23ème dimanche ordinaire

Auteur: Laurent Mathelot
Date de rédaction: 4/09/22
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

Le Dieu jaloux

Une manière très intéressante de réfléchir à notre vie spirituelle est de se pencher sur les passages de la Bible qui ne nous plaisent pas, que nous n’aimons pas ou ceux dont nous sommes particulièrement amnésiques, que nous avons tendance à facilement oublier. Se plonger régulièrement dans les Écritures permet, à l’occasion, de buter à nouveau sur ces passages que nous avons tendance à enfouir, et de s’interroger à nouveau frais sur le pourquoi ils nous dérangent.

Les premiers versets de l’Évangile de ce dimanche sont dans doute, pour beaucoup, de ces passages qui dérangent : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. »

Le verset suivant n’est pas beaucoup plus engageant : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. » On s’éloigne assez fort d’une vison béate de l’amour chrétien. Certes l’Évangile prône l’amour et la paix, mais pour qui le lit attentivement, il est aussi rempli de jugements sévères et d’exigences difficiles, voire d’attitudes de Jésus qui nous désarçonnent.

Prenons un exemple, saviez-vous que, dans l’Évangile de Luc, lors de la dernière Cène, Jésus demande explicitement à ses disciples de se munir d’armes ? Je cite [Lc 22, 36] : « Celui qui n’a pas d’épée, qu’il vende son manteau pour en acheter une. » [38] : « Ils lui dirent : ‶Seigneur, voici deux épées.″ Il leur répondit : ‶Cela suffit.″ ». Si vous n’avez jamais entendu ce passage, c’est que pour beaucoup il est gênant. L’Église n’en parle quasiment jamais. Pourtant, il est bien dans l’Écriture : il a un sens.

Autre passage difficile c’est quand Jésus utilise un fouet pour chasser les marchands du Temple [Jn 2, 13-25]. N’est-ce pas en flagrante contradiction avec le commandement d’aimer ses ennemis ? Il y a beaucoup de passages qui sont gênants dans la Bible, dont nous préférerions peut-être qu’ils n’y soient pas, sur lesquels nous avons tendance à faire l’impasse. Mais ce faisant nous créons un stéréotype, une image de Jésus qui nous nous plaît et non tel que la Bible le dépeint, un Jésus tout paisible et tout doux comme nous aimerions que soit l’amour. Il n’est pourtant pas toujours tendre le doux Jésus.

Se donner une image naïve du Christ, évacuant tous ses aspects rugueux, en faire un apôtre de la non-violence, une sorte de Gandhi antique, c’est s’aveugler sur notre religion. Dans l’Évangile, Jésus s’énerve, vitupère et parfois insulte. Il souffre et il pleure. Et souvent, l’enseignement de ses paraboles est sévère. On se souvient, il y a quelques semaines, de la porte étroite et du paradis qui se ferme devant ceux qui en sont exclus [Lc 13, 22-30].

Ce genre d’obscurantisme est un danger spirituel. C’est sûr qu’à conserver l’image d’un Jésus tous doux, jamais il ne pourra nous traiter d’hypocrites comme il le fait des Pharisiens ; jamais un Jésus tout gentil ne nous dira « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de scandale.» [Mt 16, 23]. Pourtant, il nous arrive de le renier … en pensée, en parole, par action ou par omission.