Troisième dimanche de Pâques

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 5/04/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Chez saint Luc, la résurrection est présentée en un chapitre de 3 scènes qui se déroulent le même jour, à Pâques, au premier jour de la semaine.

A L’AUBE D’abord tôt matin, les femmes, qui avaient vu mourir Jésus, viennent à la tombe avec des aromates pour oindre le corps et la découvrent vide. Deux «anges » leur annoncent qu’il est ressuscité et ils ajoutent : « Rappelez-vous que, en Galilée, il vous disait : « Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le 3ème jour, il ressuscite ». Elles se rappellent en effet ces paroles, courent alerter les apôtres qui, incrédules, tiennent leurs propos pour « du délire » !

PENDANT LA JOURNEE Ensuite Luc raconte la célèbre histoire des deux disciples qui, effondrés par la mort du maître, ont décidé de rentrer chez eux, à Emmaüs. Sur le chemin, un inconnu s’approche, entre dans leur conversation puis les enseigne : « Cœurs lents à croire tout ce qu’ont dit les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? ». Et il se met à leur expliquer dans toutes les Ecritures ce qui le concernait.

Intrigués, à l’approche du village, ils invitent l’inconnu à la maison. A table celui-ci rompt le pain, le leur donne et soudain disparaît. Bouleversés Cléophas et son ami s’écrient : « Notre cœur ne brûlait-il pas tandis qu’en chemin il nous ouvrait les Ecritures ? ». Immédiatement ils retournent à Jérusalem où les apôtres réunis leur annoncent que Jésus est bien ressuscité et qu’il est apparu à Pierre. Les deux amis racontent leur journée et comment ils ont « reconnu Jésus à la fraction du pain ». 

LE SOIR (c’est l’évangile d’aujourd’hui)

Comme ils en parlaient encore, Jésus lui-même fut présent au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ! » Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. » Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds.

Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui présentèrent une part de poisson grillé qu’il prit et mangea devant eux. Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures.

Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins.

Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut. » 

  1. LA RESURRECTION OUVRE LES ECRITURES

La découverte du Ressuscité n’est vraiment pas une chose qui va de soi et si aujourd’hui nous la chantons sans problème c’est sans doute parce que nous la voyons comme une sorte de happy end, une fin heureuse après une Passion qui n’était qu’un moment pénible à traverser. Ce n’est pas du tout ainsi que les disciples l’ont vécue : au contraire ce fut un choc immense, un bouleversement inattendu, un refus devant l’incroyable, un combat contre l’impossible.

Pourtant Jésus vivant ne multiplie pas les apparitions, n’impose pas de preuves péremptoires, ne conduit pas à des expériences mystiques éthérées : chaque fois il renvoie aux Ecritures qu’il s’agit de lire, relire, méditer.

Certes tous les disciples les connaissaient mais ils n’en retenaient que les perspectives triomphales : le Messie promis viendrait éliminer le mal, châtier les impies, rendre l’indépendance à son peuple, transfigurer la société. N’était-ce pas le rêve des apôtres qui s’étaient mis à suivre Jésus ? Simon ne devait pas être le seul à dissimuler un poignard, Jacques et Jean ambitionnaient les places d’honneur dans le grand Royaume de David et tous sans doute caressaient le même rêve qui s’était fracassé au Golgotha.

Le Ressuscité travaille à ouvrir les cœurs à une intelligence plus authentique des Ecritures : il casse la gangue qui les enfermait dans une vision mesquine et nationaliste, il révèle un Messie humble, qui vient partager la condition des pauvres, offre une espérance universelle, apporte la victoire sur le véritable ennemi de l’homme, la mort. C’est la Pâque de Jésus qui ouvre le Livre comme c’est le Livre qui introduit au mystère pascal. Le concile écrivait : « Le Nouveau Testament est caché dans l’Ancien et l’Ancien est dévoilé dans le Nouveau » (La Révélation § 5)

Les Evangiles, les Actes des Apôtres, les Lettres apostoliques montrent la prédication nouvelle que les disciples, éclairés par le mystère pascal, ont pu effectuer. Sur les ruines de leurs anciennes illusions, ils annonçaient la Bonne Nouvelle : les Ecritures étaient accomplies non comme nous l’imaginions mais de façon bien plus extraordinaire.

  1. LA RESURRECTION DEVIENT MISSION.

Le Messie ne transforme pas le monde d’un coup de baguette magique. On l’a fait taire au Golgotha : dorénavant sa voix, démultipliée par ses disciples, va retentir aux quatre coins du monde et jusqu’à la fin des temps.

« ……..la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins……… »

Pâques devient proclamation, joyeuse annonce. Les disciples font rouler les pierres derrière lesquelles les hommes meurent de solitude et ils les invitent, quels qu’ils soient, à sortir de leur résignation et à entrer dans la lumière des Ecritures. La Croix de Jésus n’est pas condamnation des coupables mais source de pardon et de miséricorde. Ses plaies sont notre Paix.

  1. L’ATTENTE DE L’ESPRIT 

Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut. »

Luc n’achève pas son Evangile par un départ en mission mais par une attente. Car l’annonce pascale ne peut s’opérer par un rayonnement personnel, le faste, le déploiement des ressources humaines, la bonne volonté, la conviction. Elle est œuvre divine, provoquée par le Souffle qui a pu relever le Fils de l’homme couché dans le tombeau.

Le carême de 40 jours nous demandait de « faire » des sacrifices : le temps pascal de 50 jours sollicite notre « attente », notre désir de l’Esprit.

La pierre a été roulée, la tombe a été ouverte et le Ressuscité est apparu.

Le Ressuscité a ouvert les Ecritures et elles sont devenues lumière.

Le temps pascal doit écarter la tonne d’excuses derrière lesquelles nous nous protégeons et le Souffle nous entraînera sur le chemin du témoignage.