Saint Benoît

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 11/07/21
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2020-2021

« Ecoute le Seigneur », tel est le thème de la première lecture et de la Règle de saint Benoît.  Ecouter Dieu est la base de la sagesse et la meilleure occasion de se remplir de sa présence.  Qu’y a-t-il de plus beau en effet que de pouvoir méditer la parole de Dieu et certains passages sont d’une telle beauté qu’ils nous nourrissent continuellement. Nous avons tous chacun un passage préféré, un passage qui l’on se répète de temps en temps et qui nous sert de ligne de conduite.  C’est ce que les évêques font en choisissant une devise.  C’est ce que nous pouvons faire aussi de temps et temps : choisir un passage de l’Ecriture que nous nous répéterons, que nous ruminerons spirituellement.


Mais le danger de cette méditation personnelle, c’est qu’elle devienne individuelle et même parfois stérile.  Il n’y a rien de plus dangereux dans une famille, dans une communauté qu’une personne qui est une pure esthète et qui ne peut rien faire d’autre que de jouir de la beauté d’une peinture, d’un poème, d’une fleur.  On ne peut pas lui demander de faire la vaisselle ou de balayer le couloir.  Il faut qu’elle médite et qu’elle jouisse de la beauté de la nature.  C’est tout le contraire de la tradition bénédictine, d’après ce que j’ai pu lire et voir.  La devise bénédictine n’est pas : « prie et dors », mais « prie et travaille ».  Et c’est ce qu’ont fait des générations et des générations de bénédictins et de bénédictines. 

            Les fils et les filles de saint Benoît se sont toujours installés dans les régions les plus pauvres et les plus inhospitalières du globe.  Ils se sont installés au sommet d’une montagne, comme le mont Cassin, ou dans les marécages les plus insalubres.   Pourquoi ? Mais pour ne pas voler la terre à des paysans qui y seraient déjà installés. Et pourquoi ces paysans n’étaient pas installés dans les terres que les bénédictins ont choisies ? Mais parce que c’était des terres arides et incultes, des terres où l’homme ne pouvait pas vivre.  Et c’est là que des bénédictins se sont installés.  Ils ont drainé et asséché les marécages.  Ils ont arraché le chient-dent et les ronces pour y planter le blé et des plantes fécondes.  Et maintenant vous êtes installées ici, au cœur de Liège, dans cette ville principautaire, riche et cultivée, mais pourtant rongée par la solitude et la tristesse, et surtout rongée par l’indifférence religieuse et spirituelle.  Par notre prière, par notre prière, nous pouvons labourer cette terre, y arracher le chient-dent de l’égoïsme pour y planter le froment de la Parole de Dieu.

            C’est surtout par la prière que nous pouvons, que nous devons transformer une terre inculte en une plaine féconde.  Chaque communauté religieuse est un foyer de prières dans une ville et une source de lumière pour sa population.  Quand j’étais vicaire à Louvain-la-Neuve, je rêvais d’organiser un rallye dans la ville que les gens apprennent à découvrir où sont les multiples communautés religieuses de cette ville universitaire.  Tout le monde sait où se trouvent les cafés, les bars et les restaurants.  Mais qui sait où se trouvent les moniales et les religieuses de la ville de Liège ? Et pourtant ce sont elles, c’est nous qui apportons la lumière de la foi dans une ville et dans une région.  J’en étais à ce point de demander à mon provincial de pouvoir vivre à Charleroi, dans une maison de prières.  Car, pour sauver une ville du désespoir, il y a l’aide sociale, mais il y a aussi le secours spirituel.  Et c’est là le plus beau cadeau que nous puissions faire à tous nos frères qui ne connaissent pas Dieu.  C’est de prier Dieu pour qu’ils puissent eux aussi l’écouter, l’entendre et l’aimer pendant toute une vie.