Fête de la Sainte Famille : le 31 décembre 2006
Il faut quand même le faire. Je ne crois pas qu'il y ait de meilleure expression pour décrire cette situation. Il faut quand même le faire d'arriver à perdre son enfant pendant trois jours. A la première lecture de l'évangile que nous venons d'entendre, nous pourrions nous dire que Marie et Joseph ne sont pas des parents qui se soucient beaucoup du sort de leur progéniture pour ainsi être capable de le perdre. Dans cette perspective, je me risquerais même à dire qu'ils ne sont certainement pas un modèle à suivre. Perdre son enfant est déjà un scandale mais qui ce dernier s'aggrave encore lorsque l'enfant est l'enfant-Dieu. Ils auraient quand même pu faire un peu plus attention. Bon sang. Oser perdre Dieu. Vous imaginez ! Mais en y réfléchissant à deux fois, Marie et Joseph sont-ils si différents de nous ? Ne sommes-nous pas, nous aussi, des êtres humains à qui ils arrivent parfois de perdre Dieu. Pris par le brouhaha de la vie, par une certaine force de lassitudes, par le vacarme des soucis ou encore par une fatigue due à une overdose de travail, ne perdons-nous pas un peu de cette divinité qui inhabite au plus profond de chacune et chacun d'entre nous ? Ou pour le dire autrement, où est Dieu lorsque nous déclinons notre identité ? Suis-je d'abord croyant puis belge puis francophone puis je cite ma profession, mon statut social j'en passe et des meilleures ou bien est-ce que je me décline en parlant d'abord de ma profession, de tout ce que j'ai entrepris et réussi, de ma famille et parfois, mais très rarement je m'autorise à dire que je suis croyant ? Ne risquons nous pas de perdre parfois Dieu dans le tourbillon de nos existences. Il est vrai que l'expérience d'une épreuve qu'elle soit physique ou morale nous donne souvent l'occasion de remettre de l'ordre dans nos priorités pour découvrir ou redécouvrir que l'essentiel voire l'existentiel se vit dans ce que le Christ nous propose. Alors effectivement, il peut nous arriver de perdre Dieu lorsque nous sommes pris dans la folie de notre quotidien et voilà que l'évangile nous invite à nous arrêter pour partir à la recherche de ce Dieu d'amour qui sommeille en nous. Il suffit d'une toute petite étincelle de tendresse pour le réveiller. Un peu comme si les lectures du jour nous invitaient à ne plus perdre Dieu mais plutôt à nous perdre en lui. Telle serait notre destinée : accepter de nous perdre en Dieu tellement son amour est immense, son pardon démesuré. Y a-t-il plus belle espérance que celle-là : pouvoir se perdre à jamais en Dieu car ayant pris conscience de l'avoir perdu de temps à autre, nous sommes heureux de revenir à ce qui donne le sens de nos existences. Oser se perdre en Dieu, c'est redécouvrir que l'essentiel se vit dans le c½ur. Tout comme Marie dans l'événement relaté dans l'évangile qui retenait tous ces événements dans son c½ur. N'est-il d'ailleurs pas étonnant de constater que Marie est l'anagramme du verbe « aimer ». Marie et aimer : cinq lettres qui se veulent synonymes dans l'amour. Marie, la mère de l'enfant-Dieu, est donc bien celle qui a tout donné et vécu dans son c½ur. Elle avait choisi d'écrire sa vie avec cette encre d'amour. Se perdre en Dieu, c'est accepter alors de devenir des philographes de nos existences, c'est-à-dire des hommes et des femmes qui acceptent dorénavant de n'écrire leurs vies qu'avec une encre étincelante de douceur, lumineuse de bonté. La philographie, c'est la calligraphie du c½ur lorsque nos visages rayonnent de tout ce que nous avons gardé de merveilleux au plus profond de nous-mêmes. La philographie est un art offert à tout être humain de par sa simple condition d'être humain. Elle n'est pas l'apanage de quelques uns. Toutes et tous, nous sommes conviés à devenir des philographes, c'est-à-dire des femmes et des hommes qui sont prêts à marcher sur la route de leurs destinées ayant pour seul et unique objectif de se perdre mais se perdre en Dieu car ils ont acquis cette conviction intime que tout se qui se vit dans l'amour, se grave à jamais dans le c½ur des êtres aimés et aimants. Alors, ne regardons plus en arrière même s'il nous est parfois arrivé, à nous aussi, de perdre Dieu. Déclinons nos identités en osant affirmer avec force cette foi en ce Dieu qui inhabite en nous. Nous rayonnerons alors de cette part divine parce que nous serons devenus les véritables philographes de nos existences. En ce temps de Noël, qu'aimer devienne pour chacune et chacun d'entre nous l'anagramme virtuel de chacun de nos prénoms.
Amen.