16ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 17/07/22
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

La semaine dernière, nous relisions avec émotion cette très belle parabole du Bon Samaritain, de cet homme, cet étranger, rejeté par les juifs et qui pourtant donne tout son temps pour s’occuper d’un inconnu, un voyageur dévalisé et abandonné par des brigands.  Mais voilà qu’aujourd’hui Jésus a l’air de dire qu’il vaut rester auprès de lui plutôt que de courir rendre service aux autres.

            Il est vrai que parfois on peut s’user dans des activités aussi nombreuses que prenantes.  On en oublierait l’essentiel.  Il fut un temps où les hommes travaillaient tellement qu’ils en oubliaient leur épouse et leurs enfants.  Ils étaient plus obsédés par l’aisance financière qu’ils voulaient apporter à leurs proches qu’à la qualité de vie qu’ils pouvaient offrir par leur présence ou par leurs attentions journalières. Il n’y a rien de plus dangereux que de devenir comme un citron pressé.  On a tellement donné qu’on en est épuisé, qu’on a plus rien dans le cœur.

            Cet épisode de Marthe et Marie n’est donc pas une invitation à se réfugier près de Dieu pour ne plus rien faire.  Bien au contraire, on se souvient que la semaine dernière Jésus critiquait le prêtre et le lévite qui priaient beaucoup, mais s’éloignaient du voyageur dévalisé.  Si le Bon Samaritain s’est occupé de ce grand blessé, c’est parce qu’il avait le cœur ouvert à la souffrance humaine, d’une part à cause de son expérience personnelle, et d’autre part à cause de sa propre vie spirituelle.  Lui, comme chacun d’entre nous, nous savons que Dieu est présent dans chacun de nos frères et que la détresse des  uns exprime la douleur de Dieu dans ses enfants.  C’est ce que le Christ a dit à saint Paul sur le chemin de Damas : « pourquoi me persécutes-tu ? » Blesser un homme, c’est blesser Dieu.  Aider une personne, c’est rencontrer Dieu d’une nouvelle manière.
            Jésus n’oppose donc pas la vie active et la vie contemplative, mais il rappelle que toute notre bonne volonté risque de se perdre si elle ne se nourrit pas de la prière.  C’est ce que le Christ a fait quand il était sur terre.  Il s’est souvent retiré pour prier, pour parler avec son Père, que ce soit dans le désert après son baptême ou au mont des Oliviers avant sa Passion.  C’était riche de l’amour de son Père qu’il pouvait affronter la trahison de Judas, la fuite de saint Pierre, la haine de tout le peuple autour de lui.

            C’est la raison pour laquelle les religieuses et les religieux qui travaillent dans les hôpitaux, comme dans les écoles, passent tant de temps à la chapelle en prières. C’est pour se ressourcer.  C’est aussi la raison pour laquelle nous sommes ici dans cette église. C’est pour retrouver dans les Ecritures le récit de toutes les merveilles que Dieu a faites pour nous et c’est aussi pour recevoir avec tous nos frères et sœurs le Corps du Christ dans la sainte Eucharistie.  Cette solidarité dans la prière nous permet de mieux percevoir ce que c’est que la fraternité humaine.  Ce n’est pas quelque chose de philosophique, c’est bien au contraire christologique.  C’est le Christ qui nous rassemble tous autour de lui et c’est lui qui donne à chacun d’entre nous le meilleur de lui-même, son amour, son Corps et son Sang.  Et c’est ainsi qu’après la messe nous pouvons retourner chez nous, non pas écrasés par toutes les difficultés de la vie, mais riches et forts de l’amour de Dieu, et de la communauté de prière et d’amour fraternelle que nous avons vécue pendant la messe.

            La question n’est pas de savoir s’il faut choisir Marthe ou Marie.  La solution, c’est d’être à la fois l’une et l’autre, c’est-à-dire d’être Marthe, qui rend service, parce que je suis aussi Marie qui se nourrit de la Parole de Dieu et de son Eucharistie, comme le Christ lui-même se nourrissait de sa prière avec son Père pour venir au milieu de nous offrir sa vie pour nous sauver.
            Repartons donc aujourd’hui joyeux d’avoir été auprès de Jésus comme Marie pour être ensuite au milieu des autres comme Marthe, riches de cette belle rencontre.