Desmond Tutu, évêque anglican sud-africain et prix Nobel de la paix, raconte l'histoire suivante : « le soir de Noël, Joseph supplie l'aubergiste : s'il vous plaît, je vous en prie aidez-moi s'il vous plaît. Ma femme va accoucher. Ce à quoi l'aubergiste répond : désolé, mais ce n'est pas de ma faute. Joseph reprend alors la parole et dit : ce n'est pas de la mienne non plus ». Et dans la vidéo circulant actuellement sur internet, on peut voir Desmond Tutu s'esclaffant et heureux de sa blague. Il est heureux comme nous le sommes également lorsque nous prenons conscience que l'aubergiste a bien fait de refuser l'entrée à Marie. Ce refus obligera la jeune femme à donner naissance à l'enfant Dieu dans une crèche. En ce sens, la fête de Noël devient pour chacune et chacun d'entre nous une synecdoque ou en d'autres termes, une espèce de métonymie. Il paraît que dans certains pays, il est important que le prédicateur utilise des mots compliqués pour que l'assemblée se réjouisse d'avoir devant elle quelqu'un d'intelligent. Je vous dis cela bien évidemment en toute humilité. Alors permettez-moi de jouer à ce petit jeu pendant quelques instants encore en insistant sur le fait que l'événement survenu à la crèche est bien une synecdoque. La synecdoque est une forme de langage consistant à nommer la partie pour désigner le tout. Prenons l'un ou l'autre exemple. Nous parlons d'un trois-mâts pour décrire un navire. Dans cette assemblée ce matin, il y a quelques nouveaux visages, c'est-à-dire de nouvelles personnes. Et il en va de même avec la crèche. En vieux français, la crèche était une mangeoire pour bestiaux mais au fil des siècles, elle est devenue un lieu, la pièce toute entière. Cette nuit, le Christ a été déposé dans une crèche. Sa couche est la crèche de la crèche. L'histoire que nous célébrons en ce jour est à ce point merveilleuse qu'il est normal que le premier endroit où le Fils de Dieu se soit reposé, est devenu le nom du lieu à proprement parlé. La divinité de Jésus emplit tout l'espace et nous ne pouvons que nous en réjouir. En effet, « le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire », nous dit saint Jean. Ainsi, dans l'événement de Noël, le Ciel s'est établi sur notre terre. La gloire divine s'est installée auprès de nous, au-dedans de nous. Dieu est né à son humanité entière. Il s'est donné à nous et comme le souligne l'écrivain-philosophe contemporain Eric-Emmanuel Schmitt : « Ce que tu donnes est à toi pour toujours, ce que tu gardes est perdu à jamais ». Dieu se donne à nous pour que nous soyons à jamais à Lui. Il semble ne vouloir perdre aucun d'entre nous. Alors il a choisi de venir parmi nous pour nous faire découvrir la gloire dont il aime se vêtir. Il n'est pas venu à nous avec trompettes et fanfares. Ce serait même plutôt le contraire. La gloire de Dieu s'offre à nous dans la fragilité d'un nouveau né. Sa puissance se réalise dans le fait qu'il accepte que nous le portions en nous. Dans la crèche de sa crèche, l'enfant-Dieu nous tend ses mains comme si dans son gazouillis, il cherchait à nous susurrer au creux de notre c½ur : « j'ai besoin de vous. Je ne peux pas me passer de vous. Sans vous, je n'y arriverai pas. Prenez-moi avec vous ». Et voilà que cette musique-là se met à emplir notre être tout entier. Nous laissons, nous aussi, tout l'espace à Dieu au-dedans de nous. Il s'est fait l'un des nôtres pour que nous partagions pleinement cette dimension divine qui sommeille en chacune et chacun de nous. Dieu s'est incarné, il y a un peu plus de deux mille années, parce qu'il avait souhaité pouvoir se dévoiler à nous dans la fragilité, la candeur, l'innocence de la vie. Depuis cette fameuse nuit où une étoile a brillé d'une lumière plus forte encore, la puissance de Dieu s'est donnée à nous dans un nouveau né, dans un être qui ne peut encore se dire et se raconter mais qui peut se laisser regarder pour mieux nous attendrir. Noël devient alors une invitation à nous laisser aller à un chemin de retournement intérieur pour que Dieu puisse prendre en nous toute sa place et ne plus faire qu'un avec nous. Dieu a pris le chemin de l'être humain pour que nous puissions à notre tour prendre celui de Dieu. Serait-ce absurde d'oser prétendre que la vocation de tout être humain est de devenir une synecdoque de Dieu ? Je ne le pense pas et j'oserais même aller jusqu'à affirmer que l'événement de Noël est cette occasion unique où le Verbe s'est fait chair pour qu'un jour l'humanité tout entière soit la crèche accomplie de sa divinité. En attendant ce jour, laissons à Dieu l'occasion de nous envahir pour que nous soyons à jamais pétris de sa présence et donnons lui en retour la possibilité de permettre à Marie de venir déposer en chacune et chacun de nous l'enfant-Dieu. Notre c½ur deviendra ainsi une nouvelle crèche et si nous laissons cette vie divine emplir tout notre être, nous deviendrons à notre tour crèche de la crèche. Que l'étoile de Noël brille avec surabondance et nous montre la route divine de la Vie. Joyeux Noël.
Amen