Saint Jean-Baptiste ordinaire, année Aucune

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Le mois de juin de chaque année est un moment très dense pour toute une partie de la population de notre pays. Les jeunes générations sont touchées par ce phénomène puisqu'il s'agit du temps des examens. D'ici quelques jours, certains se réjouiront de leur période de vacances alors que d'autres se remettront à étudier. Quand nous sommes de l'autre côté de la barrière, comme professeurs, nous entendons parfois quelques belles petites perles. Je me permets de vous en livrer une qui m'a été offerte durant cette session-ci lorsqu'une étudiante présenta son travail en éthique à l'occasion de son examen. A un moment donné, elle affirma que le plus bel exemple du pardon se trouve dans l'évangile lorsque « Jésus sauva cette jeune musulmane de la lapidation ». Je me permis de l'interrompre et de lui demander : « êtes-vous bien certaine que c'est une jeune musulmane que Jésus sauva de la lapidation ? » Etonnée de mon propre étonnement, elle me répondit par l'affirmative tout en s'étonnant elle-même de ma question. Je lui ai demandé comment Jésus avait-il pu sauver une jeune musulmane alors que l'islam est une religion qui a été fondée six siècles après Jésus-Christ ? Une fois encore, étonnée de mon propos, elle me dit : « vous êtes sûr de ce que vous dites parce que c'est mon papa qui m'a donné cet exemple et lui, il a fait son catéchisme ». L'argument de l'autorité paternelle mit fin à la discussion sur ce point et me laissa tout surpris, tout étonné de tant de crédulité et également, pour être honnête, d'un certain manque de culture générale.

L'étonnement n'est d'ailleurs pas quelque chose d'anodin. Il fait partie de nos existences. Et il est bon de pouvoir s'étonner de temps à autre sinon la vie ne serait qu'une succession de séquences prévisibles. L'étonnement peut nous mettre du baume au c½ur, de la joie profonde en nous lorsque nous sommes confrontés à des situations merveilleuses telle qu'une surprise, la beauté d'un lieu, l'inattendu d'une rencontre ou d'une situation et que sais-je encore. L'étonnement donne une autre couleur à la vie, un peu comme une suite de notes sur une portée dont on changerait de temps à autre la clé de sol en clé de fa ou en clé d'ut pour offrir une tonalité différente. L'étonnement crée d'une certaine manière une forme de scission dans le lot de notre quotidien. Il peut s'agir d'un éclair ou d'une lumière nouvelle. Il s'inscrit dans notre histoire subitement, sans que l'on puisse s'y attendre. Il y a toutefois lieu de reconnaître que nous pouvons aussi faire l'expérience d'étonnements moins heureux lorsque le cours normal de l'existence est traversé par une rupture douloureuse telle que la confrontation à l'injustice de la maladie, la perte d'un être cher, un changement subit de situation professionnelle, une remise en question difficile. Il n'y ici plus de place pour l'émerveillement et les réjouissances. Nous sommes confrontés à la découverte pénible que notre vie ne suit pas le cours normal que nous avions espéré. Notre musique intérieure ne sonne plus juste, voire pire la mélodie nous semble tout à fait fausse. Nous risquons alors de nous enfermer dans une spirale dont nous pouvons avoir l'impression qu'il est quasi impossible de nous libérer tellement nous nous sentons liés à la situation nouvelle qui ne fait plus qu'un avec nous. Pourtant les forces de vies en nous nous convient à chercher, à l'instar de Zacharie dans l'évangile entendu, à nous délier de ce qui nous emprisonne, à trouver en nous la voie qui nous permettra non pas de donner sens à l'insensé mais de chercher à comment vivre autrement notre propre existence, c'est-à-dire à permettre à ce qu'une fleur puisse à nouveau éclore au plus profond de nos entrailles. Nous sommes face à la question existentielle du « que sera donc cet enfant ? » ou en d'autres termes « qui vais-je devenir ? » ou « comment advenir à l'être que je suis devenu ? ». Le destin étonnant qui nous a frappé a transformé la poursuite de notre destinée. Il n'y a pas de réponse toute faite, juste une espérance qui prend le temps de se découvrir. Pour ce faire, nous sommes invités, comme Jean le Baptiste, à entrer dans notre désert intérieur : un désert non pas vide et voué à une vaine solitude mais un désert rempli de tout ce qui a fait la richesse et la beauté de notre être, un désert plein de la présence divine se révélant dans la tendresse de celles et ceux qui croisent notre route, un désert qui nous permettra peut-être un jour d'être à nouveau étonnés mais cette fois étonnés de Dieu dans le regard d'amour de nos proches. Et cet étonnement-là, nous remettra sur le chemin de notre vie.

Amen