Eh bien ! Ils ne manquent pas d’air, nos deux fils de Zébédée. Ils ont la chance de vivre auprès de Jésus et il leur faut les plus belles places. Entendez par cela qu’ils souhaitaient avoir les premières places à la cour royale que Jésus allait rétablir quand il aurait pris le pouvoir en Israël et imposé sa domination. Les hommes recherchent, nous recherchons toujours les plus belles places. Regardez les adolescents : ils voudraient devenir des stars de cinéma ou de la chanson, être vus et regardés et admirés. Nous, on a compris. On préfère parfois rester dans l’ombre. C’est plus prudent. Pour vivre heureux, vivons cachés, voilà ce que dit la sagesse populaire.
Et pourtant, il faut de l’ambition. Autrement, la vie est terne et, bien plus, il n’y a plus de vie, plus d’espoir, plus de projet. Mais où s’arrête l’ambition ? Faut-il agir comme ce petit caporal autrichien qui est devenu le Führer et qui a conduit le monde à sa propre destruction ? Faut-il avoir de l’ambition comme ce petit Corse qui parlait mal le français, mais qui est devenu empereur et qui a détruit l’Europe, de l’Espagne à Moscou ?
Tous, à un moment ou à un autre, on fait le bilan de ce qu’on a fait et de ce qu’on n’a pas fait. On entend parfois des femmes qui disent – et c’est vrai - avoir travaillé toute leur vie, avoir soigné leur mari et éduqué leurs enfants, et que leur reste-t-il bien souvent ? La solitude. C’est là que se pose bien souvent la question à nous, les hommes, de la véritable ambition. Est-ce gravir les échelons pour finalement se retrouver tout seul parce que nous avons tant et si bien négligé notre épouse et nos enfants qu’ils sont tous partis, nous laissant un bureau, magnifique, mais bien vide. Même chez les moines il y a de l’ambition. Regardez au début de l’histoire de l’Eglise il a fallu mettre des règles parce que les moines se faisaient de la concurrence pour savoir qui était le champion dans l’ascèse et la mortification. Il y en avait qui se vantait d’avoir chanté cent psaumes dans la même journée. Aussitôt, leur voisin cherchait à chanter cent cinquante psaumes dans le même temps. Il y en avait qui se vantaient de s’être flagellés trois fois dans la même journée. Aussitôt, leur voisin se mettait à se flageller sept fois dans la même journée. Il y a toujours et partout de la concurrence et c’est pour cela que de grands religieux ont imposé une règle, non pas pour écraser les autres, mais pour limiter cette course effrénée aux résultats ascétiques.
On a tous besoin de choses concrètes, même dans la vie spirituelle. Vous vous souvenez de toutes les querelles et disputes que l’apôtre Paul a eues avec les premiers chrétiens. Beaucoup voulaient garder toute la Loi ancienne, celle de Moïse. Parmi eux, il devait y avoir des chrétiens d’origine païenne parce qu’ils voulaient se convertir, changer de vie et vivre comme de bons chrétiens. Et ils demandaient ce qu’ils devaient faire, et on leur répondait qu’il fallait aimer Dieu et son prochain. C’est bien, mais comment être sûrs d’avoir bien aimé Dieu et son prochain ? Sur quoi pouvaient-ils se baser pour pouvoir s’évaluer ? Alors autant reprendre les bonnes vieilles règles juives. Avec elles, au moins on pouvait savoir si on était en règle ou pas. C’est la raison pour laquelle le Christ nous a donné l’Eucharistie et les sacrements parce que nous avons besoin de choses concrètes, matérielles. Dieu peut nous donner son amour directement, mais nous sommes des êtres de chair et de sang. Nous avons besoin de signes concrets.Mais quelle était l’ambition de Jésus ? Conquérir notre amour et notre amitié. Et pour cela, il avait renoncé à son confort dans le ciel où il était entouré par une myriade d’anges prêts à le servir. Pour cela, pour conquérir notre amitié, il a accepté la trahison et la mort sur la croix. Alors se pose à chacun d’entre nous quelle est notre vraie ambition, notre ambition profonde ? Et pour cela il est bon de faire ce que nous faisons maintenant : nous asseoir quelques instants avec Dieu pour retrouver le vrai sens de notre vie : être avec Lui, L’écouter, Le servir.