Noël

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2003-2004

Dans notre culture, la fierté est souvent associée à l'arrogance, à la vanité. Pourtant, je crois qu'il y a de nombreuses fiertés qui ont leur raison d'être. Prenons par exemple : la fierté des parents lorsque leurs enfants réussissent à l'école ou s'épanouissent dans la vie, la fierté de l'artiste face à sa dernière ½uvre, la fierté du cuisinier lorsque son plat est un succès tant pour les yeux que pour le palais, la fierté de tout être humain lorsqu'il atteint un de ses objectifs. S'il en est ainsi, redonnons à la fierté toute ses lettres de noblesse lorsqu'elle est vécue non pas par rapport à nous mais plutôt vis-à-vis de ce que nous avons réalisé. Pourquoi, tout simplement, parce qu'en cette nuit de Noël, nous célébrons une autre fierté : la fierté divine. Oui, Dieu est fier et il peut l'être. Il est fier car il réalise son plus vieux rêve, un rêve complètement fou : celui de devenir l'un des nôtres. Même si parfois il peut regretter certains de nos actes, il aime toutefois ce que nous sommes devenus. En effet, il y a un peu plus de quinze milliards d'années, alors que Dieu venait d'initier la vie en créant notre monde, il s'est mis à rêver parce que Dieu avait compris qu'il n'est pas possible de vivre même éternellement sans avoir de rêves. Tout était là, à sa disposition. Il lui suffisait de trouver le bon moment c'est-à-dire l'époque où les êtres humains seraient capables d'entendre et de comprendre ce que Dieu avait rêvé pour chacune et chacun de nous. Et Dieu s'est fait patient, très patient. Il a attendu plus ou moins quatorze milliards neuf cent nonante neuf millions, neuf cent nonante huit mille années pour devenir l'un des nôtres. Dieu a donc pris son temps mais il est vrai que pour lui le temps est sans doute moins long puisqu'il n'est qu'un instant dans le temps de l'éternité.

En cette nuit de Noël, il nous est donné l'occasion de nous rappeler ce très vieux rêve de Dieu devenu réalité il y a environs deux mille ans. Et c'est sans doute parce que c'était un rêve que ce dernier s'est réalisé de la manière dont il nous est conté dans une atmosphère féerique, hors norme, inattendue, imprévue. Depuis cette fameuse nuit, chaque fois que nous célébrons cet événement, le monde se met à tourner d'une autre façon, chacune et chacun, nous nous mettons à rêver de paix, d'entente, de tendresse et d'amour. Comme si, au moins une fois par an, l'essentiel reprenait le dessus. Tel est le rêve de Noël. Mais en quoi est-ce si merveilleux pour Dieu, s'il est vraiment Dieu, de s'être fait l'un des nôtres. Tout simplement parce qu'il nous prend au sérieux, il croit à la beauté de notre humanité. Par définition, par essence, l'être humain est beau aux yeux de Dieu. Et il est important de nous le rappeler de temps à autre. Par l'incarnation du Fils, toute homme, toute femme est une créature merveilleuse appelé à partager sa divinité. Dieu se devait de devenir l'un de nous pour que, à notre tour, nous puissions devenir Dieu. Ce n'est pas moi qui le dit, saint Irénée s'exprimait déjà en ces termes au deuxième siècle de notre ère. En s'incarnant, Dieu part de lui pour conduire toute l'humanité à entrer dans la vie divine. Voilà le projet, le rêve fou de Dieu. Que toutes et tous nous soyons en lui.

Et pour ce faire, il n'avait pas d'autres moyens que celui de partager notre condition. Cette nuit, il est là devant nous dans les yeux de cet enfant nouveau-né, tout fragile, tout émerveillé de la vie. Et il nous tend les bras pour que nous le prenions dans nos bras. Telle est sa confiance : Dieu n'a pas eu peur de se laisser porter par nous. Il se blottit tout contre nous, dans le creux de notre être, nous offrant non pas des mots, des discours mais une relation de tendresse car elle est le seul langage qui puisse être vraiment partagé. Dieu se laisse porter dans nos bras. Et nous sommes là, étonnés, surpris de la manière dont il vient à nous. Et lui, il nous regarde et nous sourit heureux d'être avec nous, heureux d'être l'un de nous car son vieux rêve s'est enfin réalisé. Par là, Dieu nous invite à vivre nous aussi nos rêves. Et ces derniers sont comme Dieu. Ils sont en nous. Partons alors de qui nous sommes, de tout ce qui nous a été donné pour nous mettre à rêver de la vie que nous avons envie de vivre avec cette confiance de nouveau-né que l'Esprit de Dieu nous accompagnera. Si Dieu s'est incarné en nous, puissions-nous également habiter nos rêves les plus fous, ceux qui nous font vivre. Nos rêves réalisés deviendront alors la fierté de ce que nous sommes devenus. C'est pourquoi, la fête de Noël signifie également la fierté de la divinité, la fierté de notre humanité, la fierté de tous nos rêves à réaliser. Des rêves plein la vie, tous les rêves à chanter