Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

Cette fête du St Sacrement, connue aussi sous le nom populaire de Fête-Dieu, n'est entrée que fort tardivement dans le calendrier liturgique. C'est en effet au 13°s., dans un contexte polémique au sujet de la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie, qu'une religieuse du monastère du Mont Cornillon à Liège proposa, sous l'inspiration de visions, d'instaurer cette fête afin de remettre en valeur ce point difficile de la théologie du sacrement de l'Eucharistie. Elle fut d'abord célébrée dans le diocèse de Liège et étendue ensuite à l'Eglise universelle. Il s'agit donc d'une fête doctrinale -et tardive- et non d'une fête d'origine biblique. Bien sûr, la doctrine ne se serait jamais imposée s'il n'y avait pas eu d'appuis dans les textes bibliques. Les lectures de ce jour nous permettent de rentrer un peu mieux dans l'intelligence de ce point de vie chrétienne.

L'extrait de l'Exode que nous avons lu est celui qui clôt et ratifie l'Alliance entre Dieu et son Peuple au Sinaï. Au contraire de nombreux rites des religions antiques, le rite hébreu n'est que le signe extérieur d'une réalité profonde. Il ne signifie rien s'il n'exprime pas une conviction profonde, un engagement personnel impliquant une mise en pratique, une conduite cohérente avec ces convictions. Au fond, fêter l'Alliance, fêter la présence de Dieu parmi nous, c'est -comme on le lit dans cet extrait- prendre l'engagement de « mettre en pratique toutes ces paroles ». Mais il ne faut pas croire que l'on puisse se passer de signes. Ceux dont il est question dans cette scène de l'Exode peuvent nous sembler désuets, sinon même un peu cruels. Mais le sang ainsi versé ne l'est pas avec désinvolture ni sadisme ; il l'est dans un geste sacré qui se veut fort et impliquant intimement le fidèle. Ce qui nous intéresse nous, chrétiens, dans ce texte, c'est l'expression « le sang de l'Alliance » car c'est elle qui sera reprise plus tard par le Christ lors du repas de la Pâque alors qu'elle n'était pas prévue en cette occasion par le rituel juif. La Pâque, on le sait, commémorait la sortie d'Egypte, le fait d'avoir quitté une terre d'esclavage, de péché, d'idolâtrie, de mort, ...pour gagner la Terre Promise où l'homme pourra enfin vivre d'une vie réconciliée avec Dieu. La Passion du Christ qui se prépare en ce moment d'une Pâque annuelle qui aurait pu rester anodine (et dont la préparation fut anodine en effet) vient ajouter à la signification juive de la Pâque plusieurs éléments nouveaux. Le sacrifice du Christ, le sang du Christ qui fut versé lors de cette Passion n'était pas comme le sang des jeunes taureaux dans l'Exode. Ce n'était pas le sang d'une violence symbolique ritualisée. C'était le sang d'une violence réelle qui n'aurait pas dû être, qui est le signe d'un désordre dans la relation à Dieu. Voilà pourquoi il fallait un médiateur d'une nouvelle alliance, nous dit l'épître aux Hébreux. Le Christ reprend à son compte le sens du sacrifice développé quelques siècles plus tôt par Isaïe dans d'autres conditions dramatiques. Il veut prendre sur lui tout le péché du monde, toutes les formes de mort et les transfigurer en Résurrection, en vie nouvelle. Voilà qui n'est pas de l'ordre du symbole ! Le mal à l'½uvre dans le monde est une réalité ; sa transfiguration, déjà réalisée comme par avance par Dieu en Jésus-Christ, est une nécessité cruciale que nous avons à notre tour à incarner.

De ce sacrement de l'Alliance Nouvelle, chargé de toute cette signification, puissions-nous nous en approcher avec respect et ferveur pour y puiser force et confiance, mais aussi pour y trouver la joie de la Présence de Dieu.