevé afin que quiconque croit ait en lui la Vie éternelle.
Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, son Unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la Vie éternelle.
Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui.
Qui croit en lui n'est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu »
Mystérieusement, le Souffle de Dieu jaillira à partir de Jésus lorsqu'il sera dressé sur une croix au Golgotha. Là où les hommes ne verront que l'exécution d'un condamné, là où beaucoup se dresseront contre un Dieu qui n'est pas intervenu pour sauver un juste -donc qui est impuissant ou pervers-, le croyant, lui, contemplera en Jésus crucifié la Manifestation paradoxale de l'Amour infini de Dieu. Il se dira : Dieu nous a aimés à ce point qu'il a exaucé la prière de Jésus, son Fils, qui lui demandait miséricorde pour les hommes capables d'un tel forfait.
Lorsque l'homme croit que Jésus n'est pas un imposteur condamné par ses juges, ni même un martyr victime de la haine, mais qu'il est le FILS DE DIEU offrant sa vie par amour, lorsqu'il s'expose au Souffle de cet homme, alors se produit le miracle : il renaît.
Ce qu'il n'a pu réaliser par ses efforts, ses réalisations, sa volonté, lui est donné. Certes « sa chair » reste ce qu'elle - fragile, pécheresse, mortelle - mais le Souffle de Dieu chasse ses fautes et il reçoit la VIE DIVINE, la VIE ETERNELLE.
Alors il échappe au jugement que lui méritait ses défaillances, il n'est plus prisonnier de la culpabilité Il n'est ni changé, ni amélioré : il est RE-NÉ.
La Croix est donc la révélation, l'épiphanie du vrai Dieu, de Celui devant lequel nous nous prosternons aujourd'hui, au terme du chemin pascal, Celui que les Pères ont tenté de nommer : TRI-UNITÉ, TRINITÉ, TROIS-EN-UN.
Dieu est le PERE de Jésus. Celui-ci est son FILS, son Unique, qui était toujours avec Lui. Offrant sa vie par amour, il communique le souffle de l'ESPRIT à quiconque accepte de le regarder et de le confesser.
Père, Fils, Esprit : ils sont UN. Dieu n'est pas une entité solitaire, monolithique, immuable, impassible. Il est, en soi, AMOUR. Il est « RELATIONS ».
Et la foi chrétienne est une merveille puisque qu'elle n'est rien moins que la renaissance de l'être humain, la communion de l'homme-chair avec son Dieu devenu son PERE.