Il y a une dizaine de jours, l'un d'entre vous qui se reconnaîtra peut-être dans mes mots, me raconta que récemment, au cours d'une réception de mariage, il vit quelqu'un s'approcher de lui et cette personne lui dit à peu près ceci : « nous nous connaissons par la messe à Froidmont mais jusqu'à présent nous n'avons qu'échangé la paix du Christ. Puisque aujourd'hui nous avons un peu plus de temps, je viens vers vous pour prendre ce temps afin de vous rencontrer ».
Je trouve personnellement cette démarche tout à fait sacramentelle. Elle s'inscrit dans le prolongement de cette prière dominicale partagée ensemble. En effet, de dimanche en dimanche, en fonction de notre pratique, nous nous retrouvons en ce lieu pour entendre la Parole de Dieu, célébrer l'eucharistie et prier ensemble. Nous ne nous connaissons pas tous c'est vrai mais nous nous reconnaissons. D'ailleurs, très souvent, nous sommes assis à la même place, ce qui me permet soit dit en passant de prendre les présences. Se reconnaître sans pour autant se connaître, telle est une réalité à laquelle nous sommes confrontés. Toutefois, vivons-nous cela comme un simple constat ou plutôt comme le début d'une démarche ?
Je m'explique : est-ce que je viens dans cette église uniquement pour rencontrer Dieu dans l'intime de mon c½ur me souciant peu de savoir qui sont les autres membres de cette assemblée ou bien est-ce que je me réjouis de me trouver avec d'autres pour partager ce qui est au fil des années devenu un des fondements de mon être et de ma vie, c'est-à-dire ma foi ? Comment le savoir ? Assez simplement, je crois. Si Dieu est important dans nos existences, lorsque nous reconnaissons certains avec qui nous avons prié le dimanche, les ignorions-nous si nous les croisons en rue, au marché ou encore ailleurs, ou bien suis-je assez à l'aise avec ma foi et confiant en cette autre personne qui partage également quelque chose de si existentiel que, par un petit geste de la tête, un sourire, un simple bonjour, je lui fais savoir que je l'ai reconnue. Suis-je assez franc pour m'arrêter quelques instants et partager peut-être quelques mots ? Ces questions, je me permets de vous les livrer.
Pourtant, je crois que « se reconnaître sans se connaître » ne peut être que la première étape dans une démarche de foi. Nous ne sommes pas un troupeau de gens qui se rassemblent en un lieu précis. Non, le sacrement de l'eucharistie que nous célébrons et partageons, fait de nous une communauté de croyantes et croyants qui communient ensemble au même mystère. Nous vivons et partageons ici quelque chose de divin. Cette communion est alors sacrement de la rencontre du Christ. Par le simple fait de ce geste, nous devenons également sacrements les uns pour les autres puisque en mangeant son corps et en buvant son sang, Dieu demeure en nous et nous en Lui, souligne l'évangile de ce jour. Nous ne pouvons donc pas nous contenter de nous reconnaître sans nous connaître. Dieu semble attendre plus de nous.
Notre eucharistie n'est pas un self-service où je viens chercher juste pour moi ce dont j'ai envie. Elle est un véritable repas où se partage le corps et le sang du Christ, un véritable repas qui nous transforme et fait de chacune et chacun de nous des frères et s½urs dans la foi. Un peu comme s'il ne pouvait y avoir un sacrement de l'eucharistie sans que celui-ci soit préalablement précédé d'un sacrement du frère ou de la s½ur. Communier ensemble à ce mystère est une invitation permanente à partir à la rencontre de l'autre, celle ou celui en qui Dieu inhabite également car ma relation à tout être humain renforce ma relation à Dieu. L'un et l'autre sont inséparables. S'il en est ainsi, la fête du corps et du sang du Christ n'est pas le mémorial d'un événement passé que nous célébrons chaque année. Non cette fête est notre fête car en communiant véritablement ensemble nous devenons les uns pour les autres et pour Dieu le corps et le sang du Christ sur cette terre. Il ne s'agit pas d'une fête à laquelle nous assistons. Il s'agit de notre fête. « Se reconnaître sans se connaître » ne peut alors être que la première étape de toute démarche de foi car dans l'eucharistie nous puisons la force pour accepter que notre présence en ce lieu signifie plutôt « se reconnaître pour mieux se connaître ». Puissions-nous ne jamais l'oublier chaque fois que nous communions ensemble. Amen.