Noël

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2013-2014


Désolé pour nous en ce soir de Noël, mais rien ne va vraiment dans l'évangile que nous venons d'entendre.  Joseph, qui est de sang et de rang royal, se voit obligé de voyager avec son épouse enceinte et arrivant à terme, pour un recensement exigé par les troupes occupantes.  La jeune mère accouche dans une étable alors que nous pourrions nous attendre qu'un Messie, notre Sauveur comme le dit saint Paul, le Seigneur naisse dans un palais tout de même.  Et enfin, l'orchestre céleste des anges se produit devant une bande de bergers se promenant dans les champs d'un village au lieu d'offrir leurs mélodies devant un parterre de notables et de gens distingués appréciant à tout le moins ce type de musique.  Le jour de l'incarnation du Fils, nous aurions quand même pu nous attendre à un peu mieux de la part de Dieu.

Toutefois, c'est peut-être justement là que se situe le sens de Noël.  Nous n'avons à nous attendre à rien puisque Noël, n'est pas un dû mais plutôt un don.  En effet, si c'était un dû, nous aurions des droits, nous pourrions exiger.  Or, il s'agit plutôt d'un don que nous sommes invités, chacune et chacun, à accueillir comme tel. En agissant de la sorte, nous devenons des femmes et des hommes qui acceptent ce merveilleux don de Dieu, c'est-à-dire nous devenons des « théodores ».  Néanmoins, nous sommes un peu devant la crèche comme Moïse le fut en son temps face au buisson ardent.  Rappelons-nous cet épisode.  Dans le livre de l'Exode, lorsque  Moïse demande à Dieu « J'irai donc trouver les fils d'Israël, et je leur dirai : 'Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous.' Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? »   Dieu dit à Moïse : « Je suis celui qui suis. Tu parleras ainsi aux fils d'Israël : 'Celui qui m'a envoyé vers vous, c'est : JE-SUIS'. » Voilà, donc Moïse bien avancé.  En d'autres termes, le Père lui dit : « vous ne pouvez pas savoir qui je suis.  Pour vous, je reste et je resterai toujours un mystère ».  Et il en va de même pour nous en cette nuit de Noël.  Nous contemplons également un mystère.  Nous sommes devant un Dieu bébé.  Peut-être un peu désorientés, comme des parents peuvent l'être face à leur enfant qui vient de naître ou qu'ils viennent d'adopter.  Il y a à la fois le bonheur de pouvoir accompagner cette nouvelle vie et en même temps, ce petit être reste un profond mystère. Nous ne savons encore rien de lui.  Comment grandira-t-il ?  Que deviendra-t-il ? Sera-t-il styliste, ingénieur, boulanger, médecin, artisan, voire pire encore, dominicain mais là, seulement s'il a vu la lumière de Noël bien évidemment.  Marie et Joseph ne se doutaient vraisemblablement pas à l'époque de sa venue parmi nous que leur fils ferait une fugue à douze ans ou encore qu'il terminerait sa vie sur le bois de la croix.  Ils étaient comme tous les parents d'aujourd'hui qui ne peuvent écrire le scénario de la vie de leur enfant.  La vie n'est jamais un destin à subir mais plutôt un bonheur à acquérir, une dignité à conquérir, une destinée à accomplir.  Tout être qui vient à la vie reste un mystère pour ses proches.  Tout Dieu qui se donne à nos vies, est un mystère pour celles et ceux qui s'en approchent.  Et pour entrer dans un mystère, il ne suffit pas de le contempler mais plutôt de le vivre.  Qu'est-ce à dire ?  Vivre un mystère, c'est accepter d'entrer en relation avec l'autre qui nous a été donné.  Lorsque ce dernier est d'ordre divin, nous découvrons tout tendrement que la foi ne peut jamais se résumer à des valeurs.  Ces dernières découlent de la richesse d'une relation divine qui la précède.  Nous sommes conviés à entrer en relation avec ce Dieu bébé qui se donne à nous aujourd'hui et nous tend ses bras pour que nous le prenions dans les nôtres.  Toutes et tous, nous sommes les crèches vivantes du Fils de Dieu et nos c½urs sont la mangeoire dans laquelle il a été déposé.  Pour entrer dans ce mystère, il nous suffit donc de fermer les yeux et de découvrir cet être divin qui vit au plus profond de notre être.  Il nous attend.  Il nous accueille.  Mieux encore, il a besoin de nous.  Il ne peut se passer de nous, comme tout bébé d'ailleurs.  Par la tendresse de nos yeux, dans la douceur de nos mots, partons à la rencontre de ce Dieu qui s'est fait un jour homme pour qu'à notre tour nous puissions partager la vie divine.  La fête de Noël, n'est donc jamais un dû auquel nous avons droit.  La fête de Noël est un don que nous sommes conviés d'accueillir, comme de véritables théodores.  Et lorsque nous nous laissons illuminés par le mystère de l'incarnation, nous devenons des porteurs de Dieu, c'est-à-dire des théophores.   Théodores et théophores, voilà ce que nous advenons en cette Nuit de Noël.
Amen