TOUSSAINT : Quel dommage que ce nom évoque l'âcreté des chrysanthèmes, le crissement des pas dans les allées de cimetière, le brouillard et les feuilles mortes. L'ambiance des romans de Simenon. Une odeur de désespoir, de mort. Alors que "TOUS-LES-SAINTS" est la fête de la victoire de la VIE !
L'actualité sanglante nous le rappelle chaque jour : l'humanité gémit sous les griffes de la souffrance, pleure ses échecs continuels, semble se débattre dans l'absurde avant de glisser vers l'anéantissement inexorable. Or la TOUSSAINT proclame que cette impression est fausse. Si les hommes se détestent, font des guerres, semblent irrémédiablement perdus, malgré tout Dieu parvient à rendre VIE aux cadavres. Et si l'Eglise du Christ semble succomber au mal tout-puissant, si même en son sein les scandales éclatent, Dieu parvient à conduire des hommes à leur accomplissement : LA SAINTETE.
LA SAINTETE EST LA VOCATION DE CHAQUE HOMME
Dans notre Eglise catholique, le mot SAINT est malheureusement réservé à des héros intrépides, des champions en exploits ascétiques et mystiques tellement extraordinaires qu'ils apparaissent comme des êtres d'une autre espèce que nous, inimitables.
Les premiers chrétiens s'appelaient "frères" ou "saints" selon le qualificatif biblique qui veut dire "séparé", "autre". En se convertissant à la foi nouvelle, les baptisés s'engageaient à changer de comportement, à adopter le mode de vie tel qu'il était prescrit et détaillé dans les Ecritures : dans l'Ancien Testament où YHWH avait ordonné à tous les croyants " Soyez saints car Je suis Saint", et dans le Nouveau Testament où Jésus avait radicalisé ces mêmes exigences.
Saint PAUL, dès sa 1ère lettre, écrivait : " La volonté de Dieu, c'est que vous viviez dans la sainteté" ( 1 Thess 4, 3).
Dans toutes ses lettres, il exprimait des reproches et des remarques sévères à ses communautés : tout n'était pas parfait, la charité manquait souvent, il y avait du laisser-aller. Mais cela n'empêchait pas Paul de considérer ses frères et s½urs comme des SAINT(E)S.
Ce qui signifie donc que la SAINTETE est un DON reçu et une TÂCHE à accomplir. Le chrétien, par son baptême, EST saint - par sa vie, ses décisions, sa fidélité, il DEVIENT saint. "Beaucoup sont appelés mais peu sont élus" disait l'Evangile...néanmoins le livre de l'Apocalypse rapporte une vision splendide de Jean pour alimenter notre espérance en ce jour : "J'ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues.Ils se tiennent debout devant le Trône de Dieu et devant l'Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main.
Et ils proclament d'une voix forte :" Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l'Agneau" Un des Anciens dit : " Tous ces gens vêtus de blanc qui sont-ils et d'où viennent-ils ?...Ils viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs vêtements, ils les ont purifiés dans le sang de l'Agneau" ( chap. 7 - 1ère lecture)
La sainteté n'est donc pas réservée à un peuple, à une classe, à des initiés... : elle peut naître et se vivre en tout pays, à toute époque. Elle permet le dépassement de tout racisme, de tout préjugé de classe ; elle crée la communion finale de l'humanité enfin UNE.
La Sainteté met l'homme DEBOUT, fier, droit. Il n'est plus courbé sous le poids des maladies, déformé par les handicaps, soumis à des contraintes, enchaîné par l'esclavage. La sainteté est la fin de l'aliénation : elle est libération.
Alors l'humain n'est plus dévêtu par la honte, gêné par sa misère, souillé par le péché : il est (symboliquement) HABILLE DE BLANC, il rayonne de la Gloire de son Dieu.
Et tous agitent des palmes en signe d'allégresse, ils expriment leur bonheur infini, leur joie inaltérable en acclamant leur DIEU et son FILS, l'AGNEAU IMMOLE ET DEBOUT, Jésus le Christ, qui a donné sa vie sur la croix, le Sauveur qui a versé son sang afin de leur offrir à tous le pardon. Le ciel est folle JOIE parce que partagée, commune. Aucun orgueil, aucune vanité n'est possible : nul ne se targue d'avoir réussi sa vie, nul ne se vante de ses perfections, nul ne dénombre ses propres qualités ou ses mérites, nul ne se juge supérieur aux autres.
Tous, à égalité, dans l'humilité, chantent Dieu et son Fils Jésus dont ils ont tout reçu. "LE SALUT EST DONNE".
Mais cet aboutissement de l'humanité n'est pas automatique : "ILS VIENNENT DE LA GRANDE EPREUVE".
Ces femmes et ces hommes, au long de leur vie terrestre, ont été soumis, comme nous, aux tentations, ils ont dû renoncer à eux-mêmes, suivre le Christ, porter leur croix, souffrir pour lui. Au lieu d'écouter les refrains mensongers de la société idolâtre, ils ont choisi de chercher le bonheur tel que Jésus l'enseignait : " Heureux les pauvres...les doux...les assoiffés de justice...les purs de c½ur...les persécutés..." (évangile du jour) Le combat est nécessaire, il peut être terrible, il dure jusqu'à la dernière seconde. Cependant, on le répète, ce ne sont pas les vertus qui sauvent mais seul le SANG DU CHRIST - donc la Miséricorde. Au ciel, il n'y a plus place que pour le chant de la reconnaissance, l'explosion de gratitude, le remerciement éperdu. "Tout est grâce" disait Thérèse de Lisieux reprenant le mot de la grande Thérèse d'Avila. "J'estime que les souffrances actuelles sont sans proportion avec la Gloire qui doit être révélée en nous" ( S.Paul aux Romains, 8).
Aurons-nous en ce jour davantage envie de nous joindre à cette foule bigarrée ? La sainteté est la réussite de la vie.