Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

Le centre de l'année liturgique (rappelons que celle-ci est le chemin de la formation permanente des chrétiens) est balisé par la succession de 7 célébrations qui constituent le c½ur de notre foi.

1) JEUDI SAINT : au moment même où il entre dans ce jour terrifiant où les hommes vont le mettre à mort, Jésus, conscient, réunit ses disciples pour le repas pascal. On ne me prend pas la vie, je la donne moi-même. Ce pain, ce vin, c'est moi : prenez, mangez, buvez. La Pâque n'est plus le signe d'une année nouvelle ni même le souvenir de la sortie d'Egypte des ancêtres esclaves : Jésus est l'agneau qui libère les hommes de la prison du péché et ouvre les temps nouveaux. Aucun convive ne comprend ce que Jésus réalise : nous non plus, nous ne percevons pas l'enjeu et nous nous ennuyons à la messe.

2) VENDREDI SAINT : pouvoir religieux et pouvoir politique se liguent pour supprimer le Nazaréen, la foule laisse faire et les disciples se sont enfuis. Dieu tombe au c½ur du gouffre. Sur la croix,  l'exacerbation des souffrances conduit l'amour à son paroxysme. «  Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime »...même si ceux-ci vous ont lâchement abandonné.

3) PÂQUES : La Bonne Nouvelle éclate à l'aurore : l'amour ne pouvait être prisonnier de la tombe, le suaire ne gardait que des traces sanglantes. Jésus est Vivant. La véritable révolution que le peuple attendait ne consistait pas à chasser les occupants ni à condamner les pécheurs mais à libérer de la tyrannie du remords et de la mort. Jésus s'offre à la reconnaissance des croyants. Foi et doutes s'entrecroisent.

4) ASCENSION : Ne cherchez plus des apparitions miraculeuses, ne restez pas le nez en l'air, ne calculez pas la date de la fin du monde : croyez que Jésus est le seul Seigneur et priez pour recevoir l'Esprit qui vous changera. Le sens de l'histoire, c'est Dieu dans l'homme et l'homme en Dieu.

5) PENTECÔTE : Aspirez le Souffle nouveau. Ne faites pas le fort : accueillez la Force de Dieu. Ne restez pas dans votre coin : rejoignez la communauté royale, pardonnée, joyeuse. Manifestez votre bonheur du salut gratuit et proclamez les merveilles que Dieu accomplit. Aimez-vous donc maintenant comme le Christ vous a aimés.

6) TRINITE : Donc Dieu n'est plus un Nom vague et imprononçable ; Jésus n'est plus un maître, un guérisseur ou un prophète ; la spiritualité n'est plus travail sur soi, ascèse, expériences inédites, perte dans le nirvana. Accueillant la Pâque de Jésus et décidé à faire la sienne, le disciple devient enfant du Père, frère ou s½ur du Fils,  personne animée par l'Esprit. Se glorifiant de la Croix, priant le « Notre Père », les croyants vivent en communion des Trois.

7) Et enfin, aujourd'hui, 7ème et dernier sommet de la série: FETE DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST - La fête a été ajoutée longtemps après les autres : elle est le signe que l'Eglise a compris le rôle essentiel de l'Eucharistie. Elle est à l'entrée et à la clôture de la série.

Porte d'entrée dans la Passion et la Résurrection de Jésus, elle est le portique par lequel l'Eglise s'élance dans le monde afin  de témoigner de la victoire de Pâques et inviter tous les hommes à la même table.
C'est par l'Eucharistie que nous entrons dans le chemin de Jésus et le mystère pascal : c'est avec elle que nous allons poursuivre ce chemin en nous retrouvant, chaque dimanche, à la messe.
La fin du parcours ne sera pas le néant mais la communion de Dieu et ses enfants : la TOUSSAINT.

EVANGILE DE CE DIMANCHE

Le premier jour de la Fête des  pains sans levain où l'on immolait l'agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : «  Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? ». Il envoie 2 disciples : «  Allez à la ville : vous y rencontrerez un homme portant une cruche d'eau ; suivez-le et là où il entrera, dites au propriétaire : «  Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ? ». Il vous montrera, à l'étage, une grande salle toute prête pour un repas; faites-y pour nous les préparatifs ». Les disciples partirent, allèrent en ville ; tout se passa comme Jésus le leur avait dit. Et ils préparèrent la Pâque.

Le récit insiste sur la conscience de Jésus : il sait ce qu'il fait, il n'est pas une victime aveugle qui va tomber dans le piège tendu par ses ennemis. Ce repas du soir montre qu'il agit (et avec quel amour !) ce qu'il va subir (avec tant de souffrances !). Ce qu'on appelle sa « passion » est pour lui une « action », son acte suprême. Ses adversaires seront persuadés de « le saisir » : or c'est lui qui auparavant s'offre à ses disciples aimés afin qu'ils « le saisissent » dans le pain et le vin. L'amour va transfigurer l'événement en don. Peut-on se dire « croyant » en se détournant de ce don ? Il est vain d'attendre une Eglise parfaite : à table, saint Jean est toujours proche de celui qui peut devenir « saint Judas ».

Il importe de ne pas réduire ce repas au niveau d'un aimable pique-nique, d'une « petite croûte » mangée entre copains  qui s'entendent bien. Les disciples ne se sont pas choisis par affinité : ils sont ensemble parce que tous appelés par leur Seigneur. Le repas a pour but de les unir d'abord par rapport à Lui.

Ce repas ne s'improvise pas dans un joyeux désordre : certains sont chargés de le préparer c.à.d. de se procurer les aliments, de mettre la table, de veiller à l'éclairage, de prévoir l'installation des convives. Dans toute communauté chrétienne, certains devraient se sentir très fiers d'être choisis pour cette tâche préliminaire. Ainsi les linges ne seraient pas souillés, les livres seraient prêts à la page, les lecteurs auraient préparé leur texte, la sonorisation serait réglée, le lieu serait propre, chaleureux et accueillant, les signes d'hospitalité joyeuse réjouiraient chaque arrivant.

Quel est donc ce signe de reconnaissance de « l'homme qui porte une cruche » - corvée toujours laissée aux femmes ? Un esclave sans doute. Mais qui pénètre chez son maître propriétaire d'une maison spacieuse. Le pauvre porte la vie ; le riche ouvre sa demeure et accueille ceux que le Seigneur lui apporte comme frères ! Révolution sociale de l'Eucharistie de Jésus !

Le but de l'Eucharistie est de réunir les participants (« Que tous soient UN »). Mais peut-on d'emblée entrer en communauté conviviale si dès l'abord on est tenu de se taire, de prendre une mine pieuse (donc ennuyée) ? Car on ne va pas à la messe pour « se recueillir » (but de la prière personnelle) mais pour « se laisser recueillir ensemble » en Corps du Christ.

La Pâque est un repas sacré qui comporte un rituel.  Il fallait obligatoirement se raconter l'un à l'autre la sortie d'Egypte dans le but de louer Dieu qui prend le parti des pauvres contre les tyrans et dans la joie de bénéficier de cette libération car tout convive doit se considérer comme libéré par Dieu. Les chrétiens ont-ils l'occasion de « parler leur foi », de débattre sur les liens liturgie / vie quotidienne ?...

S. Paul écrira : «  Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne » (1 Cor 11, 26). L'acte présent du repas est porteur du mémorial de la Croix passée et il envoie vers l'avenir. L'Eucharistie donne à l'existence humaine sens et signification.