« LA FAMILLE, LIEU PREMIER D'HUMANISATION » (Jean-Paul II)
Marc avait commencé son Evangile par le baptême lorsque Jésus recevait sa vocation. Matthieu, lui, fait précéder son récit par « l'évangile de l'enfance » où il souligne l'importance de la mission de Joseph. Comme son ancêtre du même nom (le fils de Jacob, qui avait été vendu par ses frères), Joseph interprète les messages de Dieu (les songes) et il nourrit le Sauveur de son peuple, le Messie. Chacun des 5 épisodes de ces deux chapitres se conclut : « ainsi s'accomplit... » afin de convaincre que Dieu conduit l'histoire pour ceux qui savent l'écouter (les songes). Mystérieusement les événements correspondent à des oracles rapportés dans les Ecritures et montrent de la sorte que Jésus est bien le Messie attendu.
Déjà pointe ce qui arrivera par la suite : tandis que le Messie est reconnu et vénéré par les païens (les mages), il est poursuivi, menacé de mort par les autorités de son peuple.
DESCENTE EN EGYPTE
Après le départ des mages, l'ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu'à ce que je t'avertisse, car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr ». Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l'enfant et sa mère, et se retira en Égypte, où il resta jusqu'à la mort d'Hérode.
Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète : « D'Égypte, j'ai appelé mon fils ».
L'apparition du Messie qui a immédiatement attiré la venue d'étrangers adorateurs (les mages) suscite l'inquiétude, la colère, la rage du roi Hérode qui soupçonne dans ce nouveau-né un concurrent pour sa couronne. Joseph prie, demande à Dieu quelle conduite adopter : dans la nuit de la foi (en songe), il reçoit l'ordre de descendre en Egypte car il lui faut impérieusement sauver « l'enfant et sa mère ». Plus tard, après la disparition du tyran, il pourra remonter au pays.
Matthieu nous rappelle que jadis Jacob et ses fils étaient descendus en Egypte et que Joseph (qu'ils avaient jadis vendu) leur avait sauvé la vie en leur donnant du blé. Plus tard, leurs descendants hébreux devenus esclaves du Pharaon avaient pu, grâce à Moïse, être libérés et Dieu avait dit : « D'Egypte j'ai appelé mon fils » c.à.d. Israël. Le lecteur de Matthieu comprend que l'histoire ancienne était prémonitoire : Jésus est le véritable Israël, l'authentique « Fils de Dieu », parfaitement fidèle à son Père, qui est libéré de l'exil, aujourd'hui celui de l'Egypte, plus tard celui de la mort.
Ainsi tout père de famille doit être attentif aux dangers qui menacent la foi : qu'il écoute ce que Dieu lui souffle dans la nuit et qu'il protège Jésus et sa mère, Jésus et son Eglise qui le porte.
MASSACRE DES INNOCENTS
Les mages étrangers qui étaient venus rendre hommage à un enfant qui serait, dit-on, le futur roi d'Israël sont repartis chez eux sans prévenir Hérode. Celui-ci est fou de rage.
Alors Hérode, voyant que les mages l'avaient trompé, entra dans une violente fureur. Il envoya tuer tous les enfants de moins de deux ans à Bethléem et dans toute la région, d'après la date qu'il s'était fait préciser par les mages. Alors s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète Jérémie : « Un cri s'élève dans Rama, des pleurs et une longue plainte : c'est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas qu'on la console, car ils ne sont plus ».
Puisqu'on ignore qui et où est cet enfant, qu'on supprime tous les derniers nés (il ne devait pas y en avoir tellement dans ce coin perdu). Matthieu imagine la douleur, les cris, les larmes des mères : cette scène atroce lui rappelle un oracle du prophète Jérémie qui évoquait la détresse de Rachel, l'épouse du patriarche Jacob, lorsque sa descendance avait été écrasée, tuée ou envoyée en déportation.
Et en même temps, Matthieu s'adresse à ses lecteurs chrétiens dont beaucoup souffrent de persécutions, sont arrêtés, condamnés, exécutés et il essaie de les consoler. Jadis les armées d'Assyrie puis de Babylone ont écrasé les pauvres d'Israël ; de même Hérode a tué « les saints innocents » ; et aujourd'hui encore, pour le simple fait que l'on est disciple de Jésus, on est poursuivi, frappé, mis à mort. Rappelez-vous, dit Matthieu, comment continuait l'oracle du prophète : « Rachel pleure sur ses enfants...mais ainsi parle le Seigneur : Assez plus de larmes ! Ils reviennent des pays ennemis. Ton avenir est plein d'espérance, tes enfants reviennent dans leur patrie ». (Jér 31, 15-17)
Ya-t-il douleur plus atroce que celle d'une mère qui voit son petit enfant assassiné ?...
Plus tard, c'est Marie qui verra son fils unique exécuté d'une manière épouvantable par les grands prêtres même de son peuple. Sa douleur était indescriptible : « son avenir était plein d'espérance ».
Il est dangereux d'être ami de Jésus : ses disciples sont souvent conduits à la croix. Mais celle-ci est « porte d'espérance ».
INSTALLATION EN GALILEE
Après la mort d'Hérode, l'ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte et lui dit :
« Lève-toi ; prends l'enfant et sa mère, et reviens au pays d'Israël, car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant ». Joseph se leva, prit l'enfant et sa mère, et rentra au pays d'Israël. Mais, apprenant qu'Arkélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s'y rendre. Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth.
Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par les prophètes : « Il sera appelé Nazôréen ».
A nouveau c'est dans l'écoute de la voix de la nuit que Joseph apprend la conduite à tenir afin de préserver « l'enfant et sa mère », Jésus et Marie ensemble : c'est bien en terre d'Israël que le Messie doit grandir, c'est dans les coutumes de son peuple qu'il doit être élevé. Né en Judée, il demeurera dans la partie nord, la province de Galilée, dans le modeste village de Nazareth.
Matthieu y voit l'accomplissement d'une prophétie qui étonne tous les commentateurs car on ne trouve cet oracle nulle part dans les Ecritures et un habitant de Nazareth est appelé « un Nazaréen ». Le nom reviendra à la fin de l'évangile (26, 71) et dans les Actes des Apôtres (2, 22 ; 3, 6...) où les chrétiens seront appelés « la secte des Nazôréens » (24, 5)