Saint Pierre et Saint Paul

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2002-2003

Dans le film Good Will Hunting datant de quelques années déjà, il y a une scène que je voudrais vous résumer. Il s'agit de celle où Robin Williams jouant le rôle de psychologue emmène avec lui dans un parc Matt Damon, jeune rebelle sur-doué et dévoreur de livres. Par son intelligence, ce jeune comprend tout ce qu'il lit et dispose d'une mémoire extraordinaire. Il comprend rationnellement mais non pas émotionnellement. Dans ce fameux parc, Robin Williams lui rappelle qu'il a sans doute les compétences intellectuelles pour décrire la peinture du plafond de la Chapelle Sixtine, mais que tant qu'il n'y est pas allé lui-même, il ne pourra jamais décrire ce que cela fait d'être debout dans cette chapelle et de prendre le temps de regarder l'½uvre de Michel-Ange. Puis, il lui dit : tu peux croire que parce que j'ai lu de nombreux livres de psychologie, je peux te comprendre. Mais là est ton erreur. Je ne pourrai te comprendre qu'à partir du moment où tu te mets à dire qui tu es, à te raconter.

Et c'est ce que nous faisons toutes et tous dans la vie. Tant que nous ne disons rien de nous, les autres peuvent juste imaginer, souvent à tort d'ailleurs, qui nous sommes. Par contre, lorsque nous nous mettons à parler de nous, alors effectivement, par ce dévoilement, l'autre peut apprendre à me connaître, voire même à m'apprécier. Toutes et tous, nous avons une histoire et n'est-ce pas le propre de toute histoire de se raconter ? Ce besoin est en nous.

Lorsque l'un ou l'une d'entre nous ne peut plus se raconter, il y a une rupture qui s'installe en la personne car je n'ai plus personne à qui me dire. Temps de déprime, temps de solitude car la vie nous impose quelque chose qui va à l'encontre même de notre définition d'être humain. Chaque être est un être narratif, c'est-à-dire un être qui est invité à se laisser raconter, à se laisser dire parce qu'il prend conscience que son histoire est unique, merveilleuse quelque part même si certaines pages sont entachées d'une encre peut-être parfois un peu trop sombre à ses yeux. Pourtant, elles font également partie du livre de la vie. Et voilà qu'aujourd'hui, Jésus se met à nous surprendre. En effet, il ne désire pas se raconter, se dire. Cela semble étonnant.

Peut-être ne le peut-il pas parce que Dieu d'une certaine manière ne se dit pas. Lui, ne se dit pas mais il se laisse cependant découvrir d'une manière très surprenante. A chacune et chacun de nous, il adresse cette fameuse question : " et vous, qui dites-vous que je suis ? ". Et il attend notre réponse. Jésus n'a pas besoin que nous ayons lu des livres entier sur lui, que nous ayons fait des années d'étude pour dire qui il est. Il ne nous demande pas de nous situer par rapport à tout ce qu'il a fait lors de son passage sur terre. En effet, ses mots ne sont pas " et pour vous, que dites-vous que j'ai fait ? " Sa question est de l'ordre non du faire mais bien de l'être. Pour vous qui suis-je ?

Certains le reconnaissent comme Fils de Dieu, d'autres comme un être humain extraordinaire qui avait compris le sens du projet de Dieu sur son humanité, d'autres encore comme un homme ayant une grande éthique. Les définitions sont évidemment nombreuses et il n'est pas possible de les lister toutes. C'est non seulement impossible mais en plus non nécessaire. Puisque le Christ attend notre réponse personnelle.

C'est donc à chacune et chacun d'entre nous d'y répondre dans notre for intérieur. Et sans s'inquiéter de la justesse de nos propos. Si les disciples qui étaient les intimes de Jésus ont mis tant d'années à le reconnaître comme étant vraiment Dieu, je pense que celui-ci peut également accepter certaines de nos hésitations. Dieu nous prend là où nous sommes sur notre chemin, il attend de nous que nous soyons vrais dans ce que avons à lui dire. Notre réponse variera ou a sans doute varié au cours de nos existences respectives et c'est normal puisque la réponse dépend de la relation que nous avons établie avec lui. Et dans cette relation, nous avançons chacune et chacun à notre rythme. Mais, c'est en elle, que nous trouverons les mots nécessaires pour le dire. Il ne me reste alors qu'à nous laisser avec cette question " Et vous, qui dites vous que je suis ? " et nous donner le temps de lui répondre.

Amen.