Sainte Famille, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Rien ne distinguait ce couple ordinaire qui traversait l'immense esplanade du temple de Jérusalem grouillante de monde : Joseph et Marie étaient montés de Galilée afin d'accomplir deux rites ordonnés par la Loi.

LITURGIE DE NAISSANCE

D'abord le rite de purification de la maman. Certes enfanter, loin d'être un péché, est une grande bénédiction mais comme il y a eu épanchement de sang, un sacrifice doit restituer la pureté rituelle. " Lorsque s'achève le temps de sa purification (40 jours), elle amène au prêtre un agneau et une tourterelle...Si elle n'arrive pas à se procurer un agneau, elle prend deux tourterelles" ( Lévitique 12 ). Joseph et Marie manquent de ressources : ils doivent se contenter de l'offrande des pauvres.

L'autre rite est beaucoup plus important : il s'agit de la loi du rachat des premiers-nés. Dieu étant le créateur de la vie, toute première éclosion de vie lui appartient ; l'homme doit donc lui offrir les prémices de ses récoltes ainsi que les premiers-nés des animaux ; mais pour les enfants, il est strictement interdit de les sacrifier : ils sont "consacrés" à Dieu

"Le Seigneur dit : Consacre-moi tout premier-né ouvrant le sein maternel...C'est à moi...Tu feras passer au Seigneur tout ce qui ouvre le sein maternel...Les mâles sont au Seigneur...Tout premier-né d'homme, parmi tes fils, tu le rachèteras"( Exode 13, 1 ; 13, 11-16 ; ...)

Ces rites religieux paraissent incompréhensibles aujourd'hui dans une société sécularisée où le lien avec Dieu est distendu sinon nié. Les couples disent "qu'ils font un enfant", au moment où ils le désirent, commençant à désirer un enfant "formaté" à leur gré, décidant de le garder ou non. L'enfant ne devient-il pas "un droit", une propriété ?...

Pour les Anciens, la vie était sacrée, l'enfant d'abord un cadeau de Dieu à demander et accueillir avec respect. Symboliquement on offrait à Dieu un sacrifice pour concrétiser cette conviction : notre fils est à l'image de Dieu, le Seigneur nous le confie, il le place sous notre garde. A nous de préserver cette image, de l'élever dans cette foi, de le rendre conscient de ce privilège, de l'assurer de sa grandeur. A nous, parents, de ne pas nous croire propriétaires : l'enfant n'est jamais une chose mais un sujet, un don de Dieu.

Remarque essentielle : Joseph et Marie ont obéi aux lois rituelles, mais Luc parle de "présentation" et non du "rachat" de l'enfant. Jésus est tout de Dieu et tout de l'homme : Dieu l'a offert à Marie à l'Annonciation. Il est saint. Et au contraire c'est lui qui, plus tard, servira d'agneau offert pour racheter les hommes de l'esclavage du péché.

IGNORE PAR LE PRETRE ET RECONNU PAR LE PROPHETE.

Les rites ont été effectués selon les règles mais, si le prêtre de service n'a vu en Jésus qu'un enfant comme les autres, un laïc va reconnaître le Messie attendu.

Il s'appelle Syméon ("l'écoutant") ; il est juste (càd. appliqué à réaliser les volontés de Dieu, "ajusté" au Dessein de Dieu,) ; religieux ( càd. pieux, observant rites et prières) ; il attend la Consolation d'Israël (manière, inspirée d'Isaïe 40, de désigner le salut : c'est un homme d'espérance) ; et l'Esprit-Saint était sur lui ( comme les prophètes, Syméon est guidé par le Souffle de Dieu, il est inspiré, il reçoit des lumières d'En Haut)

"L'Esprit-Saint lui avait révélé qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Messie du Seigneur. Or, poussé par l'Esprit, Syméon vint au temple. Les parents y entraient avec l'enfant Jésus pour accomplir les rites de la Loi"

LA RENCONTRE - LE CANTIQUE DE SYMEON

Syméon prit l'enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant :
-  Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix, selon ta parole. Car les yeux ont vu ton salut que tu as préparé à la face de tous les peuples : Lumière pour éclairer les nations païennes et Gloire d'Israël ton peuple".

Sans doute a-t-il un certain âge, cet homme mais, sous l'inspiration de l'Esprit, il est comblé : l'espérance que lui ont transmises les Ecritures n'a pas menti. Oui, enfin, après une si longue attente, le Royaume de Dieu va survenir, le salut s'effectuer, et ce salut est déjà présent, il le tient dans ses bras. Le salut n'est pas l'espoir d'une société parfaite mais UNE PERSONNE : Iéhoshouah, en hébreu, signifie "DIEU SAUVE, "SAUVEUR". Mais Syméon, en outre, complète la révélation reçue par Marie à l'Annonciation : son fils sera Gloire d'Israël mais aussi salut pour tous les peuples, lumière pour les païens ! En Jésus, le salut est offert au monde, destiné à réaliser l'unité du monde en Dieu.

ORACLE DE SOUFFRANCES : UN MESSIE CONTESTÉ

Mais à cette joyeuse nouvelle, Syméon ajoute une mystérieuse et douloureuse prédiction :

Syméon les bénit puis il dit à Marie sa mère : "Vois, ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division - Et toi-même, ton c½ur sera transpercé par une épée - Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d'un grand nombre".

L'ange Gabriel avait annoncé un roi glorieux : à présent Marie apprend que Jésus ne s'imposera pas comme une évidence, comme un despote. Le Messie se présentera à la liberté des hommes, on sera pour ou contre lui : l'option dévoilera la droiture ou le mal des c½urs. Cette contestation, ce rejet sera source d'immenses souffrances auxquelles Marie participera : son c½ur sera déchiré de constater que son peuple, en majorité, ne reconnaît pas son Messie, alors que des païens, eux, le découvriront avec émerveillement.

UNE FEMME PROPHETESSE.

A l'homme Syméon, Luc joint une femme : Anne apparaît comme le modèle des pauvres veuves :

"Elle ne s'éloignait pas du temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière...Elle proclamait les louanges de Dieu et parlait de l'enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem"

Le service de Dieu, dans la prière continuelle et la pénitence, ouvre le c½ur à l'Esprit et permet d'accueillir la venue du Messie. Cette reconnaissance éveille la joie de partager la Bonne Nouvelle. La femme précède l'homme Syméon dans l'urgence missionnaire.

"Lorsqu'ils eurent accomplis tout ce que prescrivait la Loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. L'enfant grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui".

Telle fut la première entrée de Jésus, le Fils, dans le Temple. Préfiguration des événements futurs : Jésus reviendra au Temple, tentera en vain de s'y faire reconnaître. Les grands prêtres le méconnaîtront et le rejetteront. La croix sera le sacrifice définitif de l'Agneau qui permettra le "rachat", la libération, "le relèvement" des disciples. Jésus mort et ressuscité sera bien "la gloire d'Israël" mais ce sont les pauvres en esprit et les païens qui s'ouvriront à sa Lumière. 40 jours après sa Résurrection, Jésus entrera dans le Temple céleste de son Père, y entraînant les pauvres en esprit de toutes les nations.